Critique Black Adam : Dwayne Johnson peut-il sauver les super-héros ?

Dwayne Johnson débarque dans le genre super-héroïque avec une promesse de renouveau et de cadavres. Avec son penchant plus vilain que gentil, Black Adam est-il le héros dont l’univers DC avait besoin ?

Sur le papier, associer l’un des acteurs les plus populaires et rentables d’Hollywood avec le genre le plus populaire et rentable du cinéma de ces dernières années a de quoi faire baver n’importe quel producteur. Dwayne Johnson dans un film de super-héros ? Une évidence pour celui qui a déjà la carrure de l’emploi sans avoir besoin de rembourrer son costume, mais qui s’est fait désirer jusqu’à ce que Black Adam arrive sur le tapis.

Il est facile de comprendre combien la présence de The Rock joue sur notre attente autour du film car dans l’état, la viabilité du projet n’était pas assuré. Il faut dire que l’entreprise de l’univers partagé DC a connu bien des remous de telle sorte que des films comme le récent The Batman préfèrent s’en dissocier. Ce n’est pas le futur The Flash et sa longue liste de problèmes (acteur en roue libre, production compliquée…) ou encore le moyennement-attendu Shazam ! La Rage des Dieux qui convaincront de la nécessité de maintenir ces velléités de copier la concurrence.

De plus, le positionnement de Black Adam pose également problème. Ennemi juré de Shazam (!) de temps à autre présenté davantage comme un anti-héros dans les comics, difficile de penser que le personnage avait un intérêt à un rôle-titre, malgré la présence de la Justice Society. Ça équivaudrait à faire un film sur un adversaire de Spider-Man, sans Spider-Man. Pardon, mauvais exemple. Alors si Black Adam a l’ambition de marquer les esprits au-delà d’une blague méta à la fin de Krypto et les super-animaux, Dwayne Johnson a intérêt à avoir les épaules solides.
Le film raconte comment l’esclave aux pouvoirs divins Teth Adam se libère d’un enferment de cinq millénaires. Il met immédiatement en place sa propre conception de la justice, jusqu’à se mettre à dos la Justice Society, une ligue de super-héros qui entend bien l’entraver à nouveau.

Il faut 0,01 seconde à l’ancien catcheur pour prouver que les dons divins lui vont comme un gant. Black Adam massacre du figurant avec toute la violence promise – mais pas de sang, on reste sur un film tout public – et l’acteur a la stature de l’emploi. Le visage plus sombre que ce à quoi il nous avait habitué, il règne sur le long-métrage sans partage malgré un reste de casting très solide.

Le film de Jaume Collet-Serra (responsable de Jungle Cruise avec un certain D. Johnson) enchaîne sans répit les moments de grosses bastons avec un humour bien dosé, de sorte de maintenir l’attention du spectateur. On ne s’ennuie jamais devant un divertissement parfaitement calibré pour que tu en aies pour ton argent.

C’est dans sa capacité à pouvoir nous maintenir éveiller que paradoxalement le film tente de nous endormir. Puisqu’il se passe constamment quelque chose à l’écran, difficile de se poser deux minutes sur l’écriture du film. Une stratégie bien rodée, montée comme un château de cartes pour qu’on en ressorte avec l’impression d’avoir assisté à du grand spectacle. Pourtant, il suffit d’à peine gratter pour se rendre compte de la supercherie.

Comme nous vous le disions en préambule, le positionnement moral du personnage de base est compliqué pour en faire le héros de son propre film. Est-il un vilain ? Un anti-héros ? La frontière est mince entre les deux. Et c’est là que Black Adam nous fait une Suicide Squad façon Ayer. Comprenez que le bonhomme est, ici, tellement héroïque dans ses actes que les dialogues doivent lui faire répéter littéralement qu’il est méchant toutes les 2 minutes. Au cas où on ne saurait plus qui est qui parmi les forces en présence. On se croirait dans le sketch Power Rangers des Inconnus. Et quand on explique que, la différence, c’est que les héros ne tuent pas (alors que lui si), on a envie de lui dire de regarder le Batman de Snyder.
Pire, le film se prend tellement les pieds dans le tapis qu’en voulant lui confronter des « héros », il utilise une Société de Justice au tempérament si peu mesuré que Teth Adam ne peut être vu que comme le gentil de l’histoire. Black Adam n’est même pas un égoïste narcissique comme Deadpool, c’est un bon gars qui protège ses amis avec des méthodes juste plus musclées. Normal quand on se réveille du pied gauche après 5000 ans. À la fin du film, personne ne peut croire qu’après quelques discours moraux, il ne serait pas capable d’arrêter la violence disproportionnée.
Une faiblesse d’écriture qui se retrouve à tous les niveaux du long-métrage, amenant des éléments qui ne sont jamais expliqués ou survolés. On ne comprendra jamais le pourquoi du comment de l’antigang, les relations entre la Société de Justice, comment une couronne pas cachée a réussi à le rester autant de siècles… Black Adam a une histoire, mais il a oublié de la raconter. À moins qu’il s’en fiche car il cherche autre chose…

On vous disait en préambule que l’univers partagé de DC avait connu quelques (euphémisme) complications de sorte que les pontes de Warner semblaient détourner le regard dès qu’il fallait faire un film tiré de ce même univers. Mais Dwayne Johnson peut tout et Dwayne Johnson n’a pas envie de rester dans son coin à affronter des types de seconde zone.

Sans aucune subtilité, Black Adam indique clairement s’inscrire dans cet univers partagé où la Justice League (façon Snyder sûrement) existe. Entre les références, les apparitions clin d’œil et la scène post-générique, le métrage ne cache pas ses ambitions de voir plus grand par la suite.

Un fan-service qui montre encore une fois que le studio… ne maîtrise pas du tout le principe de l’univers étendu. Le film raccroche les wagons comme il a écrit son protagoniste principal : à la louche. Au-delà des promesses sous-jacentes, de nombreux éléments de Black Adam, déjà bancals en solo, deviennent ridicules dès lors qu’on l’intègre à un monde plus vaste.

En outre, en faisant de Black Adam un héros qui ne se l’avoue pas, il devient compliqué de le confronter à ses ennemis papiers. Warner se tire la même balle dans le pied que Sony avec ses Venom, Morbius et compagnie : en rendant le méchant si sympathique, on ne peut absolument plus imaginer qu’il veuille se castagner avec Sup’, Shazam et les autres. Dès lors, teaser ce genre d’affrontement n’a aucun intérêt, on connaît déjà la fin : ils vont s’échanger deux trois coups pour jouer les bonhommes puis ils bavarderont autour d’une tasse de thé.
Des fausses promesses à l’image de Black Adam : de simples arguments de vente pour faire venir du monde en salles et voir un film reposant sur du vent. On peut aisément supposer que l’arnaque fonctionnera et qu’il va faire une belle razzia au box-office. Puis il laissera certainement sa place au mastodonte attendu de l’écurie d’en face : Black Panther : Wakanda Forever.

JDG

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