COP 27 : l’UE ouvre la porte à un financement des «pertes et dommages»

FILE PHOTO: A flood victim stands in his damaged house, following rains and floods during the monsoon season, in Nowshera, Pakistan August 31, 2022. REUTERS/Fayaz Aziz/File Photo

Et soudain, l’Union européenne changea sa position. Les négociations internationales sont des théâtres avec ce que cela comporte de postures, de déclamations ou encore de retournements de situations, comme jeudi soir, quand le vice-président de la Commission européenne, Frans Timmermans, a proposé «d’établir un fonds de réponse aux pertes et dommages» à la COP 27.

La question est au cœur des négociations de cette COP 27 de Charm el-Cheikh. Les pays pauvres, peu responsables des émissions de gaz à effet de serre à l’origine du réchauffement mais souvent très exposés aux conséquences de celui-ci, réclament un accord sur la création d’un mécanisme financier spécifiquement dédié à ces dommages. Les pays riches y sont très réticents mais l’année 2022 et sa série de catastrophes, comme les inondations au Pakistan, remet le sujet à l’ordre du jour.

Une «nouvelle positive»
Dans un revirement, l’UE propose donc un fonds financé par «une large base de donateurs», et pouvant bénéficier aux pays «très vulnérables» mais qui ne serait qu’un élément d’une «mosaïque» de financements à élaborer. Le représentant du Pakistan, Nabil Munir, qui assure la présidence du puissant groupe de négociation G77 + Chine (plus de 130 pays en développement), a qualifié l’offre européenne de «nouvelle positive». Il a toutefois estimé que «beaucoup de divergences demeurent». Ni la Chine ni les Etats-Unis n’ont commenté.

Une proposition de résolution sur les pertes et dommages a par la suite été publiée par les «facilitateurs» sur ce dossier. Elle liste trois options, dont une assez semblable à l’offre européenne. Une autre pourrait à terme déboucher sur un fonds, une dernière évoque seulement un renforcement des financements.

Les discussions financières se déroulent dans un contexte de grande méfiance, les pays riches n’ayant par ailleurs jamais tenu un engagement de 2009 de porter à 100 milliards de dollars par an les financements aux pays pauvres pour l’adaptation au dérèglement climatique et la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Un besoin de 290 à 580 milliards de dollars par an
Douze pays, parmi lesquels la France, l’Ecosse, la Belgique, l’Allemagne ou encore le Canada, se sont engagés à financer cette enveloppe destinée aux pays en première ligne, bien que les sommes recueillies (autour de 300 millions de dollars actuellement) restent minimes par rapport à l’ampleur des besoins. D’après l’analyse de chercheurs cités par Oxfam, ces besoins se chiffreraient entre 290 et 580 milliards de dollars par an d’ici à 2030, uniquement pour les pays du Sud. Pour l’UE, un tel fonds doit s’accompagner d’engagements forts sur la réduction des émissions.

«La manière la plus efficace de reconstruire la confiance est de trouver un accord ambitieux et crédible sur les pertes et préjudices et le soutien financier aux pays en développement», a déclaré le secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres en Egypte, à son retour du G20 à Bali. «Nous avons besoin d’action.»

Première proposition de texte
La présidence de la COP égyptienne a publié ce vendredi un premier brouillon de déclaration finale. Il réaffirme l’objectif de limiter le changement climatique à 1,5°C, objectif que certains pays pétroliers auraient voulu voir disparaître du texte, mais il n’invite pas à une réduction des énergies fossiles dans leur ensemble (gaz, pétrole, charbon). Comme dans le texte de Glasgow, seule la réduction du charbon est mentionnée. Sur le sujet brûlant des pertes et dommages, le texte ne parle pas de création d’un fonds spécifique. Il se félicite seulement d’avoir mis le sujet à l’agenda de la COP 27.

Le projet d’accord «n’est tout simplement pas à la hauteur de la crise climatique», estime Friederike Röder, Vice Présidente pour le plaidoyer chez Global Citizen. Sur les pertes et dommages, elle ajoute : «Il est important que charm el cheikh aboutisse à un plan d’action clair qui permettra de débourser des financements urgents dès l’année prochaine. Les prochaines 48 heures seront cruciales.»

D’intenses négociations vont se poursuivre avant un éventuel accord, qui doit se faire par consensus. La conférence qui devait théoriquement s’achever ce vendredi, promet de jouer les prolongations pendant le week-end, comme cela avait été le cas l’an dernier à Glasgow.

liberation

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