Emmanuel Macron et Olaf Scholz ont tenté, jeudi à Bruxelles, d’aplanir les tensions entre la France et l’Allemagne après l’annonce, la veille, du report du conseil franco-allemand du 26 octobre en raison de nombreuses divergences entre les deux partenaires, en particulier sur les questions énergétique et de défense.
L’ambiance devait toutefois être plutôt froide entre les deux hommes. Emmanuel Macron avait déclaré devant la presse un peu plus tôt qu’il n’était « pas bon ni pour l’Allemagne ni pour l’Europe qu’elle s’isole ». « Notre rôle est de tout faire pour qu’il y ait une unité européenne et que l’Allemagne en fasse partie », avait-il ajouté. Ce à quoi Olaf Scholz avait répliqué : « Il est très clair que l’Allemagne a toujours agi de façon très solidaire. »
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— Élysée (@Elysee) October 20, 2022
Les tensions sont particulièrement vives entre Paris et Berlin, au lendemain de l’annonce du report du conseil franco-allemand initialement prévu le 26 octobre à Fontainebleau. Après plusieurs fuites dans la presse européenne, le gouvernement allemand a officialisé mercredi le report de ce forum de dialogue important entre les deux capitales. « Il y a toute une série de sujets (…) où l’on n’est pas encore arrivé à une position commune », a justifié le porte-parole du gouvernement allemand, Steffen Hebestreit, questionné sur d’éventuelles dissensions entre Berlin et Paris, lors d’un point-presse régulier.
Côté français, après avoir attribué dans un premier temps ce report à des questions d’agenda, le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, a fini par reconnaître, jeudi, des difficultés. Il a appelé à « une redéfinition stratégique des relations entre la France et l’Allemagne » afin de « créer une alliance nouvelle, peut-être encore plus forte, mais en faisant un ‘reset’ sur un certain nombre de points », a-t-il ajouté.
« Tout le monde est un petit peu à cran »
« Il y a actuellement des tensions, on voit que tout le monde est un petit peu à cran, mais il faut remettre tout ça dans son contexte », analyse Hélène Miard-Delacroix, professeure d’histoire et de civilisation de l’Allemagne à la Sorbonne et spécialiste des relations franco-allemandes. « Il faut d’abord bien comprendre qu’il y a une crise qui traverse toute l’Europe, qui ébranle les structures d’approvisionnement énergétique et qui met les relations géopolitiques sous tension. Par ailleurs, c’est une erreur de présenter la relation franco-allemande, qui consiste à faire converger des intérêts divergents, comme un long fleuve tranquille. Paris et Berlin en ont vu d’autres. »
Pour autant, les sujets qui fâchent ne manquent pas. À commencer par la stratégie européenne pour faire baisser les prix de l’énergie. Paris souhaite un plafonnement du prix du gaz utilisé pour produire de l’électricité. Un dispositif de ce type est déjà appliqué en Espagne et au Portugal, où il a permis de faire chuter les prix. Mais Berlin s’y oppose, ainsi que plusieurs pays nordiques, dont le Danemark et les Pays-Bas, rétifs aux interventions étatiques sur les marchés.
Autre sujet de friction, toujours dans le domaine énergétique : le dossier du gazoduc MidCat reliant l’Espagne à la France, soutenu par l’Allemagne et auquel Paris était opposé. La France, l’Espagne et le Portugal ont annoncé jeudi, en début d’après-midi, avoir trouvé un accord sur un projet de substitution. Emmanuel Macron a évoqué un « corridor des énergies vertes entre Portugal-Espagne et France, et à travers la France le reste de l’Europe ».
Outre l’énergie, les tensions se multiplient également dans le domaine de la défense. Alors que l’annonce d’Olaf Scholz, quelques jours après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, d’injecter 100 milliards d’euros dans le budget de l’armée allemande avait été applaudie par Paris, les mois qui ont suivi ont généré incompréhensions et déceptions.
La France a notamment mal vécu que son voisin, avec lequel un projet d’avion de combat européen – le SCAF – est sur les rails, fasse le choix d’acquérir une trentaine d’avions de chasse américains F-35.
« L’attaque de l’Ukraine par la Russie a mis au grand jour l’état pitoyable de l’armée allemande. Les Allemands ont eu peur car ils se sont rendu compte qu’ils étaient exposés et incapables de se défendre face à une attaque extérieure. Ça a été un choc. Olaf Scholz y a répondu de façon pragmatique en achetant des avions opérationnels de suite, alors que le SCAF ne le sera que dans plusieurs années », souligne Hélène Miard-Delacroix.
Enfin, Berlin s’est positionné en faveur d’un projet de bouclier antimissile, avec notamment une composante israélienne, auquel veulent se joindre 14 pays européens, dont le Royaume-Uni, les pays baltes, les Pays-Bas ou encore la Finlande. Paris y est opposé et dénonce une « course aux armements » au sein du continent.