En pleine crise provoquée par les mesures budgétaires du gouvernement, la Première ministre Liz Truss limoge Kwasi Kwarteng. Il est replacé par Jeremy Hunt.
Le ministre britannique des Finances Kwasi Kwarteng a été démis de ses fonctions en pleine crise économique et politique. Cet ultralibéral de 47 ans, fait les frais d’un « plan de croissance » massif et mal financé qui a semé la panique sur les marchés. En fin de matinée, le ministre des Finances s’était rendu à Downing Street, après être rentré plus tôt que prévu de Washington où il participait aux réunions annuelles du FMI (Fonds monétaire international) et de la Banque mondiale.
La Première ministre Liz Truss a annoncé son remplacement par Jeremy Hunt. Cet ancien ministre des Affaires étrangères et de la Santé, âgé de 55 ans, était candidat cet été pour succéder à Boris Johnson comme Premier ministre, avant de se rallier à Rishi Sunak.
Truss sur la sellette
« Vous m’avez demandé de démissionner en tant que chancelier [de l’Échiquier], j’ai accepté », a écrit Kwasi Kwarteng dans une lettre à la cheffe du gouvernement publiée sur son compte Twitter, après à peine plus d’un mois à la tête du Trésor. Dans cette lettre, Kwasi Kwarteng explique qu’il avait accepté le poste en « sachant parfaitement que la situation à laquelle nous faisons face était incroyablement difficile, avec la hausse des taux d’intérêt dans le monde et les prix de l’énergie ». « Votre vision d’optimisme, de croissance et de changement était la bonne », a-t-il poursuivi, répétant que « le statu quo n’est pas une option ».
— Kwasi Kwarteng (@KwasiKwarteng) October 14, 2022
Il « est le bouc émissaire des erreurs du gouvernement », résume à l’Agence France-Presse Tony Travers, professeur à la London School of Economics (LSE). Son plan budgétaire fait de baisses d’impôts et d’aides énergétiques a fait plonger fin septembre la livre sterling à son plus bas historique et fait flamber les taux d’emprunt de l’État britannique. Les marchés s’étaient quelque peu repris après des interventions successives de la Banque d’Angleterre, mais restaient très nerveux.
Kwasi Kwarteng est pourtant un ami de longue date de Liz Truss. Tous deux sont voisins à Greenwich, au sud-est de Londres. Et ils partagent la même vision de l’économie. Le ministre des Finances avait cosigné en 2012, avec d’autres conservateurs, dont Liz Truss, le livre « Britannia Unchained », qui prônait notamment un État au périmètre réduit et qualifiait les travailleurs britanniques de « pires fainéants du monde ».
Vu son parcours, le désormais ancien ministre des Finances « ressemble à bien des égards à une sorte de Thatchérien militant », selon Tony Travers, en référence à l’ancienne Première ministre ultralibérale Margaret Thatcher. Kwasi Kwarteng s’était pourtant employé à rassurer les marchés, assurant qu’une fois le choc énergétique actuel passé, le gouvernement s’efforcerait de réduire la dette, sans convaincre.
Avec leur très décrié « plan de croissance » et les baisses d’impôts associées, lui et Liz Truss ont fait « ce en quoi ils croient », mais ils n’ont tout simplement pas préparé le terrain pour l’introduction de ce « paquet radical » de mesures, prenant par surprise « les marchés, le parti conservateur et le public », analyse Tony Travers.
Fils d’immigrés du Ghana arrivés au Royaume-Uni dans les années 1960, celui qui était avant son arrivée au Trésor et depuis janvier 2021 ministre des Entreprises, de l’Industrie et de l’Énergie, était le premier chancelier de l’Échiquier noir du pays. Comme ministre de l’Énergie, il s’était attiré les critiques de l’opposition et des ONG en dévoilant une nouvelle stratégie mettant l’accent sur le nucléaire, les renouvelables, mais aussi les énergies fossiles en mer du Nord, la sécurité énergétique reprenant le dessus sur l’urgence climatique depuis la guerre en Ukraine.
Kwasi Kwarteng, décrit comme brillant, très sûr de lui et affable, est né à Waltham Forest (nord-est de Londres) et il a vécu dans la capitale britannique la plus grande partie de sa vie. Il est marié à une avocate, Harriet Edwards, avec qui il a eu une fille l’an dernier. Polyglotte et érudit – il se piquerait d’écrire de la poésie en latin –, passionné d’histoire et de musique, le chancelier est aussi fan de cricket. « Si vous pouvez lui expliquer les choses par une analogie avec [ce sport], vous attirerez toujours son attention », a assuré au quotidien The Times le député Mark Fletcher, qui a travaillé avec lui.
Fils d’un économiste et d’une avocate, il a eu un parcours typique de l’élite britannique : études secondaires à Eton grâce à une bourse, doctorat en histoire économique à l’université de Cambridge, après un passage à Harvard. Il a travaillé comme analyste financier, chroniqueur dans la presse, avant d’être élu député de Spelthorne, au sud-ouest de Londres, en 2010.
LEPOINT