Santé globale : les algorithmes décuplent le pouvoir de l’imagerie

Les liens entre intelligence artificielle et médecine seront au cœur des Rencontres du Grand Est sur le thème de la santé globale, événement organisé par Sciences et Avenir – La Recherche le 25 novembre 2022, à Strasbourg. Exemple avec la radiomique, nouvelle discipline qui pourrait révolutionner le diagnostic des cancers.

Le programme d’apprentissage en profondeur (« deep learning ») InnerEye, développé par Microsoft, permettra aux chercheurs d’affiner leurs propres modèles d’images médicales (ici un scan 3D de la prostate).

Santé globale, le nouveau défi.

Cette première édition des Rencontres du Grand Est aura lieu à Strasbourg le 25 novembre 2022. Cet événement organisé par Sciences et Avenir – La Recherche est gratuit, ouvert à tous ; l’inscription est obligatoire sur le site officiel www.lesrencontressanteglobale.fr. Cette inscription ouvre les portes du siège de la région Grand Est pour assister à ces Rencontres en « présentiel ». Elle donne aussi accès à la vidéo qui permettra d’assister à cet évenement en direct depuis le web, pour qui n’a pas la possibilité d’être sur place le jour « J ».

Santé Globale sera l’occasion d’assister à cinq conférences (« Qu’est-ce que la santé globale », « Numérique, robotique et IA en médecine et santé », « Les dépendances nocives pour l’hygiène de vie »…), trois tables rondes (« Éviter une autre pandémie. Les effets du climat sur la santé », « Numérique, IA, médecins et patients », « Bien manger, faire du sport et mieux dormir »), deux dialogues, et huit présentations de start-up. En parallèle, des vidéos consacrées aux arbres, à la santé planétaire, à la santé globale ou encore aux chauves-souris seront projetées toute la journée. Parmi les intervenants : Benjamin Roche (IRD), Bernard Nordlinger (Académie de médecine), Irène Buvat (institut Curie), Mathilde Pascal (Santé publique France).

Automatiser les meilleurs diagnostics possibles des cancers pour le plus grand nombre, à partir de simples imageries, sans biopsie ni examen invasif. C’est l’incroyable promesse que porte la radiomique, discipline née dans les publications scientifiques en 2012 seulement – deux études cette année-là, 912 en 2019 et plus de 2200 en 2022. Depuis tout juste dix ans, cette technique d’imagerie médicale entraîne des algorithmes à révéler, dans de simples images, non seulement l’organisation et l’architecture des tissus, mais aussi leur composition cellulaire et moléculaire. Or, les tumeurs ne sont pas qu’une masse de cellules cancéreuses indifférenciées, mais des environnements complexes dont chaque caractéristique peut s’avérer pertinente pour choisir le traitement le plus adapté. L’hypothèse de départ de la radiomique est ainsi particulièrement adaptée au cancer, l’idée étant d’utiliser l’intelligence artificielle pour extraire d’une IRM, d’un scanner ou d’un PET scan des informations génétiques, protéiques, métaboliques, physiologiques et, bien sûr, anatomiques.

« Il existe beaucoup de preuves de concept, mais aucun outil de radiomique n’est encore utilisé en routine », rappelle Irène Buvat, directrice du Laboratoire d’imagerie translationnelle en oncologie à l’institut Curie, à Paris, qui interviendra à ce sujet lors des Rencontres du Grand Est le 25 novembre à Strasbourg (Bas-Rhin). « Nous manquons encore de recul pour garantir que les machines donneront des informations utiles au traitement quel que soit le cancer « , ajoute l’experte lauréate du prix Ruban Rose Avenir 2021 décerné aux chercheurs faisant avancer la lutte contre les cancers du sein.

Des algorithmes pour déterminer les caractéristiques des tumeurs

Reste que l’intelligence artificielle peut bel et bien être entraînée pour révéler dans des images numérisées des informations en apparence invisibles. Ainsi, deux algorithmes travaillant sur les lames d’anatomopathologie, ces échantillons de tumeurs prélevés lors d’une chirurgie ou d’une biopsie, viennent d’obtenir leur marquage CE, qui ouvre la voie de leur mise sur le marché en Europe. Au contraire de la radiomique qui travaille sur de l’imagerie médicale in vivo, prise sur le patient, ces deux algorithmes de la start-up franco-américaine Owkin analysent les échantillons de tumeurs pour déterminer leurs caractéristiques. En l’occurrence, le programme RlapsRisk BC est conçu pour prédire la probabilité pour une personne atteinte d’un cancer du sein précoce de rechuter après le traitement, permettant ainsi aux oncologues de déterminer quelles patientes à haut risque peuvent bénéficier de thérapies ciblées et quelles patientes à faible risque pourraient éviter la chimiothérapie.

Sur cet échantillon de tumeur colorectale, l\'algorithme de la start-up Owkin identifie les cellules les plus instables génétiquement (points rouges).

Sur cet échantillon de tumeur colorectale, l’algorithme de la start-up Owkin identifie les cellules les plus instables génétiquement (points rouges). 

Le second, MSIntuit CRC, repère sur un échantillon de tumeur colorectale un biomarqueur révélant un défaut dans la capacité des cellules à corriger les erreurs qui se produisent lorsque l’ADN est copié. Une information cruciale pour administrer le traitement avec le plus de chances de succès. Pour mettre au point ces deux outils, Owkin a collaboré avec l’institut Gustave-Roussy (Villejuif) qui a fourni des milliers de ces lames anatomopathologie numérisées ainsi que les données de patient correspondantes : réponse aux traitements, informations génétiques, cliniques, etc.

« Avec l’IA, un petitcentre hospitalier traitant peu de cancers pourrait offrir un diagnostic aussi bon que ce qui se fait dans les meilleurs centres« 

« C’est le principe de l’apprentissage supervisé : on indique au programme des caractéristiques a priori non visuellescorrespondant aux images qu’il analyse. De cette façon, il apprend à les interpréter au-delà de ce simple aspect visuel « , précise Irène Buvat. La différence entre l’analyse anatomopathologique sur des prélèvements de tumeur et la radiomique, c’est que la première n’est pas forcément représentative de l’ensemble du cancer puisqu’elle n’analyse qu’un échantillon. « L’avantage dans les deux cas n’est pas forcément de faire mieux que les meilleurs spécialistes, prévient Irène Buvat. S’ils font aussi bien, cela permettrait déjà de gommer les inégalités qui existent entre différents hôpitaux. Avec un tel outil, un petit centre hospitalier traitant peu de cancers dans l’année pourrait offrir un diagnostic aussi bon que ce qui se fait dans les meilleurs centres anticancer « , et donc de meilleures chances de survie. Par ailleurs, l’automatisation permise par ses programmes pourrait réduire les délais de prise en charge.

« Il est important d’insister sur le fait que l’IA n’est qu’un outil, qu’elle ne remplacera pas les médecins, contrairement à ce que certains confrères aiment parfois dire « , rappelle le Pr Bernard Nordlinger, qui dirige à l’Académie de médecine le groupe de travail « Intelligence artificielle et santé » et qui interviendra lui aussi à Strasbourg. « Mais les praticiens devront se former à son utilisation, des radiologues jusqu’aux médecins généralistes. La santé du futur sera prise en charge par des médecins augmentés en quelque sorte, mais pas des docteurs automatiques « , conclut-il.

D’ici là, il faudra mettre au point des systèmes d’évaluation des algorithmes eux-mêmes pour tenter de comprendre comment ils parviennent à leur conclusion. C’est en effet l’angle mort de l’IA, crucial dans le domaine du soin : si l’on sait à partir de quoi la machine a appris et les résultats qu’elle donne, le comment reste un mystère, souvent désigné « effet boîte noire » dans le domaine. Point qui sera également débattu à Strasbourg le 25 novembre.

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