La tension monte entre les multinationales et les deux plus grands producteurs mondiaux de cacao. La Côte d’Ivoire et le Ghana reprochent aux industriels de l’or brun de ne pas respecter le montant des primes destinées aux planteurs, contraints de suivre de nouvelles normes. Les deux pays ont fixé un ultimatum aux entreprises du secteur, qui ont jusqu’au 20 novembre pour verser cette subvention sous peine de mesures de rétorsion.
Le nœud de l’affaire reste le versement de la prime destinée aux planteurs. Instaurée en 2019 par le CCC, Côte d’Ivoire, et le Cocoa Board, Ghana, cette prime de 400 dollars par tonne de cacao, qu’on appelle aussi DRD (Différentiel de Revenu Décent), n’a jamais été payée par aucune multinationale, alors que le secteur s’y était engagé. Les géants de l’industrie du chocolat justifient ce refus par la baisse de la demande mondiale suite au Covid-19. Ils s’appuient également sur la non application des critères de durabilité du cacao (déforestation, travail des enfants) par les pays producteurs pour ne pas payer la prime.
Les producteurs souffrent de la baisse du prix du cacao
Selon Alex Assanvo, secrétaire exécutif de l’Initiative Cacao Côte d’Ivoire-Ghana, ce manquement a des conséquences lourdes sur des milliers de producteurs. « La suppression de la prime a un impact direct sur les planteurs. Ces derniers souffrent déjà de la baisse du prix du cacao et de son instabilité. Il est donc important pour nous de ne pas accepter cette situation », explique le responsable ivoirien. Le régulateur condamne surtout le fait que les multinationales imposent des programmes de durabilité du cacao sans tenir compte des frais que cela engendre pour le producteur.
L’Initiative sur le cacao durable a été lancée en 2021 par le gouvernement ivoirien en partenariat avec l’Union Européenne. Selon cette norme, la Côte d’Ivoire doit respecter des critères tels que la lutte contre la déforestation, ou la lutte contre le travail des enfants dans les plantations. Or, les enjeux sont énormes pour les autorités ivoiriennes qui doivent mobiliser environ 616 milliards de francs CFA (939 millions d’euros) pour respecter les conditions de cette convention.
Le revenu des planteurs, sujet central
« Nous vendons nos fèves à 700 FCFA le kg. Mais on devrait percevoir une subvention de 200 FCFA par kilo pour être au niveau du prix officiel affiché par le CCC « , explique le planteur, qui est aussi le secrétaire général de la centrale syndicale agricole de Côte d’Ivoire. Pour les producteurs ivoiriens, tout système de commercialisation qui ne mettra pas le revenu des planteurs au cœur de sa politique sera voué à l’échec.
La Côte d’Ivoire et le Ghana, qui assurent à eux deux 60 % de la production mondiale de cacao, n’ont pourtant pas toujours été d’accord sur les mécanismes de fixation des prix. C’est la première fois qu’ils décident de faire front commun pour défendre les intérêts des planteurs. Selon l’économiste ivoirien Youssouf Carius, ils ont un intérêt mutuel à faire respecter ces dispositions pour maintenir un niveau de vie décent à leurs planteurs.
« Il faut que les multinationales comprennent que le continent se transforme. Si elles veulent continuer de prospérer sur un secteur aussi porteur, elles ont tout intérêt à veiller à ce que le travail soit rémunéré à sa juste valeur » explique l’économiste.
Avec près de 2 millions de tonnes de production par an, la Côte d’Ivoire est le premier producteur mondial de cacao. Mais le pays ne perçoit qu’une faible part dans la valeur globale ajoutée de la filière (entre 5 et 7 %). Selon les autorités ivoiriennes, plus de 50 % des producteurs de cacao vivent en dessous du seuil de pauvreté.
france24