Santé: le financement de l’innovation, un casse-tête à résoudre

Les innovations se multiplient en santé et la médecine fait des pas de géant. Posant au passage la question du financement de ces découvertes par les pouvoirs publics, alors que le budget de la Sécurité sociale est sous tension.

Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2023, très décrié par l’industrie pharmaceutique, s’attelle au sujet. Car la médecine a connu des sauts technologiques -onéreux- depuis une décennie. Et le secteur du diagnostic n’est pas en reste, explique à l’AFP Pascal Pujol, chef du service d’oncogénétique du CHU de Montpellier.

« Prenons l’exemple des maladies rares, que beaucoup de gènes déficients peuvent expliquer. La génomique (ou science du génome, ndlr) permet d’apporter de la précision dans leur diagnostic et leur prise en charge », développe-t-il.

Mais ces promesses pour les patients ont un coût stratosphérique. Ainsi, pour Zolgensma, une thérapie génique pour une maladie rare du laboratoire suisse Novartis, il faut compter quelque 2 millions d’euros par patient.

« La question de la prise en charge des innovations se pose pour tous les pays, car les budgets ne sont pas extensibles, y compris en Europe de l’Ouest », souligne Alexandre Regniault, avocat et responsable du pôle santé et sciences de la vie pour le cabinet Simmons & Simmons.

« Comme chaque fois que l’on a des innovations importantes, les prix sont très élevés », abonde l’économiste de la santé Bruno Ventelou, directeur de recherche au CNRS. Dans 20 ans, les techniques de production s’améliorant, les prix demandés par les laboratoires devraient être plus raisonnables, avance-t-il.

Remboursement à la performance
Face à l’explosion des coûts, le PLFSS 2023 propose « un modèle de financement novateur pour les médicaments de thérapies innovantes ». Pour la première fois, sont ainsi proposés l’étalement des paiements et le paiement en fonction des résultats en vie réelle.

En résumé, si les résultats ne sont pas là pour les malades, les versements au laboratoire pharmaceutique s’interrompront. Cette mesure s’appliquera en réalité à quelques médicaments seulement pour l’instant, en thérapie génique et cellulaire, qui coûtent plusieurs centaines de milliers d’euros, explique-t-on au ministère de la Santé.

Ce concept a été accueilli avec prudence par le secteur du médicament. « Si l’on conditionne trop le remboursement d’un traitement à la performance, des laboratoires, estimant qu’il y a trop de risques, pourraient délaisser certains secteurs de la recherche », estime l’économiste de la santé Bruno Ventelou. Ces mécanismes de contrats à la performance, « quand ils sont mal conçus », peuvent pousser les laboratoires à s’éloigner de certaines pathologies, rappelle-t-il.

Au-delà de cette seule mesure, l’industrie pharmaceutique se montre très critique envers d’autres aspects du texte, qui prévoit des économies sur le médicament estimées à hauteur de 1,1 milliard d’euros selon le gouvernement, à plus de 3 milliards selon la fédération des entreprises du médicament (Leem).

Des propositions « qui vont fragiliser la production française et l’accès des patients aux innovations », a dénoncé Didier Véron, président du G5 santé, qui regroupe les huit principales entreprises françaises des produits de santé, lors d’une conférence de presse jeudi.

Le secteur de la biologie n’est pas en reste. Pour répondre à l’explosion des dépenses durant la pandémie, pour les tests Covid, le PLFSS propose ainsi que les acteurs du diagnostic travaillent à un accord « présentant des économies significatives ». Faute de quoi, le ministère de la Santé pourrait décider d’une baisse des tarifs de biologie « par arrêté ».

Face à la fronde, le gouvernement a annoncé jeudi des modulations sur certains des points les plus contestés du PLFSS, comme le recours à des appels d’offres pour certains médicaments (pour les hôpitaux). « Un amendement gouvernemental sera déposé pour transformer cette procédure en simple expérimentation sur une classe de produits bien définie », a déclaré jeudi le ministre délégué à l’Industrie Roland Lescure, à l’occasion des rencontres du G5 santé.

 AFP

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