Mondial 2022 : le Cameroun va-t-il rééditer l’impossible ?

Il faudra véritablement sortir le grand jeu pour se qualifier au second tour, mais, quand on voit comment les Lions indomptables se sont qualifiés pour la Coupe du monde, chez l’ex-champion d’Afrique, l’Algérie, il n’est pas déraisonnable de rêver. En effet, donnés comme les outsiders en chef de ce groupe G, les joueurs camerounais pourraient profiter de l’expérience et peut-être même de la baraka du président de la Fédération camerounaise de foot (Fecafoot), Samuel Eto’o, et de celle de son sélectionneur, le légendaire Rigobert Song, pour se sublimer et créer la surprise. Mais les avertissements ne manquent pas.

Devoir de vigilance pour les Lions indomptables
La tournée africaine effectuée par le Brésil (victoires 3-0 et 5-1 face à la Tunisie et au Ghana) durant la trêve internationale de septembre n’avait qu’un seul objectif : préparer au mieux la rencontre face aux Lions indomptables à la Coupe du monde du Qatar. La Seleçao, qui court après sa sixième étoile depuis vingt ans, ne prend aucun détail à la légère et veut marquer le coup d’entrée pour aller chercher ce titre qui manque à la génération de Neymar et compagnie.

La Suisse, quart-de-finaliste à l’Euro et sur une pente ascendante depuis plusieurs années, a dernièrement défait l’Espagne (1-2) dans un match comptant pour la Ligue des nations.

La Serbie, potentielle grosse surprise de ce Mondial, guidée par son attaquant Aleksandar Mitrovic, semble plus huilée et plus soudée que jamais et enchaîne les très bonnes performances. Alors, naturellement, la défaite 2-0 face à l’Ouzbékistan et l’autre 1-0 face à la Corée du Sud sur un but de la star de Tottenham Heung-min Son pouvaient susciter des interrogations du grand public après la fenêtre de matchs internationaux de septembre.

Eto’o, Milla : les premiers supporteurs des Lions indomptables
Toutefois, pas de quoi inquiéter le président de la Fecafoot Samuel Eto’o, qui organise le bloc autour de son équipe. « La défaite ? Ce n’est pas le plus important pour nous. Ce que nous voulions voir, nous l’avons vu. C’était beaucoup plus la réaction de l’équipe. Et, pour la première fois, j’ai souhaité voir l’équipe du Cameroun perdre, sachant que nous avons notre objectif qui est de partir de la compétition le 18 décembre à Doha [jour de la finale du Mondial, NDLR]. Quand je parle de sortir de la compétition le 18, ça veut dire que nous ne perdons pas de vue notre objectif. Parce que c’est possible. Mais, pour l’atteindre, évidemment, il faut voir comment le groupe réagit face aux difficultés. Nous n’avions plus beaucoup de temps pour voir ce groupe-là et, comme j’ai dit dans le vestiaire, je félicite ce groupe parce que j’ai vu des réactions positives. Quand on veut vivre ensemble, il faut que le groupe soit humainement bon. »

Même son de cloche de la part du légendaire Roger Milla, pour qui aucune conclusion n’est à tirer sur les résultats des matchs de préparation : « Ne jugez pas Song ni Samuel Eto’o. Le Cameroun sait qui sera titulaire et qui sera remplaçant. Nous n’avons pas à exposer notre système de jeu ni nos meilleurs joueurs. L’Allemagne a envoyé son équipe remplaçante jouer en match amical avec le Cameroun, nous avions fait 2-2. Pendant la Coupe du monde (2014), cette même Allemagne a sorti son équipe type et vous avez vu 7-1 contre le Brésil. Les matchs de préparation ne sont pas la réalité de la Coupe du monde. Il s’agit juste d’une remise en jambes. Celui qui dévoile tout son football avant les choses sérieuses risque de regretter le moment venu. C’est l’occasion de tester de nouveaux joueurs pour voir s’ils n’ont pas le complexe des footballeurs de couleur différente. Seuls les détracteurs critiquent ce genre de défaites. »

Ngadeu, grand absent du Mondial
Cela dit, la fenêtre de septembre avait été marquée par les retours des vainqueurs de la CAN 2017 : Nicolas Nkoulou (ancien défenseur de l’OM) et Georges Mandjeck (ancien milieu de Rennes, aujourd’hui à Famagouste), en retrait de la sélection depuis 2017 et 2019.

À ces noms se sont ajoutés ceux de nombreux nouveaux joueurs, à l’image de Bryan Mbeumo (ailier, Brentford), les anciens Marseillais Kevin Nkoudou (ailier, Besiktas), Olivier Ntcham (milieu, Swansea), Jean Onana (milieu, RC Lens), les défenseurs Enzo Bosse (Udinese), Christopher Wooh (Rennes), Enzo Tchato (fils de l’ancien international Bill Tchato, évoluant à Montpellier) ou encore Darlin Yongwa (arrière gauche de Lorient).

Parmi eux, Nkoulou, Mbeumo, Nkoudou, Ntcham, Bosse et Wooh figurent sur la liste finale qui fera le voyage au Qatar.

Alors que ces joueurs s’ajoutent à une ossature qui s’est dégagée lors de la CAN, à la surprise générale, le grand absent de cette liste est le défenseur central de la Gantoise, Michael Ngadeu, champion d’Afrique en 2017, cadre de la sélection depuis 2016, et même capitaine de la sélection à plusieurs reprises. Titulaire encore à la CAN, il était encore incontournable lors des barrages de la Coupe du monde face à l’Algérie, et même passeur décisif pour le but de la qualification pour le Mondial signé Toko Ekambi.

De plus, cette non-sélection ne se justifie pas par un manque de temps jeu en club, étant donné qu’il est incontournable du côté de la Gantoise. On peut donc s’interroger. Son expérience était cruciale à un poste où Ebosse, Wooh sont relativement nouveaux, tandis que Nkoulou n’est plus forcément au niveau qu’il affichait dans les années 2010. Ayant pris ses marques au point de devenir titulaire depuis la CAN, le Nantais Jean-Charles Castelletto a l’opportunité de naturellement devenir le leader de la défense camerounaise.

Quelle alchimie pour les Lions indomptables ?
Cet important afflux de nouveaux joueurs, ajouts non négligeables sur un plan qualitatif, pose la question de l’alchimie d’équipe. Ne disposant que d’un seul match de préparation avant le Mondial, la capacité d’intégration au projet de jeu sera capitale pour Rigobert Song. Ménagés en septembre, Choupo-Moting, qui prend de plus en plus d’importance au Bayern Munich, et l’ancien Marseillais Zambo Anguissa, auteur d’un très bon début de saison du côté de Naples, seront bien de la partie. Souvent critiqué, ce dernier n’en demeure pas moins un joueur essentiel pour l’entrejeu de la sélection camerounaise tant les attentes sont grandes autour de lui.

Enfin, surprises du chef, Rigobert Song a voulu mettre en valeur le football domestique, qui retrouve une ferveur populaire depuis la saison passée, en incluant deux joueurs évoluant au pays. En l’occurrence, Souaibou Marou, attaquant du Coton Sport, élu Ballon d’or camerounais 2022, récompensé meilleur joueur évoluant au pays, et Jérôme Ngom, ailier de 24 ans évoluant à Apejes. De retour dans son club formateur après des expériences en République tchèque et aux États-Unis, il a attiré l’?il du sélectionneur durant le regroupement de ces derniers jours. Choix payant, donc.

À noter que l’on compte treize joueurs formés au pays, dont quatre en provenance du club dix-sept fois champion du Cameroun : le Coton Sport, représenté par Aboubakar, Zambo Anguissa, Marou et Ngamaleu (qui y a terminé sa formation).

La théorie du danger fera-t-elle la différence ?
Avec cinq matchs, deux victoires, trois défaites, le bilan comptable de Rigobert Song n’est peut-être pas flatteur, mais la compétition est le seul indicateur significatif sur lequel des conclusions peuvent être tirées. Pour Samuel Eto’o, il n’y a pas de limites à se fixer, bien au contraire : « Je crois que, pour gagner la Coupe du monde, il ne faut pas être des monstres ou des extraterrestres. Il faut une bonne préparation, une forte mentalité et une pincée de folie. Je prends toujours l’Inter Milan comme exemple : personne au début de la saison 2009-2010 ne pensait que nous pouvions gagner la Ligue des champions et Mourinho a fait quelque chose de fou, avec un groupe d’hommes et de guerriers. Je voudrais quelque chose comme ça pour le Cameroun aussi. »

Naturellement, s’agissant de la Coupe du monde et prenant en compte l’adversité à laquelle le Cameroun devra faire face d’entrée, ce sentiment d’urgence est de mise. « Quand tu sais que tu es en danger, tu n’es plus en danger ! C’est quand tu ne sais pas que tu es en danger que tu es en danger. » La célèbre citation de Rigobert Song est on ne peut plus vraie à la veille de la Coupe du monde et une mentalité de siège est un impératif pour élever le niveau d’exigence des coéquipiers de Vincent Aboubakar afin d’approcher la compétition sans complexes et pour pouvoir déjouer tous les pronostics, comme le Cameroun l’avait fait en 1982 et 1990.

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