Le rapport de Moussa Faki Mahamat qui agace à Ndjamena

C’est du moins le sens d’un rapport du président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat, qui a fuité dans la presse. Dans le document, le président de la Commission de l’Union africaine menace de prendre des sanctions contre le pouvoir de transition tchadien.

Le sujet est discuté ce vendredi (11.11.2022) à la session du Conseil de paix et de sécurité de l’organisation alors qu’une médiation au Tchad a été confiée au président congolais Félix Tshisekedi par la CEEAC, la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale, et que le chef de l’Etat de la RDC n’a pas encore rendu son rapport.

Une collision entre les deux institutions alors que l’Union africaine, en vertu du principe de subsidiarité, devrait attendre le résultat de la médiation de la CEEAC.

Dany Ayida, responsable des programmes pour l’Afrique centrale du National Democracy Institut (NDI), parle de cacophonie : « Cette règle de fonctionnement qui voudrait que l’Union africaine confie à une organisation sous régionale la primauté dans la gestion des crises dans un pays d’une région donnée de l’Union, effectivement, ne dépouille pas l’institution panafricaine de toutes ses prérogatives réelles. »

Des mesures préconisées par Moussa Faki Mahamat
Dany Ayida, également, représentant résident de NDI à Kinshasa, précise que : « j’étais au Tchad il y a encore quelques semaines et je vous assure que l’Union africaine, en tant qu’institution, est connue et respectée par les Tchadiens. Mais actuellement, et depuis le début de la crise, quand l’Union africaine se prononce, on ne sait pas véritablement si c’est l’institution qui le fait ou si c’est Moussa Faki Mahamat qui est un citoyen tchadien… Mahamat à qui certains prêtent l’intention de se porter candidat aux prochaines élections. Vous voyez toutes ces choses-là ? C’est ça que je qualifie de cacophonie. »

Le document préconise des mesures fortes à l’encontre des autorités tchadiennes et exige une cohérence avec la position constante de l’Union africaine concernant les autres cas de changements anticonstitutionnels sur le continent.

En admettant que les exigences de l’UA ont été ignorées par les autorités de la transition, Moussa Faki Mahamat est dans son rôle, estime certains observateurs de la situation politique en Afrique.

« Moussa Faki Mahamat gère donc l’institution panafricaine et en tant que tel, on lui prête beaucoup d’intentions. Il se pourrait que cela soit vérifié, mais je ne suis pas de cet avis-là. La commission Paix et sécurité fonctionne sur la base d’une charte qui est la Charte de la démocratie et des élections et de la bonne gouvernance », a expliqué le politologue tchadien Evariste Toldé.

Evariste Toldé estime qu’ »en principe, pour l’Union africaine, le nouveau gouvernement ne doit pas voir le jour. Les 18 mois de la première transition devaient aboutir à une élection. Donc il doit avoir le passage de flambeau entre un président démocratiquement élu et le président du CNT. »

« Vous savez, on retombe dans les mêmes travers et on craint que le fait d’ouvrir la voie à une candidature du président du CNT, du président de transition lui ouvre encore la voie à une éventuelle réélection et un maintien au pouvoir pour une durée indéterminée. C’est ce que dénonce l’Union africaine », a précisé le politologue tchadien Evariste Toldé.

La faiblesse du président de la Commission
Le document de la Commission de l’Union africaine accuse le pouvoir tchadien d’avoir ignoré les recommandations de l’UA. Moussa Faki Mahamat y préconise la nomination d’un facilitateur de l’UA au Tchad, tout en ignorant les résolutions du sommet de la CEEAC de Kinshasa. Ce qui selon Dany Ayida de NDI, souligne la faiblesse du président de la Commission.

« Il y a un aveu d’impuissance. Et j’ai l’impression que quand le président de la Commission fait ce constat là, ce n’est pas tant celui de l’Union africaine qu’il fait, mais parfois de lui-même. Mais sa marge de manœuvre par rapport à la crise a connu des limites évidentes qu’il aurait dû constater dès le départ. On l’a vu tout au long du processus avec des condamnations, des prises de position qui n’ont pas été prises en compte. En définitive, la crise se situe plus entre l’Union africaine et le président de sa Commission et les autorités tchadiennes qu’entre la CEAAC et l’Union africaine », analyse Dany Ayida de NDI.

Le rapport de Moussa Faki Mahamat dénonce certaines décisions prises récemment dans le pays, notamment la prolongation de la transition et la possibilité pour les membres du Conseil militaire de transition d’être candidats lors des élections futures.

DW

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