Un peu plus de deux ans après la mort de son interprète, Black Panther revient au cinéma. Entre hommage et renouvellement, le second volet de la saga est-il une réussite ?
Black Panther a indéniablement marqué l’histoire du Marvel Cinematic Universe. Premier film de la licence consacré à un héros noir, le métrage de Ryan Coogler a dépassé les frontières des salles obscures pour s’imposer comme le symbole d’un mouvement identitaire en plein mandat de Donald Trump.
À travers sa narration, le film voulait aussi raconter une période cruciale de l’histoire américaine, celle des mouvements américains pour les droits civiques et Black Panther. Le héros et son antagoniste rappellent d’ailleurs Martin Luther King et Malcolm X.
Le film réussira à engranger pas moins d’1,3 milliard de dollars au box-office mondial. Il se hisse à l’époque parmi les plus gros succès de la franchise Marvel au cinéma, avant qu’Avengers : Endgame ne vienne se catapulter à la première place. Une suite est rapidement annoncée, toujours avec Chadwick Boseman dans la peau du Prince T’Challa.
En 2020, alors que les équipes s’attellent à l’écriture du second volet, Boseman s’éteint des suites d’un cancer du côlon. Marvel décide rapidement de faire revivre la saga Black Panther, tout en rendant hommage à celui qui a porté le costume depuis Captain America : Civil War.
Wakanda Forever nous plonge ainsi plusieurs années après les événements d’Endgame alors que toute la nation du Wakanda pleure son souverain. La Reine Ramonda et sa fille Shuri luttent pour protéger le pays des ingérences d’autres puissances mondiales. Dans le même temps, une terrible menace surgit des profondeurs de l’océan.
Les yeux dans l’eau
Comme on pouvait s’en douter, ce deuxième long-métrage évolue autour du deuil. Thématique récurrente chez les super-héros, elle prend néanmoins une dimension autrement plus importante avec Wakanda Forever.
Marvel et Ryan Coogler ont bien compris qu’ils ne pouvaient pas éluder la question de la disparition de Chadwick Boseman, ils décident ainsi d’embrasser toute la portée dramatique de cette nouvelle aventure. Il s’agit pour eux d’introniser un nouveau Black Panther.
C’est d’ailleurs sans conteste la force du récit, confronter le personnage de Letitia Wright à sa peine, tout en s’intéressant à l’héritage du super-héros et à son ou sa remplaçante. Ce passage du relais est savamment mis en place, la tonalité de Wakanda Forever en est d’ailleurs assez déroutante. Très solennel, le film repose sur de beaux moments d’hommage à l’acteur, mais aussi à ce que représentait le personnage qu’il incarnait.
Le film n’en oublie pas pour autant de développer une intrigue plus politique, aussi prometteuse que celle du premier film. Le vibranium reste l’objet de toutes les convoitises et les ingérences d’autres états vont semer le trouble au Wakanda. Malheureusement, Ryan Coogler reste souvent trop en surface, choisissant de ne jamais s’écarter radicalement des schémas prédéfinis par le genre.
La nation se trouve à un croisement, le virage sera moins brusque que prévu. Il faut dire que ce n’est pas tellement la préservation de ce minerais qui est au cœur de l’intrigue, mais l’émergence d’un nouvel antagoniste parmi les plus attendus de l’écurie Marvel. L’arrivée de Namor est d’ailleurs particulièrement à propos, même si le tout manque parfois d’un peu de nuance.
Fort heureusement, le personnage ne tombe jamais dans la caricature, il offre d’ailleurs un beau contre-pied au personnage de Shuri. Tenoch Huerta n’est sans doute pas étranger à cette réussite, il est assez envoûtant dans la peau du souverain de la nation engloutie. De son côté, Letitia Wright réinvente Shuri et imprègne son incarnation de beaucoup plus de noirceur.
Le film n’arrive en revanche pas toujours à trouver l’équilibre entre les différents rameaux de son arbre narratif, les longueurs du début laissent place à la précipitation alors que s’approche la conclusion. Globalement, c’est le constat que l’on peut appliquer à l’ensemble des films de cette quatrième phase, tous empêchés par la continuité de la saga et les ambitions de l’écurie Marvel.
Ainsi, Black Panther : Wakanda Forever doit introduire de nouveaux enjeux et de nouveaux héros, à commencer par Riri Williams, mais ne parvient pas à le faire correctement. Comme America Chavez avant elle, la jeune femme se retrouve cantonnée au rôle de préparation paiement, incluse au chausse-pied dans un long-métrage qui se suffisait déjà à lui-même.
De la plus belle eau
Visuellement, la copie Black Panther a été saluée à bien des reprises lors des différentes cérémonies de récompenses du 7e art. Le métrage a d’ailleurs marqué l’histoire en étant le premier Marvel nommé pour l’Oscar du meilleur film. S’il ne remporte pas la récompense ultime, le premier volet des aventures de T’Challa repartira avec les Oscar des meilleurs décors, des meilleurs costumes et de la meilleure musique.
Avec ce second volet, le curseur a été placé encore plus haut. Alors que l’on peut reprocher au premier film une certaine artificialité dans la manière de représenter le pays, Wakanda Forever se veut plus authentique. Les effets numériques sont distillés avec plus de parcimonie et ça fait du bien. Le film se teinte alors d’une couleur plus marquée, opposant les terres du Wakanda à celle de la citée émergée.
Une licence qui part à vau l’eau ?
Souveraine du genre, l’écurie Marvel semble avoir quelques difficultés à gérer son après Avengers : Endgame. La quatrième phase est particulièrement représentative de cette dynamique. Avec quelques jolis succès et surprises, la dernière fournée manque cruellement d’efficacité. Si Black Panther se situe dans le haut du panier, l’omniprésence du logo écarlate sur le petit et le grand écran commence à avoir de lourdes conséquences sur l’engouement des spectateurs. Ce succès s’explique-t-il par l’absence du multivers ? Peut-être un peu.
JDG