QUI EST THOMAS JOLLY, LE PRODIGE DU THÉÂTRE AUX COMMANDES DE LA NOUVELLE VERSION DE « STARMANIA »?

Le metteur en scène, connu pour ses adaptations de Shakespeare, s’attaque à l’opéra-rock culte de Michel Berger et de Luc Plamondon.

Thomas Jolly aime les défis. Il y a une décennie, il a marqué les esprits en adaptant la trilogie Henry VI de Shakespeare en spectacle de 18 heures. Ce mardi, il s’apprête à dévoiler un projet aussi inattendu qu’osé – le plus ambitieux de sa carrière: une nouvelle version de la comédie musicale culte Starmania de Michel Berger et Luc Plamondon à la Seine Musicale.

« Me confronter à une œuvre aussi importante, aussi profondément ancrée dans la culture populaire contemporaine, qui résonne avec tant de force dans la mémoire collective – et dans ma propre mémoire – était un défi extraordinaire », explique sur le site officiel de Starmania le metteur en scène de 40 ans.

Son objectif: « retrouver la fable de Starmania, la narration. Les chansons ayant pris le dessus sur l’histoire, j’ai opéré un travail de réassemblage, en lien étroit avec l’auteur Luc Plamondon, pour rebâtir la dramaturgie », a raconté Thomas Jolly dans les colonnes de Paris Match, en précisant vouloir retrouver l’esprit « presque punk » de Starmania.

Ce projet hors norme, auquel Thomas Jolly a consacré trois ans de sa vie, et qui est déjà encensé par les premières critiques, va permettre de faire connaître au grand public ce prodige du théâtre, qui secoue les planches depuis une quinzaine d’années, et qui vient d’être nommé directeur artistique des cérémonies des Jeux olympiques de Paris 2024.

« Beyoncé et Gilles Deleuze »

Né en 1982, Thomas Jolly commence le théâtre très jeune, dès l’âge de neuf ans, en intégrant une compagnie d’enfants dirigée par Nathalie Barrabé à Rouen. Il fait ensuite ses études à l’École Nationale Supérieure de Théâtre au Théâtre National de Bretagne, où cet amoureux de la culture populaire se heurte à un enseignement sévère.

« Je suis venu avec ma culture et je me suis confronté à une réalité, qui est de penser qu’une culture est plus correcte qu’une autre. Je me suis toujours battu contre ça parce que je revendique ma culture comme étant légitime, tout simplement », a-t-il raconté sur France Inter, avant d’ajouter:

« La hiérarchisation des objets culturels me semble presque indécente en réalité, surtout à l’époque d’Internet. C’est aussi une question de génération. Plus jeune, j’ouvrais Internet et j’avais dans les mêmes pages Beyoncé et Gilles Deleuze, et ça me va très bien. Je trouve ça chouette de pouvoir avoir accès à tout comme ça. Cette hiérarchisation des objets culturels est très néfaste. »

Après des années de formation, où il croise plusieurs figures du théâtre comme Stanislas Nordey, Thomas Jolly fonde sa compagnie, La Piccola Familia. Il commence à faire sensation dès 2006 avec une adaptation d’Arlequin poli par l’amour de Marivaux, où l’on retrouve déjà ce qui caractérise son parcours: de l’audace, et une recréation jouissive et iconoclaste des classiques.

Car c’est son objectif depuis toujours: redonner envie au plus grand nombre d’aller au théâtre, en étant « populaire et intelligent ». « En sortant de l’école, je suis tombé des nues en me rendant compte que, malgré la décentralisation, aller au théâtre n’était pas évident. Que cela restait, pour faire court, un art parisien, élitiste, bourgeois, ennuyeux », regrettait-il dans les colonnes du Monde en 2018.

Le choc « Henry VI »

En 2010, Thomas Jolly s’attelle à un projet s’envergure: une adaptation de la trilogie Henry VI de Shakespeare, qui n’a alors jamais été jouée dans son intégralité en France. L’entreprise est colossale: Henry VI compte quinze actes, près de 10.000 vers et 150 personnages. Il présente la première partie en 2012. Puis la deuxième partie en deux temps, en 2013 et 2014. Il joue l’intégralité de la pièce au Festival In d’Avignon 2014.

Le résultat est acclamé par le public et la presse. Thomas Jolly décroche de nombreuses récompenses dont le Grand Prix de l’association professionnelle de la Critique et le Molière 2015 de la mise en scène. Il poursuit en 2015 son exploration des tragédies de Shakespeare avec Richard III, qui lui vaut le prix Beaumarchais-SACD de la mise en scène. Avec sa tétralogie shakespearienne, il devient un nom qui compte.

Une décennie plus tard, Thomas Jolly reste très fier de cet accomplissement: « Mon grand fait d’armes, c’est cette tétralogie de Shakespeare, de 24 heures d’affilée, que j’ai mise en scène », s’enthousiasmait-il en septembre dernier dans les colonnes du Parisien. « C’est le spectacle qui a mis la lumière très fortement sur mon travail. »

 » Je pense de manière spectaculaire »

En parallèle, cet artiste soucieux de créer du lien avec des publics différents, qui est aussi pédagogue dans plusieurs conservatoires, multiplie les projets: installation interactive (R3m3 en 2015), feuilleton théâtral en seize épisodes (Le Ciel, la Nuit et la Pierre glorieuse en 2016), opéra comique (Fantasio d’Offenbach en 2017), mini-série télévisée (Le Théâââtre en 2018) et création musicale (Un jardin de silence, sur la chanteuse Barbara, en 2019).

Véritable homme-orchestre, Thomas Jolly se voit davantage comme un « chef de troupe »: « Je suis là pour donner de la cohérence aux projets que les acteurs, les techniciens et moi proposons au public », avait-il confié au site théâtrecontemporain. Avec le temps, ses fonctions ont évolué. De simple metteur en scène, il est passé directeur du Centre dramatique national Le Quai d’Angers en janvier 2020. Cassé dans son élan par la pandémie de Covid 19, Thomas Jolly a su malgré tout innover en jouant Roméo et Juliette sur son balcon.

En ce moment, il réfléchit aux Jeux olympiques de Paris 2024. « Je suis très fier et très honoré de cette sélection. Je suis aussi impatient », a-t-il indiqué au Parisien. « J’ai envie de m’y atteler car cela vient toucher des valeurs qui sont miennes. La question de l’ouverture, du partage, de l’accessibilité au plus grand nombre, de l’inclusif, du participatif… Tout ce que je mets en place dans mon travail au quotidien. Ce n’est que de la joie. » L’ampleur du projet ne l’effraie pas. Au contraire: « J’aime la dimension grandiose du spectacle vivant. Je pense et travaille de manière spectaculaire. »

bmftv

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