Ouverture des Jcc : Le film marocain «Fatema, la sultane inoubliable» en lever de rideau

C’est parti pour la 33ème édition des Journées cinématographiques de Carthage (Jcc). Le coup d’envoi de cette rencontre internationale, regroupant tout le gratin du cinéma africain et arabe, a été donné, le samedi 29 octobre, par la Ministre tunisienne des Affaires culturelles, Hayet Ketat Guermaz. Le film « Fatema, la sultane inoubliable » de Mohammed Abderrahman Tazi, relatant une grande figure du féminisme au Maroc, a ouvert le Festival. 

CARTHAGE – En cette fin d’octobre, l’ambiance est à son summum à Tunis. La température y est agréable. Les boulevards, entourés de vastes espaces verts, sont inondés de monde, à Carthage où se tient la 33ème édition des Journées cinématographiques de cette ville historique. L’ouverture de cette grande messe dédiée au septième art africain et arabe, le samedi 29 octobre, plonge davantage la ville dans une atmosphère carnavalesque. Ici, tout parle cinéma ou presque.

L’édition des Journées cinématographiques de Carthage (Jcc) a été officiellement ouverte par la Ministre tunisienne des Affaires culturelles. Hayet Ketat-Guermazi a déclaré que les Jcc représentent « le plus prestigieux » rendez-vous cinématographique du continent. Elle a rappelé les valeurs humaines que propage ce festival qui, depuis plus d’un demi-siècle, s’est engagé pour la promotion des cinémas de l’Afrique, du monde arabe, de l’Asie et de l’Amérique latine. L’évènement existe depuis 1966 et a fini de s’imposer grâce à la rigueur des organisateurs et à la mobilisation exceptionnelle d’un public qui ne vit que pour le cinéma.

Depuis maintenant 56 ans, ce festival suscite de l’engouement au regard surtout de son public, mais aussi du nombre de cinéastes qu’il mobilise lors de chaque édition. Après le triste passage de la Covid-19, les Jcc ont retrouvé, cette année, toute cette chaleur humaine qui fait leur particularité. D’ailleurs, la Ministre des Affaires culturelles du pays s’en est réjouie. Selon elle, la vie artistique et culturelle est revenue à la normale et l’ouverture des frontières a été à l’origine d’une retrouvaille qui a permis aux acteurs de dialoguer et d’échanger afin de « propager les valeurs de la beauté et de la joie de vivre ».

Prévues jusqu’au 5 novembre, les Jcc célèbrent spécialement, cette année, les cinémas de l’Arabie Saoudite (pays invité) et de l’Espagne.

Biopic sur Fatema Mernissi
Pour cette 33e édition des Jcc, 599 films seront diffusés. Un hommage est aussi rendu à de grands cinéastes du continent. Il s’agit, entre autres, des réalisateurs comme l’Egyptien Daoud Abdel Sayed, de la comédienne ivoirienne Naky Sy Savané, de la technicienne, réalisatrice et productrice tunisienne, Kalthoum Bornaz ou encore du réalisateur marocain Mohammed Abderrahman Tazi. D’ailleurs, c’est le film de ce dernier qui a été projeté, samedi soir, en lever de rideau, à l’Opéra de la Cité de la Culture.

Dans « Fatema, la sultane inoubliable », Abderrahman expose, avec force détails, la trajectoire d’une figure majestueuse du féminisme au Maroc. Fatema Mernissi, dont il célèbre l’œuvre, a marqué de façon indélébile son pays. Elle s’est engagée toute sa vie à servir les bonnes causes et à s’inscrire dans un féminisme qui ne visait que le bien-être et l’émancipation de la femme (rurale). Fatema était constamment en conflit avec le patriarcat. Dans cette opposition entre tradition et modernité, cette sociologue de formation cherchait à trouver un équilibre replaçant la femme, en tant que noyau de la société, dans ses droits.

Pour Mohammed Abderrahman Tazi, il s’agit, à travers son film, de faire connaître le travail et l’œuvre de Fatema Mernissi. Une œuvre qui, ajoute-t-il, doit avoir une étendue pour le spectateur arabe et tunisien.

Usant de sa plume et de sa voix, Fatema Mernissi a mené une bataille acharnée pour l’égalité des sexes au Maroc et contre la discrimination faite aux femmes. Celles-ci, écrasées par les valeurs traditionnelles et islamiques, souvent très mal interprétées, vivaient dans l’ombre des hommes. Dans ce biopic s’inspirant d’archives de plus 40 ans, le réalisateur montre toute l’énergie que déployait Fatema Mernissi pour aider les femmes à retrouver leur dignité.

À travers ses conférences et ses travaux universitaires, celle qui est née en 1940 à Fès, a été une figure de premier plan dans le débat sur les sociétés musulmanes et la féminité. Diplômée de Sorbonne et Bandeis (Etats-Unis), elle a été, dans son combat pour une société juste et équilibrée, à l’origine de plusieurs ouvrages dont « Beyond the Veil : Male-female dynamics in muslim society », « Rêves de femmes » ou encore « Le Harem politique ».

Le film en mélangeant fiction et réalité plonge au cœur d’une société conservatrice où un groupe de femmes mène un combat acharné face à une élite masculine. « Fatema, la sultane inoubliable » rend aussi un hommage à la nature. Mohammed Abderrahman Tazi a réussi des plans exceptionnels sur le magnifique paysage de Moulay Idriss Zerhoun, cette ville de la sainteté du Maroc. Sans oublier la musique captivante et sensuelle de Driss El Maloumi, dans le film.

Les films sénégalais en compétition 

La projection des films sénégalais retenus dans le cadre de la compétition officielle de la 33ème édition des Journées cinématographiques de Carthage (Jcc) débutera, ce lundi soir, avec le passage de « La musique est mon refuge » de Thierno Seydou Nouro Sy. Inscrit dans la compétition des courts métrages documentaires, ce film révèle comment « par la musique, Mariama Niass, Lady Nancy, a pu trouver la force et la joie de vivre tout en étant une épouse et une mère de famille ». Le long métrage de fiction « Xalé : Les Blessures de l’enfance » de Moussa Sène Absa et le long métrage documentaire « 20 ans après » de Moussa Touré sont programmés, ce mardi 1er novembre. Quant au documentaire « Rewind & Play » d’Alain Gomis, il passera le lendemain, mercredi. I. BA (Envoyé spécial) 

« Le Sénégal est attendu » 

Le Directeur de la Cinématographie, qui conduit la délégation du Sénégal à la 33ème édition des Journées cinématographiques de Carthage a informé, hier, que les réalisateurs, acteurs, critiques de cinéma sénégalais…sont déjà sur place. Germain Coly a rappelé aussi les efforts faits par l’Ambassadeur du Sénégal en Tunisie, Ramatoulaye Ba Faye, pour une parfaite organisation. « Au niveau du Ministère de la Culture, nous avons pris l’initiative d’accompagner les acteurs afin que leur séjour puisse se passer dans de meilleures conditions », a-t-il expliqué. Au regard du nombre et de la qualité des films proposés par « notre » pays, M. Coly pense que « le Sénégal est attendu » dans ce grand rendez-vous du cinéma. « Nous travaillons toujours à avoir des productions aptes à répondre à ce genre de grand rendez-vous, grâce à la mise en œuvre de la politique du Président de la République, à travers le Fonds de promotion de l’industrie cinématographique et audiovisuelle (Fopica) », a-t-il indiqué. De son point de vue, le cinéma sénégalais est devenu un « grand outil de diplomatie culturelle ». Pour preuve, il a donné la bonne visibilité des séries sénégalaises en Afrique de l’Ouest ainsi que la notoriété de « nos » acteurs qui jouent dans d’autres productions dans le continent.

Le Directeur de la Cinématographique s’est également félicité du choix du comité de la Direction artistique des Jcc 2022 qui s’est inspiré, pour cette édition, du portrait de la grande actrice Mbissine Thérèse Diop, héroïne du film « La Noire de… » réalisé par Ousmane Sembène, « Tanit d’or » aux premières Jcc en 1966. « C’est la renaissance de tout le travail qui a été fait. Une affiche d’un festival a une signification importante. C’est un hommage qui est rendu au cinéma sénégalais. Aussi, Mbissine Thérèse Diop, de par son parcours, mérite cette reconnaissance internationale », a-t-il déclaré.

lesoleil

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