Prestation du groupe malien : Le blues touareg d’Amanar

Au fusil qu’on lui proposait, Ahmad Ag Kaédi a préféré la guitare. Le natif de Kidal, dans le Nord du Mali, raconte encore aujourd’hui, des étoiles dans les yeux, sa rencontre avec cet instrument. Comme tout jeune de Kidal, confesse-t-il, il a pris le chemin de la Libye, à la recherche de l’aventure.

Là-bas, il trouvera la rébellion et ses bandes armées dans lesquelles il sera enrôlé de force. Mais il tombera également amoureux de la guitare, cet instrument qu’il n’avait jamais eu l’occasion d’ap­pro­cher. Présent au Festival du Sahel de Lompoul, Ahmad Ag Kaédi et son groupe ont renoué avec de grands moments de communion avec le désert, ce lieu qu’ils ne peuvent plus égailler, du fait de la crise qui sévit dans la région nord du Mali depuis de nombreuses années. «Je viens du désert et je me suis senti dans mon élément», souligne le musicien à sa descente de la scène de Lompoul. Ce «blues du dé­sert», servi par le groupe Amanar, a été fortement apprécié par le public. Au milieu des dunes de sable, le groupe malien a régalé son public avec ses notes à la fois traditionnelles et modernes.

Entre les airs propres aux Touaregs du désert et une pointe de modernité, Amanar est le fruit de la volonté de cet homme de tourner le dos aux armes et à la rébellion. «Après ma formation militaire, j’ai découvert la guitare. Et ça a été un coup de foudre. Je ne travaillais plus, j’ai laissé la tenue, l’Armée et cet esprit de rébellion. Et je suis revenu chez moi à Kidal, où j’ai commencé à jouer. J’ai formé des jeunes et on a créé ce groupe en 2007. Depuis, ça grandit», dit-il. A ses débuts, la troupe égaillait les mariages, les fêtes traditionnelles, avant de se faire remarquer. Petit à petit, de tournée en tournée, le groupe a gagné en notoriété et il est devenu un des porte-drapeaux de la musique touareg. «Nous sommes un Peuple minoritaire, les Touaregs, et toutes les chansons d’Amanar sont tournées vers l’éducation, l’éveil des populations et surtout l’éducation des filles.

Nous sommes des nomades du désert et il faut créer des chansons pour pousser les populations à envoyer les enfants à l’école, à comprendre qu’on ne peut pas toujours rester derrière les animaux et qu’il faut mettre un pas dans la modernité», confie le lead vocal du groupe.

Très heureux de monter sur scène dans le désert sénégalais, Ahmed Ag Kaédi se réjouit de l’opportunité de renouer et de communier avec ces dunes de sable, ce que le groupe s’est résolu à quitter pour s’exiler à Bamako. Chassé par la crise armée, Ahmed Ag Kaédi porte la nostalgie de ces nuits où le son de sa guitare résonne d’une dune à une autre, portant au loin le message de paix d’un artiste qui a choisi la guitare à la place d’une arme. Avec la notoriété, les collaborations se sont multipliées et laissent place souvent à des albums internationaux.

En séjour en Allemagne il y a quelques mois encore, Ahmed attend la sortie prochaine d’un «bébé», fruit de cette collaboration. Au cœur du désert de Lompoul, son message est clair et lumineux : «Je lance un appel à tous, pour qu’ils aident ce festival. Nous les gens du désert, ça nous fait du bien de voir de grandes scènes s’installer au milieu des dunes. Et c’est seulement au Sénégal que ça existe encore, à Lompoul», dit-il. Mais au regard des imperfections notées durant cette édition dite de la «renaissance», des mesures fortes devront être prises par les organisateurs du Festival du Sahel afin de retrouver cette touche professionnelle qui avait fait la renommée de ce rendez-vous.

lequotidien

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