Les comparaisons entre la teneur en particules fines dans l’air ambiant de 32 villes européennes et le taux de mortalité lié au Covid-19 montrent une étroite corrélation. Entrant profondément dans les poumons, les particules favorisent l’action du coronavirus, préviennent les chercheurs lors de cette Journée nationale de la qualité de l’air du 14 octobre.
Pollution de l’air à Paris
Sur le lien entre Covid et pollution de l’air, une étude plus spécifique sur Paris sera publiée prochainement.
Pourquoi Brest ou Bordeaux ont-elles connu des taux de mortalité liés au Covid-19 bien inférieurs à ceux de Paris ou de l’est de la France ? Pourquoi a-t-on dû transférer des malades gravement atteints d’une région à l’autre en raison d’une plus grande disponibilité de places en réanimation ?
La pollution de l’air aggrave les pandémies virales
« Alertés par des études montrant une corrélation entre qualité de l’air et circulation du virus, nous avons voulu aller plus loin en comparant les teneurs en particules fines de 2,5 microns (PM 2,5) dans l’air de grandes villes avec le taux local de mortalité, un indicateur qui nous paraissait bien plus fiable que le taux d’incidence des contaminations, par exemple, où les biais comme les non-déclarations sont nombreux », explique Jean-Baptiste Renard, directeur de recherche au sein du Laboratoire de physique et de chimie de l’environnement et de l’espace (LPC2E) au CNRS d’Orléans et coauteur de l’étude. Les résultats publiés par Science of the total environnement sont sans ambiguïté : la pollution de l’air aggrave les pandémies virales.
Pour en faire la démonstration, les chercheurs ont sélectionné 32 villes européennes, les unes connues pour une pollution récurrente de l’air, les autres pour une atmosphère beaucoup plus saine. Les spécialistes de la pollution urbaine du LPC2E se sont associés à l’équipe de l’Inserm spécialisée dans les impacts sanitaires de la pollution atmosphérique présidée par une autorité en la matière, Isabella Annesi-Maesano. Les chercheurs ont défini trois périodes d’étude : le confinement strict du printemps 2020, la période entre l’été 2020 et 2021 où se mettent en place des mesures de lutte comme le port obligatoire du masque ou les gestes barrières, et enfin l’arrivée du vaccin. Sur ces trois périodes, les niveaux de contamination ne sont pas les mêmes, mais les périodes traditionnelles de pic de pollution restent identiques avec la phase hivernale de chauffage au bois et les épandages d’engrais du début du printemps.
En abîmant les bronches, les particules fines favoriseraient l’entrée du coronavirus
Les résultats sont sans ambiguïté. « Dans les villes les plus polluées, on constate une augmentation par cinq de la mortalité lorsque les concentrations en PM 2,5 atteignent les 45 microgrammes par m3 (µg/m3), soit une augmentation d’environ 10% de la mortalité par microgramme de particules fines supplémentaire », révèle Jean-Baptiste Renard. Ce lien est retrouvé partout en Europe et les auteurs de l’article estiment qu’il faudrait désormais vérifier à l’échelle de la planète que ce phénomène est bien global. Jean-Baptiste Renard annonce par ailleurs la parution d’une étude spécifique sur Paris, qui en la matière constitue un laboratoire parfait. Les 105 km² de la capitale — qui est aussi un département — sont en effet entièrement urbanisés, ce qui permet de produire des statistiques fiables autour des 2,2 millions d’habitants.
Quelques études américaines, italiennes, espagnoles avaient déjà démontré un lien entre pollution et diffusion des virus, mais à partir des taux d’incidence du Covid-19. L’hypothèse émise est que les particules fines qui voyagent sur des centaines de kilomètres sont des diffuseurs de virus qui profitent de ces véhicules aériens pour se répandre. Le lien opéré avec la mortalité suggère un autre impact que les épidémiologistes et médecins vont tenter de caractériser. On sait depuis des décennies que les particules fines pénètrent très profondément dans les tissus pulmonaires et provoquent des lésions des bronches favorisant la survenue de maladies respiratoires et cardio-vasculaires. Mais elles pourraient aussi préparer le terrain et favoriser la diffusion du virus au sein de l’organisme. Ces soupçons vont faire l’objet de nouvelles recherches.
L’étude constitue cependant un sévère avertissement, qui devrait inciter à prendre des mesures urgentes. « L’évidence, c’est que pour réduire le risque, il faut diminuer la pollution, ce qui est entrepris avec des politiques de long terme, détaille Jean-Baptiste Renard. En attendant, il faut dès à présent diffuser à chaque pic de pollution des messages sanitaires plus pressants pour inciter les gens à rester chez eux, à diminuer leur activité physique et à s’interdire toute pratique sportive. » Les pouvoirs publics ne semblent pas avoir pris conscience de cet effet délétère direct, à court terme, avec les maladies virales, et à long terme pour les pathologies cardio-vasculaires. Les médecins et chercheurs membres du collectif Air/santé/climat ont ainsi demandé le 24 mars 2020 que les épandages agricoles soient suspendus pour réduire les émissions de particules fines déjà suspectées d’aggraver la pandémie. En vain.
sciencesetavenir