Législatives en Israël : toujours plus à droite, Benjamin Netanyahu rêve de revanche

Chassé du pouvoir par une coalition hétéroclite en juin 2021, Benjamin Netanyahu est déterminé à prendre sa revanche lors des législatives israéliennes du 1er novembre. Pour parvenir à ses fins, l’ancien Premier ministre est prêt à tout, « même à s’entourer d’alliés encombrants et à gouverner avec l’extrême droite ». Décryptage avec David Khalfa, chercheur à l’Observatoire de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient de la Fondation Jean-Jaurès.

Le 1er novembre, les électeurs israéliens vont retourner aux urnes pour tenter de sortir une nouvelle fois le pays de l’impasse politique à l’occasion des élections législatives, le cinquième scrutin de ce genre en trois ans et demi.

Ce rendez-vous électoral, fixé après la dissolution du Parlement votée par les députés le 30 juin, après la perte de majorité de la coalition au pouvoir, oppose quasiment les deux même blocs qui se faisaient face lors des législatives de mars 2021 : un camp des droites dominé par Benjamin Netanyahu, et un camp hétérogène dit de l’alternance, qui veut empêcher l’ancien Premier ministre de retrouver le pouvoir.

En 2021, le bloc anti-Netanyahu, avec à sa tête le leader nationaliste Naftali Bennett et le centriste Yaïr Lapid, l’actuel Premier ministre, avait réussi ce pari en formant une coalition composée de deux partis de gauche, deux du centre, trois de droite et de la formation conservatrice arabe Raam.

Dix-huit mois plus tard, Benjamin Netanyahu, devenu chef de l’opposition après avoir été au pouvoir de 2009 à 2021 et entre 1996 et 1999, et toujours poursuivi pour corruption dans plusieurs affaires, ne rêve que d’une chose : prendre sa revanche.

« La vie politique israélienne est toujours sur la même ligne de fracture, à savoir une confrontation entre deux blocs pro et anti-Netanyahu, explique à France 24 David Khalfa, chercheur à l’Observatoire de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient de la Fondation Jean-Jaurès. Le rapport de force entre les deux blocs n’a quasiment pas changé depuis le dernier scrutin, même s’il y a un avantage relatif en faveur de Benjamin Netanyahu par rapport à ses opposants, parce que son bloc paraît plus solide et rassemblé derrière le leader alors que le camp d’en face se présente cette fois en rangs dispersés ».

Des « alliés encombrants »
Pour mettre toutes les chances de son côté, le chef du Likud, le principal parti de la droite israélienne, est prêt à tout, « même à s’entourer d’alliés encombrants et à gouverner avec l’extrême droite, ce qui serait une première dans l’histoire d’Israël », souligne David Khalfa.

« Benjamin Netanyahu a franchi le Rubicon en soutenant une alliance des partis d’extrême droite, ce que ses prédécesseurs de droite n’ont jamais fait parce qu’ils les jugeaient infréquentables, racistes et antidémocrates, poursuit le chercheur. Or là, l’ancien Premier ministre a contribué à faire en sorte que la droite nationaliste religieuse de Bezalel Smotrich s’allie avec l’extrême droite kahaniste du sulfureux Itamar Ben Gvir, condamné en 2007 pour incitation au racisme, ce qui lui permet, théoriquement, d’éviter de perdre la moindre voix à droite ».

Ce calcul stratégique lui assure une réserve de voix susceptible de permettre la formation d’une coalition majoritaire avec 61 sièges sur les 120 que compte la Knesset, le Parlement israélien. « Benjamin Netanyahu n’a pour boussole aujourd’hui que sa survie politique qu’il utilisera comme un levier pour échapper à la case prison » résume David Khalfa.

Mais son alliance avec des personnages considérés comme des repoussoirs par l’administration américaine risque de lui coûter cher, politiquement et diplomatiquement.

« Dépendre au quotidien de tels alliés sera compliqué pour Benjamin Netanyahu, un laïc libéral, estime David Khalfa. S’il retourne au pouvoir, il devra quand même manœuvrer entre ces alliés ultra-orthodoxes et des personnages extrémistes défendant une ligne beaucoup plus dure que la sienne vis-à-vis des Palestiniens, des Arabes israéliens et de la communauté internationale, et de l’autre, les alliés stratégiques d’Israël, que sont les États-Unis et l’Union Européenne, premier partenaire commercial du pays ».

Une alliance que l’ancien Premier ministre ne semble pas totalement assumer, mais sans laquelle il ne peut gagner. « Lors d’un meeting qui s’est tenu le 18 octobre, Benjamin Netanyahu a refusé de partager l’estrade avec Itamar Ben Gvir, parce qu’il ne voulait pas être pris en photo avec lui, indique David Khalfa. La progression de cette extrême droite, qui est créditée dans tous les sondages de 14 sièges, ce qui représenterait la troisième force de la Knesset, se fait aux dépens du Likoud, qu’elle en train de siphonner en cannibalisant une partie de son électorat ».

Un avenir politique dépendant du vote arabe ?
Même avec ses « encombrants alliés » et un contexte sécuritaire qui met en difficulté le gouvernement en place, Benjamin Netanyahu n’est toutefois pas certain de parvenir à ses fins. Selon les observateurs de la scène politique locale, le taux de participation des Arabes israéliens va être déterminant pour l’avenir politique de l’ancien Premier ministre.

Un avis que partage David Khalfa. « Les Arabes représentent près de 21 % de la population israélienne et 16,5 des électeurs, et s’ils se mobilisent en masse, cela pourra lui couter cher électoralement, prévient-il. Les deux derniers sondages rendus publics mercredi par des médias israéliens montrent à peu près la même photographie, avec un bloc des droites autour de Netanyahu crédités entre 59 et 60 sièges, et le bloc dit du changement sans les partis arabes à 53 sièges, et avec les partis arabes à 62, soit la majorité pour Yaïr Lapid ».

Ce explique assurément pourquoi, selon un décompte de la presse israélienne, l’équipe de Benjamin Netanyahu dépense davantage pour ses messages de campagne rédigés en langue arabe que tous les partis arabes réunis. Avec l’espoir de les détourner du camp adverse.

« C’est un virage à 180 % par rapport à sa campagne de 2015, lorsqu’il sonnait le tocsin sur le thème ‘les Arabes votent en masse’ pour électriser sa base électorale et l’inviter à se rendre aux urnes en brandissant la menace d’une submersion démographique arabe et d’une prise de pouvoir subséquente par les partis arabes à la Knesset, rappelle David Khalfa. Benjamin Netanyahu a d’ailleurs reconnu et regretté des écarts de langage inconsidérés dans son autobiographie qui vient de sortir, d’où cette campagne digitale tous azimuts destinée à séduire l’électorat arabe en mettant l’accent sur les problématiques qui sont au cœur de ses revendications historiques ». À savoir la lutte contre le crime organisé, la réduction des écarts socio-économiques avec la majorité juive, l’accès à l’emploi et la propriété…

En plus du vote arabe, les électeurs juifs des villes de développement vont également être déterminants explique le chercheur. « Il s’agit de villes pauvres situées en plein désert du Néguev, ou en périphérie de Jérusalem ou de Tel Aviv, dont l’électorat était captif de la droite, du Likoud en particulier, et qui s’est beaucoup moins mobilisé en faveur de Netanyahu ces dernières années », précise David Khalfa.

Pour corriger le tir, le parti de Benjamin Netanyahu mène une campagne de porte à porte pour essayer de récupérer ces électeurs. Une campagne bien différente des précédentes lorsqu’il était le Premier ministre sortant.

« Par rapport aux scrutins précédents, il fait une campagne positive et de fond axée sur le pouvoir d’achat et les places dans les crèches, pour essayer de reconquérir le cœur et l’esprit d’Israéliens qui sont touchés de plein fouet par l’inflation, décrypte David Khalfa. L’accent mis sur cette dimension qui était complétement absente des précédentes confrontations électorales, lors desquels le discours de Netanyahu était principalement axé autour d’une rhétorique néo-populiste classique dénonçant un complot de la gauche et des médias contre lui et une instrumentalisation de la justice à des fins politiques pour l’atteindre ».

Un changement de ton qui matérialise, selon David Khalda, le constat d’échec de sa propre politique socio-économique puisqu’il a été au pouvoir pendant 12 ans. Un paradoxe que les électeurs pourraient lui faire payer une deuxième fois.

france24

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