Le patrimoine de l’ancien royaume du Bénin disponible sur internet

131 musées dans vingt pays ont travaillé durant quatre ans en commun pour présenter une banque de données numérique sans précédent. Le site internet digitalbenin.org lancé mercredi 9 novembre rassemble plus de 5 000 objets d’art originaires du royaume du Bénin et disséminés dans le monde depuis les pillages de l’armée britannique en 1897.

Osaisonor Godfrey Ekhator-Obogie fait une longue pause alors que la parole vient de lui être donnée. Le Nigérian, qui a consacré sa carrière au patrimoine de son pays et plus spécialement à l’héritage du royaume du Bénin, a du mal à retenir ses larmes. Il participe avec d’autres chercheurs à la conférence de presse qui présente à Berlin la nouvelle plateforme Digital Benin.

Le Nigérian salue la création d’un musée vivant qui doit permettre aux jeunes générations dans son pays de connaître la richesse de leur propre civilisation : « Cette plateforme nous permet de réfléchir différemment sur notre passé et notre culture. Ces œuvres d’art sont perçues comme des objets à l’Ouest. Chez nous, il s’agit de notre histoire ».

Cette initiative sans précédent a plusieurs origines. D’abord, le pillage commis par les forces britanniques en 1897 au royaume du Bénin avait une dimension massive. Ensuite, ces œuvres d’art font partie de l’héritage culturel mondial et sont dispersées aujourd’hui dans de nombreux pays. Enfin, leur caractère emblématique a focalisé ces dernières années, notamment en Allemagne, les débats autour des restitutions aux pays d’origine.

Un millier d’œuvres rétrocédés au Nigeria en 2022
La directrice du musée ethnologique de Hambourg, le MARKK, Barbara Plankensteiner, le rappelle : « La création en 2010 du Benin Dialogue Group réunissant des musées européens et les responsables de Benin City a permis de nouer des liens sans lesquels la nouvelle plateforme aurait été plus difficile à mettre en place ». Le musée de Hambourg a joué un rôle central dans les débats sur les restitutions qui ont conduit cet été à la rétrocession d’un millier d’œuvres du royaume du Bénin présentes dans différents musées allemands au Nigeria.

L’idée au départ était bien plus modeste : il s’agissait de faire un inventaire des objets se trouvant au musée de Hambourg. Le soutien de la fondation Siemens avec 1,5 million d’euros a permis de financer le travail en commun, les recherches et la création d’une banque de données inédite présentée cette semaine après quatre ans de préparation.

Un site avec 12 000 photos
Le nouveau site internet répertorie plus de 5 000 œuvres dispersées dans 131 musées en Europe, mais aussi aux États-Unis, en Australie ou en Israël. 12 000 photos sont présentées, certaines en 3D. Le visiteur dispose pour ses recherches de multiples filtres, en anglais ou en édo, selon la taille, la dimension, le poids, les inscriptions figurant sur les objets, le pays, la ville ou le musée où ils se trouvent.

On peut apprendre d’où venait exactement l’œuvre au départ, quelle était le cas échéant sa portée religieuse, quel Britannique l’a ramenée en Europe, quelles étapes l’ont menées jusqu’à son lieu de conservation actuel. Une carte historique du royaume du Bénin et des lieux où se trouvaient les objets comme une carte du monde recensant les musées les abritant aujourd’hui complètent le site. La section « oral history » (histoire orale, en français), réalisée grâce aux partenaires nigérians, permet d’entendre des témoignages sur cet héritage, son importance et sa signification.

Un savoir dispersé
La plateforme permet de partager un savoir aujourd’hui dispersé, pour les personnes dont il constitue le patrimoine historique, mais au-delà pour le grand public comme pour les chercheurs. « Voir ses 900 reliefs du palais royal du Bénin, tous photographiés sur cette plateforme, et maintenant dans de nombreux pays, c’est très émouvant », confie Barbara Plankensteiner. Les experts estiment que 99% des objets originaires du royaume du Bénin sont répertoriés sur cette plateforme. Des corrections et des rajouts auront lieu sur un site dynamique. Des objets provenant de collections privées sont régulièrement mis en vente. D’autres se révèlent être des copies.

La plateforme digitalbenin.org doit à l’avenir être gérée par le Nigeria directement. Un transfert de savoirs qui doit accompagner de nombreuses restitutions d’œuvres d’art.

RFI

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