Un collectif, dont font partie Gilles Lellouche, Kheiron, Camille Cottin, Kyan Khojandi, Mélissa Theuriau, Marjane Satrapi, appelle à participer à la grande marche qui se tient dimanche 2 octobre à Paris. Après le meurtre de Mahsa Amini, le peuple iranien a besoin de la communauté internationale pour poursuivre sa lutte contre la dictature.
Au 26 septembre, une ONG faisait état de 76 morts depuis le début des manifestations.
Le 13 septembre 2022, Mahsa Amini a été arrêtée à Téhéran par la «police des mœurs» chargée de faire respecter le port du voile obligatoire aux femmes. Mahsa a été frappée si brutalement au commissariat qu’elle est tombée dans le coma. Elle est décédée de ses blessures, le vendredi 16 septembre, à l’âge de 22 ans. Cette nouvelle exaction, qui pourtant est le quotidien des femmes en Iran, est à l’origine du mouvement massif de contestation du peuple iranien et notamment des jeunes auxquels le régime totalitaire en place répond par une répression sanglante et aveugle.
Depuis la révolution islamique de 1979, l’Iran est dirigé par un guide suprême, autorité religieuse elle-même désigné par une assemblée de membres religieux. Le peuple iranien vit depuis sous un régime totalitaire imposant la charia au sein de son code pénal et niant toute liberté d’expression.
Prison, torture, peine de mort…
Selon le dernier rapport d’Amnesty International 2021/2022, des milliers de personnes ont été interrogées, poursuivies de façon inique ou détenues arbitrairement alors qu’elles n’avaient fait qu’exercer pacifiquement leurs droits humains, et des centaines étaient toujours emprisonnées injustement. La torture et les autres formes de mauvais traitements demeuraient généralisées et systématiques. La peine de mort était largement utilisée, notamment comme instrument de répression. De nombreux journalistes, avocats, cinéastes et opposants politiques sont aujourd’hui emprisonnés en Iran pour avoir dénoncé ce régime totalitaire. Nous pensons notamment à l’avocate Nasrin Sotoudeh, condamnée à dix ans de prison et à 148 coups de fouet pour «incitation à la débauche» alors qu’elle n’exerçait que son métier en défendant la cause des femmes iraniennes et le respect des droits de l’homme. Mais là encore ce n’est pas le seul cas : le 26 septembre 2022, dix avocats iraniens ont été arrêtés dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions.
Déjà en 2009, après «l’élection» du président Mahmoud Ahmadinejad, le peuple iranien était descendu en masse dans les rues pour revendiquer le respect des droits humains. Cette manifestation a été réprimée dans le sang, plus de 150 personnes ont été tuées, des milliers arrêtés et torturées, dont des centaines violées en prison par les agents du régime.
En 2019, la répression a été encore plus meurtrière lorsque les Iraniens ont manifesté contre la hausse des prix due à la politique internationale du régime (notamment concernant le nucléaire). Elle fut d’une ampleur inédite sous la République islamique : environ 1 500 personnes tuées selon une enquête de l’agence Reuters, le nombre des arrestations est d’au moins 7 000 selon Amnesty International et l’ONU.
Malgré une politique largement misogyne et discriminatoire, les universités iraniennes sont fréquentées à près de 60 % par des femmes. Largement éduqué, le peuple iranien est ultra-connecté au monde grâce aux VPN leur permettant d’accéder à l’information via Twitter, Instagram et autres réseaux sociaux.
Au péril de leur vie
C’est par le biais des réseaux sociaux que le mouvement My Stealthy Freedom (Ma liberté furtive) est né en 2014 sous l’initiative de l’activiste et journaliste Masih Alinejad. Les femmes iraniennes se prenaient en photo sans le voile en Iran et envoyaient leurs clichés à la journaliste qui les publiait sur son groupe Facebook connu mondialement. Ce mouvement s’est ensuite transformé en #MyCameraIsMyWeapon (ma caméra est mon arme) incitant les femmes iraniennes à filmer leurs agresseurs /harceleurs leur faisant des remarques sur leur tenue vestimentaire.
Depuis la mort tragique de Mahsa Amini le 16 septembre 2022, le peuple iranien, avec en tête ses femmes, manifeste au péril de sa vie, revendiquant la fin du régime totalitaire en place et plus de liberté. De Téhéran à Rasht, de Qom à Ispahan, toutes les grandes villes du pays se soulèvent contre la dictature s’exposant aux balles réelles que la police armée n’hésite pas à utiliser contre les manifestants.
Au 26 septembre dernier, l’ONG Iran Human Rights (IHR), basée à Oslo, faisait état d’au moins 76 morts dans la répression par la République islamique… mais le tragique bilan est bien plus lourd, puisque de nombreuses personnes disparaissent.
La censure comme première arme
Depuis plus d’une semaine les autorités iraniennes ont procédé, comme à chaque soulèvement du peuple, à une coupure générale de l’accès à Internet pour mettre sous cloche le pays et multiplier les exactions. «Si vous n’entendez plus parler de nous, sachez qu’ils auront coupé Internet, nous continuons à nous battre pour nos droits» : voici le message de centaines d’Iraniens sur Twitter quelques heures avant que le régime ne coupe l’accès à Internet.
Plus que jamais le régime sait que les Iraniens maîtrisent les réseaux et veulent crier leur détresse au monde. Déjà en 2019 cette technique malheureusement efficace a réduit le peuple au silence.
ujourd’hui plus que jamais le peuple iranien a besoin de la communauté internationale. Nous savons désormais les manœuvres du régime et nous connaissons le combat du peuple iranien contre la dictature. Nous leur apportons notre soutien et rappelons l’importance de reconnaître l’accès aux droits fondamentaux pour le peuple Iranien que sont : le respect de la dignité humaine, la liberté, la démocratie, l’égalité, l’état de droit et le respect des droits de l’homme.
Nous appelons à participer massivement à la grande marche de soutien au peuple iranien qui se tiendra le dimanche 2 octobre à 15 heures place de la République direction Nation et plus globalement à la multiplication des initiatives pour que leur combat ne tombe pas dans l’oubli.
Liste complète des premiers signataires. Une pétition est en ligne pour soutenir le mouvement.
Parmi les premiers signataires
Emmanuelle BERCOT, cinéaste, Andréa BESCOND, réalisatrice et autrice, Bruno BLANQUER, président de la Conférence des bâtonniers et avocat, Romane BOHRINGER, comédienne, Camille CHAMOUX, actrice, Camille COTTIN, actrice, Julie COUTURIER, bâtonnière de l’ordre des avocats de Paris et avocate, Arnaud DESPLECHIN, réalisateur, Sarah DORAGHI, journaliste et autrice, André ENGEL, metteur en scène, Giulia FOÏS, journaliste, Olivier FAURE, député, Geneviève GARRIGOS, ancienne présidente d’Amnesty International France et conseillère de Paris, Jérôme GAVAUDAN, président du Conseil national des barreaux et avocat, Sacha HOULIÉ, président de la commission des lois à l’Assemblée, Mina KAVANI, actrice, Kubra KHADEMI, artiste et peintre, Kheiron, auteur, réalisateur, comédien et humoriste, Kyan KHOJANDI, comédien, Gilles LELLOUCHE, acteur, réalisateur et scénariste, Alexis MICHALIK, auteur et metteur en scène, Ariane MNOUCHKINE, directrice du théâtre du Soleil, Aminata NIAKATE, conseillère de Paris, membre du Conseil économique, social et environnemental et avocate, Vincent NIORÉ, vice-bâtonnier de l’ordre des avocats de Paris et avocat, Jean-Michel RIBES, directeur du théâtre du Rond-Point, Marjane SATRAPI, réalisatrice et dessinatrice, Syrus SHAHIDI, acteur, Mélissa THEURIAU, journaliste et réalisatrice, Sophie TAILLE-POLIAN, députée…
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