De plus en plus de capitales adoptent désormais des mesures pour décourager l’utilisation de la voiture, au profit d’alternatives plus durables. Parfois, la population n’est pas d’accord. Des villes sans voiture, est-ce faisable ?
Au cours du siècle dernier, les rues des villes ont été adaptées aux véhicules à moteur. À Berlin, par exemple, près de 60 % de l’espace de circulation est réservé aux voitures, pour seulement un tiers des trajets, tandis que 3 % de cet espace est réservé aux vélos, alors que ceux-ci représentent 15 % des trajets. Depuis quelques années, de nombreuses villes ont commencé à remédier à cette iniquité de surface par le biais de politiques décourageant l’utilisation de la voiture et faisant la promotion d’alternatives plus durables : en trois ans, les zones où la circulation est limitée ont augmenté de 40 % dans les villes européennes. Mais il arrive que ces politiques ne rencontrent pas le soutien de la population.
Bruxelles : en première ligne contre les voitures
Le centre-ville de Bruxelles s’étend sur près de 5 km2 et compte 55 000 habitants. Dans cette zone en forme de Pentagone, il y a aujourd’hui beaucoup moins de voitures : le 16 août, la municipalité bruxelloise a mis en place un nouveau plan de circulation dans la ville, visant à réduire la circulation automobile.
« Le plan vise à donner plus d’espace routier aux piétons, aux cyclistes, aux bus ou au tram », explique Bart Dhondt, maire-adjoint de Bruxelles chargé de la mobilité. Pas question de bannir complètement la voiture, mais plutôt d’éliminer le trafic de transit – c’est-à-dire les mouvements traversant le centre-ville, sans avoir ni origine ni destination dans ce centre-ville. Cela représente 40 % de la circulation totale.
Le plan « Good Move » a donc mis en place des mesures comme la piétonnisation de certaines rues, la transformation de certaines voies à double sens en routes à sens unique et l’augmentation du nombre de pistes cyclables.
Londres : moins de voitures dans les quartiers résidentiels
À la différence de Bruxelles, à Londres, les mesures visant à réduire la circulation automobile ont été dirigées vers les quartiers résidentiels plutôt que vers le centre-ville. Ici, les « Low Traffic Neighbourhoods » (quartiers à circulation réduite) assurent que certaines rues ne sont accessibles qu’aux piétons, cyclistes, personnes en scooter ou en bus – et non aux voitures privées.
« La navigation par satellite a détourné beaucoup de voitures dans les rues résidentielles pour éviter les routes principales qui sont plus encombrées, donc le rôle des ‘Low Traffic Neighbourhoods’ est de réduire le trafic là où les gens vivent », explique Nicolas Bosetti, chef de projet à Centre for London. Il affirme que, dans l’ensemble, les quartiers à circulation réduite ont été efficaces pour encourager la marche et le vélo, et décourager les gens d’utiliser leur voiture. « Dans certains endroits, nous avons vu le nombre de cyclistes doubler, par exemple », ajoute-t-il.
Cependant, tout le monde à Londres ne partage pas l’avis de Nicolas Bosetti. « Ici, à Dulwich, les ‘Low Traffic Neighbourhoods’ n’ont pas fonctionné », déclare Clive Rates, président du collectif de citoyens Clean Air for All Dulwich. Clive Rates explique ainsi qu’à Dulwich, les blocages à la circulation ont simplement déplacé le trafic plutôt que de l’avoir réduit. Il ajoute que, comme les gens ne peuvent pas accéder à certaines routes avec leur voiture et sont obligés de faire des trajets plus longs pour contourner les restrictions, le trafic et la pollution augmentent.
Comme solution alternative pour réduire de façon permanente la circulation, Clive Rates plaide pour l’amélioration des transports publics. Il explique que les transports publics à Dulwich ne fonctionnent pas bien et ne sont pas accessibles à tous les citoyens. Si les transports publics étaient améliorés et développés, l’utilisation de la voiture diminuerait de façon importante, estime-t-il.
Paris : la révolution de la « ville du quart d’heure »
La ville de Paris est allée plus loin dans sa campagne antivoiture en remettant en cause la nécessité même des déplacements. La capitale française est en effet en train de repenser son plan d’urbanisme en se basant sur le concept de la « ville du quart d’heure » de Carlos Moreno. L’urbaniste définit la « ville des 15 minutes » comme une ville dans laquelle une personne peut accéder à tous les services essentiels en 15 minutes à pied ou à vélo, quel que soit son lieu de résidence.
Le quartier de Clichy-Batignolles, dans le nord-ouest de Paris, est un excellent exemple de la « ville du quart d’heure ». « On accède partout à pied, en vélo, en mobilité douce. Je ne vois pas de voiture », souligne Carlos Moreno. Cependant, l’urbaniste estime que le design urbain ne suffit pas pour réaliser des villes sans voitures : « Il faut changer les mentalités », affirme-t-il. Pourtant, il est fermement convaincu que c’est dans cette direction que nous nous dirigeons : « La ville du futur, c’est la ville dans laquelle une voiture est à l’endroit où elle doit être que parce que c’est strictement nécessaire, juste le temps où il faut. Pas plus. »
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