Sabotage des gazoducs Nord Stream : une attaque hybride qui démontre la vulnérabilité des infrastructures sous-marines

Les gazoducs Nord Stream 1 et Nord Stream 2 relient la Russie à l’Allemagne. Même s’ils n’étaient pas en activité, leur destruction partielle est significative. La presse allemande l’interprète comme un acte de la guerre sous-marine et de la guerre du gaz.

Le rejet de gaz provenant d’une fuite sur le gazoduc Nord Stream 1
Cette photo prise le 28 septembre 2022 depuis un avion des gardes-côtes suédois montre le rejet de gaz provenant d’une fuite sur le gazoduc Nord Stream 1, dans la zone économique suédoise de la mer Baltique.

Le 26 septembre 2022, les radars sismiques des réseaux de surveillance suédois et danois ont enregistré deux explosions autour de l’île danoise de Bornholm. Quatre fuites ont depuis été détectées sur les deux gazoducs sous-marins Nord Stream 1 et Nord Stream 2 reliant la Russie à l’Allemagne. Longs d’un peu plus de 1.200 km, ils étaient tous les deux remplis d’environ 150 millions de m3 de gaz chacun, même si aucun des deux n’était en service. Voici un pas de plus franchi dans « la guerre du gaz », analyse le Spiegel, tandis que la mer Baltique serait soudain devenue « une zone de guerre offshore ». La force des détonations, équivalant sans doute à 500 kg de TNT, indique qu’un État serait à l’œuvre, ce qui signifie que les gazoducs auraient été victimes, selon les termes de l’OTAN, « d’actes de sabotage délibérés ». Quel pays a donc entrepris de couper ces canalisations et pour quelles raisons ?

Même s’il est impossible de la désigner comme responsable de ces actes malveillants, la « guerre du gaz » fait partie de l’histoire de la Russie, explique l’hebdomadaire allemand, car Moscou a toujours utilisé les approvisionnements en énergie (gaz, pétrole, charbon) comme moyen de chantage politique et économique, en particulier avec ses partenaires commerciaux est-européens et ex-soviétiques (Ukraine, Biélorussie, Géorgie, Moldavie, pays Baltes). L’Occident se pensait épargné, mais il se trouve lui aussi engagé dans un bras de fer depuis un an tout juste, lorsque Gazprom a réduit les quantités de gaz à destination de l’Europe dans les pipelines Jamal et Transgas transitant par la Pologne et l’Ukraine. Et la pression a monté de plusieurs crans en 2022, lorsque les livraisons via le gazoduc Nord Stream 1 ont progressivement diminué, pour cesser totalement le 1er septembre.

D’habitude, les rationnements de gaz permettent de faire monter les prix, mais, aujourd’hui, la destruction radicale de l’infrastructure permettant les approvisionnements vers l’Allemagne n’est plus seulement un « coup de semonce ». Pour les experts du Service fédéral de renseignement (BND) allemand, si la Russie était l’auteur de ce sabotage, sa motivation la plus plausible serait de vouloir éviter d’endosser la responsabilité juridique d’une interruption des livraisons, et d’avoir à payer les pénalités afférentes.

De leur côté, les chercheurs de l’Institut Paul Scherrer (Suisse), qui ont constitué une base de données recensant plus de 10.000 attaques contre des infrastructures énergétiques depuis 1980, confirment que le sabotage des gazoducs Nord Stream revêt une « dimension nouvelle », même s’il apparaît que ce type d’attaques ciblées contre le secteur énergétique a évolué ces dernières années en se professionnalisant. La particularité de cette destruction non revendiquée est précisément son ambiguïté. Elle relève de l' »attaque hybride », contre laquelle il est difficile de se défendre car on n’en connaît ni l’auteur, ni les motifs. De fait, la Russie a d’ores et déjà réfuté toute implication – même si elle dispose, comme la Chine, de moyens conséquents pour réaliser la guerre sous-marine.

Les explosions sur les gazoducs Nord Stream remettent sur le devant de la scène le problème de la protection des infrastructures sous-marines.

sciencesetavenir

You may like