Avec plus de 43 années, il détient le record mondial de longévité au pouvoir pour un chef d’Etat encore vivant, hors monarchies. Le président de la Guinée équatoriale, Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, briguera un 6e mandat, dans ce petit Etat pétrolier d’Afrique centrale au régime parmi les plus fermés et autoritaires au monde.
Réélu en 2016 avec plus de 90% des suffrages, Teodoro Obiang semblait pourtant préparer ces dernières années un dauphin pour lui succéder, l’un de ses fils, le vice-président Teodoro Nguema Obiang Mangue, surnommé Teodorin, jet-setteur invétéré connu pour son train de vie luxueux et condamné en France dans l’affaire des « biens mal acquis ».
Le chef de l’Etat limitait ces derniers mois ses apparitions publiques quand Teodorin prenait de plus en plus la lumière, nouvellement très médiatisé sur tous les fronts de la politique nationale à mesure que s’effaçait le patriarche. Sans renoncer toutefois à s’afficher sur les réseaux sociaux entourés de naïades ou au volant de voitures de courses aussi rares que chères.
Mi-décembre 2021, tout le monde s’attendait à ce que le parti au pouvoir désigne Teodorin candidat à la prochaine présidentielle.
Mais les caciques du pouvoir clanique et très autoritaire ainsi que la garde rapprochée du père semblaient avoir jugé qu’il était trop tôt et peut-être trop provocateur encore de le propulser officiellement successeur au moment où la chute des revenus des hydrocarbures depuis 2014 et la pandémie de covid-19 rendent son pays encore plus dépendant de l’aide et des financements extérieurs.
Le Parti démocratique de Guinée équatoriale (PDGE) avait alors décidé, contre toute attente, de ne nommer personne encore comme candidat à la présidentielle.
Surtout qu’à 80 ans, le très austère Teodoro –l’opposé de son fils– est réputé mener une vie d’ascète, d’avoir une bonne hygiène de vie et de pratiquer du sport quotidiennement.
« Mieux vaut un ami bien connu qu’un nouvel ami à connaître », avait lancé mi-décembre 2021 le vieux chef de l’Etat à ses partisans à l’ouverture du congrès du PDGE.
Hantise du coup d’Etat
Le 3 août 1979, c’est par les armes, avec des officiers, qu’il renverse son oncle, le sanguinaire dictateur Francisco Macias Nguema, fusillé deux mois plus tard.
Le président Obiang en a gardé la hantise du coup d’Etat et s’est appliqué à installer des services de sécurité omnipotents sous son autorité directe.
Depuis son accession au pouvoir, il affirme avoir déjoué au moins dix tentatives de coup d’Etat ou d’assassinat et, à chaque tentative, Malabo a répondu par la répression, accusant alternativement l’armée, l’opposition ou des puissances étrangères.
Teodoro Obiang, d’abord chef d’un pays sans grandes ressources et traité avec suffisance par les autres présidents africains, a bénéficié de la découverte de pétrole dans les eaux territoriales au début des années 1990.
Les cartes sont rebattues, le pays s’enrichit, et se hisse parmi les PIB par habitant les plus élevés d’Afrique: 19.513 dollars par habitant en 2017, selon un rapport de l’ONU.
Mais cette nouvelle richesse a surtout servi à financer des projets pharaoniques, comme celui de Djibloho, une ville nouvelle construite au milieu de la jungle grâce à l’argent des pétro-dollars, qui a dévoré à lui seul près de la moitié du budget du pays en 2016 au détriment de l’éducation ou de la santé.
L’espérance de vie stagne ainsi en dessous de 60 ans et la très grande majorité du million d’Equatoguinéens vit sous le seuil de pauvreté.
Prince Teodorin
Parallèlement, la Guinée équatoriale est régulièrement citée par les ONG comme étant l’un des pays les plus corrompus au monde, préférant investir dans des hôtels particuliers luxueux en Europe.
Teodorin, nommé par son père vice-président en 2016, un poste créé sur mesure pour assurer l’intérim en cas de décès ou d’empêchement, a ainsi été définitivement condamné à trois ans de prison avec sursis et 30 millions d’euros d’amende dans une affaire de « biens mal acquis » en juillet en France.
Au congrès du PDGE de décembre 2021, le chef de l’Etat avait mis en garde à plusieurs reprises « ses ennemis intérieurs et extérieurs », « des menaces » pour « la défense de la paix, la stabilité socio-politique et l’unité nationale ».
Il a appelé la jeunesse à continuer d’oeuvrer « pour la construction d’un Etat plus fort, plus soudé, invincible et sans fissure ».
Seule une opposition de façade est tolérée dans le pays. Jusqu’en 1991, le PDGE était parti unique, avant que le pouvoir ne tolère des petits mouvements satellites ou « d’opposition », qu’il supprime lorsqu’ils deviennent trop menaçants.
En Guinée équatoriale, volontiers surnommée par les détracteurs des Obiang la « Corée du Nord d’Afrique », les arrestations ou disparitions d’opposants sont fréquentes, et beaucoup d’entre eux ont trouvé refuge à l’étranger, notamment en Espagne, ancienne puissance coloniale.
dakar-echo