Prêt à quitter la présidence d’Ennahdha : Ghannouchi joue-t-il sa dernière carte ?

A quoi joue Rached Ghannouchi ? Quelles cartes lui reste-t-il en main pour aller jusqu’au bout de son opposition politique ? Saura-t-il conduire tout un front pour contrer le Président de la République qui, jusque-là, ne fait qu’ignorer ces mouvements ?

Depuis les événements du 25 juillet, le parti Ennahdha et son président, Rached Ghannouchi, se sont inscrits dans une lutte acharnée contre le processus engagé par le Chef de l’Etat. Et souvent, tous les moyens sont bons pour ce faire, y compris une guerre médiatique sans fin mobilisant médias locaux et étrangers mais aussi les réseaux sociaux et les cercles d’influence. A quoi joue Rached Ghannouchi ? Quelles cartes lui reste-t-il en main pour aller jusqu’au bout de son opposition politique ? Saura-t-il conduire tout un front pour contrer le Président de la République qui, jusque-là, ne fait qu’ignorer ces mouvements ?

Au fait, Rached Ghannouchi multiplie les apparitions médiatiques avec un seul message à dire : «Il faut protéger la démocratie tunisienne du coup d’Etat de Kaïs Saïed». Ce sont les mots que ne cesse de répéter le premier responsable d’Ennahdha, adressés exclusivement à l’étranger. Mais est-il en train, vraiment, de protéger la démocratie tunisienne ou simplement défendre les intérêts de son parti qui, avant le 25 juillet, était au bord de l’implosion ?

Dernièrement, Ghannouchi a brisé le silence sur le plateau de son média préféré, la chaîne d’information qatarie Al-Jazeera. Outre les messages hostiles au Président de la République, il est allé jusqu’à appeler ses partisans, mais aussi les sympathisants de son parti, à intensifier ce qu’il appelle la lutte contre le putsch du Président de la République. Il a ajouté que le Front de salut national, dont Ennahdha fait partie, se préparait à tenir «de grandes manifestations à l’occasion de la fête de l’Évacuation du 15 octobre 2022». Pour lui, la Tunisie connaît une nouvelle forme de colonialisme et qu’il était nécessaire d’y résister. Rached Ghannouchi a indiqué que la manifestation prévue vise à s’opposer au «coup d’Etat mené par le Chef de l’Etat et aux élections législatives anticipées sur mesures et visant à exclure les partis».

Sauf que le gardien du temple de Montplaisir a encore une fois mêlé l’armée nationale dans cette guerre médiatique sans limites. Inexplicablement, il a estimé que l’armée nationale «ne tirera pas sur le peuple pour défendre le Président de la République» et qu’il ne devrait pas «compter sur un soutien inconditionnel, car il ne s’agit pas d’un outil d’oppression». Comment expliquer ces déclarations, s’agit-il d’une nouvelle tentative de faire impliquer l’armée nationale dans des questions politiques ? Pour Rached Ghannouchi, la fin justifie les moyens quitte à évoquer les forces armées et leur relation avec le Président de la République, perçue en Tunisie comme une question de sécurité nationale.

Rien de personnel !
Cependant, il a affirmé que son parti n’a aucun problème personnel avec le locataire de Carthage, mais s’oppose à son «autocratie». «Nous n’avons aucun problème d’ordre personnel avec le Chef d’Etat. Cependant, nous avons un problème avec sa politique qui s’appuie sur la voie autocratique et qui pourrait porter atteinte au peuple tunisien. Nous l’appelons à lancer un dialogue national en vue d’éviter la confrontation», a déclaré Ghannouchi.

Mais après toutes ces campagnes médiatiques, quel dialogue national mettra sur la même table Ennahdha et Kaïs Saïed ? « Ennahdha et son président Rached Ghannouchi, à travers leurs appels, veulent simplement rester au-devant de la scène médiatique nationale et internationale», estiment les observateurs de la vie politique. Cependant, cette stratégie médiatique ne fait, visiblement, qu’affaiblir davantage Rached Ghannouchi, lui, qui fait enfler la polémique à chaque sortie médiatique.

S’agissant des affaires de justice, Rached Ghannouchi réitère sa position. Pour lui, «ce sont des dossiers judiciaires vides et sans fondement exploités à des fins politiques». «Les enquêtes portant sur l’envoi de Tunisiens vers les zones de conflits étaient infondées et exploitées par Kaïs Saïed afin de transformer les questions d’ordre politique telles que les élections en questions sécuritaires et terroristes. Le Président cherche à mettre fin à l’existence d’Ennahdha en exploitant la justice», a-t-il insisté, affirmant qu’il avait fait part de son mécontentement auprès du juge lors de son audition dans le cadre de ces affaires.

Prêt à se retirer
Tentant de jouer sa dernière carte, Rached Ghannouchi s’est dit également prêt à quitter la présidence d’Ennahdha. Le chef d’Ennahdha a annoncé que le prochain congrès du parti sera dédié à «l’évaluation du travail effectué lors de la dernière étape, depuis 2016, avec l’élaboration d’un rapport financier et d’un rapport moral. Il sera également question d’élaborer les stratégies futures du parti». Rached Ghannouchi a notamment indiqué que «selon les règlements en vigueur, l’actuel président du mouvement ne peut plus se présenter, il est donc candidat au changement… Pour ma part, je souhaite céder la présidence du parti», a-t-il annoncé.

Sauf qu’il pense même à quitter la scène politique «si le régime de Kais Saied prend fin». Ce sont plusieurs leaders d’Ennahdha, dont notamment Noureddine Bhiri, qui ont affirmé que Rached Ghannouchi serait prêt à quitter la scène politique «si la démocratie était rétablie en Tunisie».

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