L’inflation cauchemar des marchés? Pour près de 6 investisseurs professionnels français sur 10, les places boursières pourraient en premier lieu souffrir, au cours des douze prochains mois, des erreurs des banques centrales dans le pilotage de leur politique monétaire. Viennent compléter le podium des facteurs de risques: les conflits géopolitiques et seulement ensuite la hausse des prix.
L’inflation plombe le moral des Français. La hausse des prix et son évolution future se révèlent une source d’angoisse pour plus de 9 sondés sur dix, selon le dernier baromètre Odoxa pour BFM Business, Challenges et Abeille Assurances.
Une autre étude contredit cet état de fait, du moins pour les investisseurs professionnels. L’inflation ne serait pas en tête des préoccupations pour cette catégorie de public révèle une enquête de WisdomTree, émetteur de fonds indiciels cotés en bourse (ETF) et de produits cotés en bourse (ETP). Près de 6 investisseurs professionnels français sur 10 interrogés (59%) placent ainsi « les erreurs de politique monétaire commises par les banques centrales » en tête des risques auxquels seront exposés les marchés au cours des douze prochains mois.
L’inflation seulement citée en troisième position
L’inflation (44%) n’est citée qu’en troisième position des risques auxquels sont exposés les investisseurs français, après les conflits géopolitiques (52%). Pour les auteurs de l’étude, ces trois risques cités par ces investisseurs devraient les amener à réaliser un « exercice délicat » dans l’optique de protéger leurs portefeuilles face à l’environnement actuel.
« Compte tenu des difficultés auxquelles sont confrontés les portefeuilles des investisseurs cette année, ceux-ci doivent se préparer à davantage d’incertitudes, puisque rien ne permet de savoir pendant combien de temps ils devront faire face à ces risques », a déclaré Nitesh Shah, responsable des matières premières et de la recherche macroéconomique pour WisdomTree Europe.
« Or les investisseurs n’aiment pas les climats incertains, expliquant l’aversion au risque actuellement observée alors que les banques centrales essaient de maîtriser l’inflation et les législateurs de stimuler la croissance économique, de gérer les tensions et les conflits géopolitiques. Le risque que les banques centrales prennent des mesures trop rapidement ou trop lentement peut avoir un impact important sur les investisseurs dans un contexte géopolitique déjà incertain et tendu », poursuit-il.
Un pic d’inflation prévu en 2023
Ainsi, la majeure partie des investisseurs professionnels français sondés prévoient une hausse continue de l’inflation jusqu’à atteindre un pic en 2023. Parmi les 56% de personnes interrogées qui ont déclaré que l’inflation inscrira un pic en 2023, 30% d’entre elles estiment qu’il sera atteint en mars. Pour 32% d’entre eux, l’inflation au sein de l’Union européenne (UE) atteindra un pic situé dans une fourchette comprise entre 10 à 15,9%. Et plus de la moitié des investisseurs professionnels français (56%) estiment que la Banque centrale européenne portera ses taux directeurs entre 2 et 3,5 % d’ici un an pour combattre la hausse des prix.
Sans surprise, les craintes concernant l’environnement macroéconomique et géopolitique se reflètent dans la prise de risques de leurs clients. Au cours des 12 derniers mois, trois quarts (76%) des clients en France ont vu leur appétence au risque diminuer alors qu’un client sur 5 (21%) a conservé le même degré de risque.
« Parvenir à générer du rendement dans l’environnement actuel relève du défi étant donné que les actions et les obligations ont accusé de lourdes pertes cette année », tient à rappeler Pierre Debru, responsable de la recherche quantitative et des solutions multi-actifs de WisdomTree Europe.
« Les investisseurs doivent envisager des actifs qui protègent aujourd’hui leurs portefeuilles tout en leur permettant de prendre des bénéfices si les marchés se retournent. Il reste cependant des outils que les investisseurs peuvent utiliser pour obtenir une protection contre le risque baissier, attendre que la tempête passe et croître sur le long terme » poursuit Pierre Debru. Selon lui, les entreprises de grande qualité à la rentabilité élevée avec un solide historique de distribution de dividendes semblent correspondre aux trois objectifs pré-cités.
Un changement dans les allocations d’actifs
La volatilité des marchés et le contexte inflationniste ont conduit les investisseurs professionnels à retoucher les allocations de leurs portefeuilles. En anticipation d’une inflation encore plus élevée, près de 7 investisseurs professionnels français sur 10 (68%) ont l’intention d’investir dans des actions ou l’ont déjà fait, et ce, à un niveau sensiblement supérieur à celui des actifs dont l’historique démontre une meilleure couverture contre l’inflation, à l’image de l’or (32%), d’un large panier de matières premières (36%) et les obligations indexées sur l’inflation (47%).
Parmi ceux qui investissent déjà dans les matières premières (39%), plus des deux tiers (69%) le font à des fins de diversification et 54% à des fins de couverture contre l’inflation.
Le contexte économique difficile ne relègue pas la question de l’investissement responsable pour 70% des investisseurs professionnels français. Ces derniers disent envisager accroître leurs allocations dans des stratégies d’investissement respectueuses des critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) au cours des 12 prochains mois.
Ce vœux pieu risque toutefois d’être malmené dans l’hypothèse où l’inflation resterait obstinément élevée. Selon cette étude, 61% de ces investisseurs affirment qu’ils compteraient solder leurs positions ESG en faveur de stratégies qui représentent historiquement des couvertures contre l’inflation.
BMFTV