Dès 50 ans, le manque de sommeil augmente le risque de maladies chroniques multiples

À partir d’un certain âge, les nuits se font plus courtes contribuant à la dégradation de la qualité du sommeil. Cette carence est associée au risque d’apparition d’une maladie chronique. Mais de courtes nuits conduisent-elles à en développer plusieurs interagissantes et générant une multimorbitité ? Dans une étude, des chercheurs ont analysé la durée du sommeil à 50, 60 et 70 ans auprès de 7.000 personnes.

Plus de la moitié des adultes âgés de plus de 65 ans sont atteints d’au moins deux maladies chroniques. La multimorbidité, ou la présence de multiples affections chroniques chez la même personne, est un défi majeur de santé publique. Si la littérature scientifique a apporté les preuves cohérentes d’une association entre la durée du sommeil et le risque de développer différentes maladies chroniques comme les maladies cardiovasculaires et les cancers, aucune étude ne s’était intéressée jusqu’alors au lien entre le sommeil et la multimorbidité.

Une équipe de recherche de l’Inserm et d’Université Paris Cité en collaboration avec l’University College London (Angleterre) a examiné comment la durée du sommeil à 50, 60 et 70 ans est associée à l’évolution des maladies chroniques au cours du vieillissement chez 7.000 hommes et femmes. Ils ont trouvé une association robuste entre de courtes nuits de sommeil (inférieure ou égale à 5 heures) et un risque plus élevé de multimorbidité. Les résultats de cette étude sont publiés dans Plos Medicine.

Nous passons un tiers de notre vie à dormir et l’importance du sommeil pour la santé n’est plus à démontrer. Il régule en effet plusieurs fonctions dont l’humeur, la cognition, le métabolisme ou encore l’immunité. De plus, plusieurs études scientifiques ont observé une association entre la durée du sommeil, qu’elle soit courte ou longue, et le développement d’une maladie chronique (comme l’apparition d’un cancer ou encore d’une maladie cardiovasculaire).

Le rôle du sommeil à partir de la cinquantaine
À mesure que les populations vieillissent, leurs habitudes de sommeil changent. Or on sait que plus de la moitié des adultes âgés de plus de 65 ans sont atteints d’au moins deux maladies chroniques. Si les recommandations actuelles préconisent 7 à 8 heures de sommeil par nuit, la question de savoir si la durée du sommeil au milieu et à la fin de la vie augmente ou non le risque de multimorbidité n’a pas été étudiée. Des scientifiques de l’Inserm et d’Université Paris Cité ont examiné comment la durée du sommeil est associée à l’évolution des maladies chroniques au cours du vieillissement. Ils ont pour cela utilisé les données de 7.000 britanniques collectées dans le cadre de l’étude Whitehall II de l’University College London — dans le cadre du suivi de la cohorte britannique Whitehall II, les scientifiques examinent les conséquences des facteurs sociaux, économiques, biologiques et de mode de vie sur la santé à long terme.

Les participants ont effectué une auto-évaluation de leur durée de sommeil à plusieurs reprises entre 1985 et 2019, ce qui a permis d’extraire des données sur la durée du sommeil à l’âge de 50, 60, et 70 ans pour chaque participant. Un groupe de participants (4.000 personnes) a également porté une montre connectée (ou à accéléromètre) pendant une semaine, ce qui a permis d’avoir une mesure précise de la durée de sommeil et de vérifier la précision des estimations. Ces données ont été croisées avec des informations sur l’état de santé des participants obtenues au cours de leur suivi jusqu’en mars 2019 — les informations de santé sont obtenues grâce à des questionnaires ainsi qu’à des examens cliniques réalisés tous les 5 ans dans le cadre du suivi de la cohorte (examens sanguins et électrocardiogrammes). Elles sont complétées par des données électroniques de santé (accès par exemple au registre des hospitalisations).

Les chercheurs ont ainsi pu examiner le lien entre la durée du sommeil à différents âges, son évolution entre 50 et 70 ans, et le risque de survenue de multimorbidité. Ils ont également étudié plus spécifiquement le rôle de la durée du sommeil à l’âge de 50 ans dans le risque de transition d’un état sain vers une première maladie chronique, vers la multimorbidité et vers la mortalité. Les résultats obtenus suggèrent d’abord qu’il existe une association robuste entre une courte durée de sommeil (inférieure ou égale à 5 heures) aux âges de 50, 60 et 70 ans et un risque plus élevé de multimorbidité de l’ordre de 30 à 40 % en fonction de l’âge.

Sommeil détraqué et risques de multimorbidité
Les auteurs ont également observé qu’une courte durée de sommeil à l’âge de 50 ans était associée à un risque accru de 20 % de développer une première maladie chronique, et à un risque accru similaire de multimorbidité parmi les personnes qui avaient déjà développé une première maladie chronique.

Ces résultats pourraient expliquer le risque augmenté de décès de l’ordre de 25 % observé chez les personnes âgées de 50 ans ayant une durée de sommeil inférieure ou égale à cinq heures par nuit. En effet, de courtes nuits de sommeil augmentent le risque de survenue d’une ou plusieurs maladies chroniques, et ces dernières sont associées à une espérance de vie plus courte.

Enfin, les scientifiques n’ont pas trouvé d’association robuste entre le fait d’avoir une durée de sommeil plus longue (supérieure ou égale à 9 heures) à l’âge de 50 ans et le risque de développer une multimorbidité au cours du vieillissement. Par contre, une nuit de sommeil de 9 heures ou plus chez les personnes ayant développé une première maladie chronique au cours de leur suivi (à l’âge moyen de 66 ans) était associée à un sur-risque de survenue de multimorbidité. Ce résultat suggère qu’une longue nuit de sommeil puisse être la conséquence d’une maladie chronique plutôt que sa cause. De futures études sur le sujet sont nécessaires pour confirmer cette hypothèse.

« L’ensemble de ces résultats soutiennent l’importance de la promotion d’une bonne hygiène du sommeil des populations. Pour cela, il est nécessaire de cibler les habitudes de vie et les conditions environnementales qui affectent la durée et la qualité du sommeil », explique Séverine Sabia, chercheuse Inserm et première auteure de l’étude.

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