Après la répression sanglante de la manifestation organisée par l’opposition, les deux principaux leaders politiques au Tchad, Succès Masra et Max Loalngar continuent de se cacher pour leur sécurité depuis trois semaines. Succès Masra et Max Loalngar, ont annoncé mercredi à l’AFP devoir se cacher, le premier à l’étranger, par crainte pour leur sécurité, trois semaines après une manifestation de leurs mouvements réprimée dans le sang.
Ils ont tous deux affirmé que la répression se poursuivait par des arrestations et “déportations” et des “exécutions extra-judiciaires” et annoncé que leurs organisations ont demandé à la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye d’enquêter sur des “crimes contre l’humanité”.
M. Masra, président du parti Les Transformateurs, a assuré par téléphone à l’AFP avoir dû “traverser” clandestinement la frontière terrestre vers un “autre pays” car recherché par “la garde présidentielle”.
M. Loalngar, coordinateur et porte-parole de la principale plateforme d’opposition Wakit Tamma, a assuré “être entré en clandestinité quelque part dans le pays” pour échapper à une arrestation.
Le 20 octobre, une cinquantaine de personnes, selon les autorités, mais bien plus selon l’opposition, avaient été tuées par balles et plus de 300 autres blessées à N’Djamena et dans quelques autres villes, quand les forces de l’ordre avaient violemment réprimé des rassemblements organisés par Les Transformateurs et Wakit Tamma pour protester contre la prolongation pour deux ans du général Mahamat Idriss Déby Itno à la présidence du pays.
Le 20 avril 2021, à l’annonce de la mort du maréchal Déby, tué par des rebelles en se rendant au front, l’armée avait proclamé son fils Mahamat Déby, général alors âgé de 37 ans, président de la République à la tête d’une junte de 15 généraux, pour une période de transition de 18 mois au terme de laquelle l’armée promettait de remettre le pouvoir aux civils par des élections “libres et démocratiques”.
Mais début octobre, sur les recommandations d’un dialogue de réconciliation nationale boycotté par l’opposition mais aussi deux des trois principaux mouvements rebelles armés, qui ont dénoncé “une mascarade”, cette transition a été prolongée de deux ans, tout comme le général Déby en tant que président de transition.
La Convention tchadienne des droits de l’homme (CTDH) assure que plus de 600 personnes ont été arrêtées depuis le 20 octobre, la plupart “déportées” dans deux prisons de haute sécurité très éloignées de la capitale. Plus de 2 000 personnes ont été arrêtées, selon l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT).
Le pouvoir, lui, assure que les manifestants, grâce au soutien de “puissances étrangères” qu’il n’a pas nommées, avaient planifié une “insurrection” pour renverser le gouvernement et qu’ils avaient commencé à attaquer violemment et saccager des institutions avant que les forces de l’ordre ne commencent à réprimer.
Mardi, le Premier ministre Saleh Kebzabo, ex-ténor de l’opposition nommé par le président Déby, a annoncé à l’AFP que son pays acceptait le principe d’une “enquête internationale” sous l’égide de “partenaires” du Tchad.
Dans un rapport rendu publique mercredi, le président de la commission de l’Union africaine (UA), le tchadien Moussa Faki Mahamat, a souligné “l’urgence d’une enquête sérieuse et crédible” pour traduire les responsables devant la justice.
MM. Masra et Loalngar ont assuré à l’AFP qu’une véritable “chasse à l’homme” se poursuivait depuis trois semaines, notamment à N’Djamena, visant les partisans de leurs organisations.
« Le 21 octobre, des militaires de la garde présidentielle sont venus me chercher à notre QG. Comme ils ne m’ont pas trouvé, ils ont arrêté 27 membres de mon équipe”, a raconté à l’AFP M. Masra depuis un pays qu’il n’a pas souhaité nommer, ajoutant : “Il n’en reste que quatre vivants, qui subissent des interrogatoires, les autres sont morts, m’ont affirmé certains de ceux qui étaient avec eux, même si nous n’avons pas les corps ».
« La chasse à l’homme se poursuit partout dans le pays, visant nos cadres et militants, spécifiquement ceux issus de ma communauté, les Sara”, a affirmé l’opposant de 39 ans, qui accuse les autorités d’“exécutions extra-judiciaires ».
« Les forces de l’ordre passent de maison en maison, on arrête les gens pour n’importe quoi, comme tous nos militants, j’ai dû entrer en clandestinité”, affirme M. Loalngar dans une conversation par WhatsApp depuis un endroit qu’il n’a pas souhaité révéler, assurant toutefois qu’il est “toujours au Tchad ».
AtlanticActu.