Le président ivoirien s’est rendu entre les 15 et 17 septembre au Vatican. Cette visite, qui s’inscrit dans le cadre du cinquantenaire des relations diplomatiques entre Yamoussoukro et le Saint-Siège, est la seconde effectuée par Alassane Ouattara dans la ville-État. Temps fort du séjour : une rencontre avec le Pape François, où nombre de sujets ont été abordés, au premier rang desquels le processus de réconciliation et le dialogue interreligieux en Côte d’Ivoire.
Décrispation du climat socio-politique ivoirien
À l’occasion de cette visite d’État, la Basilique Saint-Marie-Majeure de Rome a organisé le vendredi 16 septembre une Messe d’action de grâce pour la paix retrouvée en Côte d’Ivoire. La nation éburnéenne a en effet entamé, depuis plusieurs mois, un long processus de réconciliation nationale.
Dernier signe d’apaisement : la grâce en août dernier de Laurent Gbagbo. L’ancien président était sous le coup d’une condamnation à vingt ans de prison pour le « braquage » de l’agence ivoirienne de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), pendant la crise post-électorale de 2010-2011. Cette dernière, pour rappel, avait été déclenchée à la suite du refus de son refus de reconnaître la victoire d’Alassane Ouattara. Ces tensions avaient alors conduit à d’importantes violences qui, sur fond de tensions communautaires, ont fait plus de trois mille morts dans le pays.
Lors de la cérémonie, Mgr Pietro Parolin, secrétaire d’État du Saint-Siège, a souligné ces « moments difficiles », tout en saluant la stabilité ivoirienne retrouvée. La participation à la messe du cardinal Jean-Pierre Kutwa, archevêque d’Abidjan, a par ailleurs confirmé cette volonté de cohésion nationale, tant celui-ci avait émis des réserves quant à un troisième mandat d’Alassane Ouattara en 2020. Une déclaration qui avait alors créé un malaise entre le clergé et la présidence en Côte d’Ivoire.
Échanges entre Alassane Ouattara et le Pape François
Alassane Ouattara et son épouse ont été reçus le lendemain par le Pape François au Palais apolistique. Les échanges ont porté sur la paix et la solidarité dans le monde, la lutte contre les inégalités, ainsi que sur le bon niveau des relations entre la Côte d’Ivoire et le Vatican. Les deux parties se sont aussi exprimées sur le besoin de densifier leur coopération bilatérale, alors que le Saint-Siège est déjà très actif en matière de santé et d’éducation dans le pays d’Afrique de l’Ouest.
À l’issue de cette rencontre d’une vingtaine de minutes, le président ivoirien et le chef de l’Église catholique se sont échangé plusieurs présents. Si le Pape François s’est vu offrir un coffret en bronze, Alassane Ouattara a de son côté reçu des ouvrages pontificaux, dont le Document sur la fraternité humaine pour la paix dans le monde et la coexistence commune, ou « déclaration d’Abu-Dhabi ».
Cette déclaration de dialogue interreligieux, signée le 4 février 2019 par le Pape François et l’Imam d’Al-Azhar Ahmed el-Tayeb (l’une des plus grandes figures du sunnisme), promeut la « culture du dialogue » entre islam et christianisme. Un message loin d’être anodin à l’aune du caractère multiconfessionnel de la population ivoirienne qui, d’après le dernier recensement de 2014, se composerait de 42% de musulmans et de 34% de chrétiens (catholiques et protestants compris).
Bonnes pratiques en matière de dialogue interreligieux
Au cours de son séjour, le chef d’État ivoirien a aussi rencontré une délégation de la Communauté Sant’Egidio conduite par Mario Giro. L’ancien vice-ministre italien des Affaires étrangères et de la Coopération internationale (2016-2018) lui a présenté les activités sociales et internationales de son association de fidèles catholiques. Cette dernière s’implique entre autres en faveur de la réinsertion scolaire de jeunes Africains, mais aussi plus largement de la paix au Sahel et en Afrique de l’Ouest.
La Communauté Sant’Egidio est par conséquent célèbre pour son expérience dans la médiation de conflits, en particulier sous l’angle du dialogue interreligieux, qui est au cœur des intérêts ivoiriens. Elle s’est illustrée en juin dernier pour son rôle dans la conclusion d’un accord de paix en République centrafricaine, en réunissant treize groupes rebelles – dont des anti-Balaka pro-chrétiens et des ex-Séléka de la minorité musulmane – pour faire respecter un cessez-le-feu immédiat dans le pays.
Un fait d’armes qui n’a sans doute pas laissé Alassane Ouattara indifférent, puisque son pays a organisé en février dernier un colloque international inédit, dont le but était d’orienter des actions pour construire la paix sociale sur « la solidarité, la fraternité et le dialogue entre toutes les religions ».
afrik