Debout sur les bords du lac Retba au Sénégal, plus connu sous le nom de lac Rose en raison de la couleur de ses eaux, Maguette Ndiour désigne un monticule de sel de 200 tonnes que des hommes versent lentement dans des sacs sous la chaleur étouffante de midi.
Dans deux mois, les exploitants auront vendu tout le sel extrait de ce lac situé à une quarantaine de kilomètres de Dakar, séparé de l’océan Atlantique par une étroite dune de sable, et connu internationalement pour la couleur rose qu’il prend à certaines périodes de l’année.
– Coup dur financier –
L’augmentation soudaine du volume d’eau du lac en août a emporté quelque 7.000 tonnes de sel déjà extraites, ce qui représente une perte financière d’environ 235.000 dollars, assure Maguette Ndiour, alors que 3.000 familles de la région gagnent leur vie grâce à l’extraction du sel.
La salinité du lac a aussi fortement diminué avec les abondantes eaux de pluie. Une mauvaise nouvelle pour le tourisme, car « avec moins de sel, le lac va perdre sa couleur rose » due à la présence d’un micro organisme qui développe un pigment rouge pour résister à la concentration de sel et au soleil, affirme M. Mbaye.
C’est ce que constate Julien Heim, un touriste français de 21 ans, qui débarque tout juste d’un petit tour en barque sur le lac. « C’était cool, mais il n’y a plus de terrasses sur les berges et le lac n’est pas rose », souligne-t-il.
A quelques mètres de là, dans le village au bord du lac, Maimouna Fedior, mère de quatre enfants, a perdu une grande partie de sa marchandise – des peintures, des masques et des bibelots en bois – lorsque les eaux ont inondé sa boutique.
Elle a du se trouver un autre espace à l’intérieur des terres et espère une aide de l’Etat.
« Nous on ne connaît que le tourisme », confie-t-elle à l’AFP. « Moi, ça fait 30 ans que je suis là. Mes enfants, je paie leur école avec ça, je les nourris avec ça », lâche-t-elle, dépitée.
– Urbanisation –
Pour Ousmane Ndiaye, point focal national du Sénégal du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), « la nature intense » des précipitations cette année est cohérente avec les conclusions du Giec sur l’augmentation des phénomènes météorologiques extrêmes.
« La relation directe de cause à effet demanderait scientifiquement une étude séparée (…) mais on peut dire que c’est une manifestation probable du changement climatique », dit-il à l’AFP.
Outre la chute de l’activité économique, les riverains du lac craignent une pollution des eaux.
Selon Mamadou Alpha Sidibe, directeur de la prévention et de la gestion des inondations au sein du ministère de l’Eau, les inondations ont été déclenchées par les pluies abondantes mais elles ont été aggravées par l’urbanisation galopante entamée dans les années 2000 et « l’artificialisation des sols » qui en a découlé.
La terre est aujourd’hui partiellement voire totalement imperméabilisée et, en cas de fortes pluies, l’eau coule dans les villes jusqu’à se déverser dans le lac.
« Cette eau a traversé des rues, des ruelles, des stations-service… Tout s’est mélangé avant d’entrer dans le lac, qui est en train de s’étouffer », s’indigne Ibrahima Khalil Mbaye.
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