La Turquie riposte à l’attentat d’Istanbul en frappant les régions kurdes de Syrie et d’Irak

Ankara a lancé dimanche une opération aérienne dans le nord de l’Irak et de la Syrie visant plusieurs régions sous contrôle des forces kurdes syriennes et du PKK, avec un bilan d’au moins 31 morts. La Turquie les tient pour responsable du récent attentat à Istanbul. De son côté, le PKK assure n’avoir « aucun lien avec cet événement ».

L’opération, baptisée « Griffe Épée » a commencé. La Turquie a lancé dimanche 20 novembre un assaut aérien dans le nord de l’Irak et de la Syrie visant dans la nuit plusieurs régions sous contrôle des forces kurdes syriennes et du PKK, accusées par Ankara du récent attentat qui a fait six morts et 81 blessés à Istanbul. 

Immédiatement désignés, le Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK) et les Forces démocratiques syriennes (FDS), soutenues par Washington, avaient rejeté ces accusations et nié toute implication dans cet attentat. 

L’opération, baptisée « Griffe Épée », vise à « éliminer les attaques terroristes du nord de l’Irak et de la Syrie, assurer la sécurité des frontières et éliminer le terrorisme à sa source », a affirmé le ministère turc de la Défense, dans un communiqué. 

« L’heure des comptes a sonné ! »

« L’heure des comptes a sonné ! Les salauds devront rendre des comptes pour leurs attaques perfides », avait-il lancé dans la nuit sur Twitter. 

Près de 25 frappes aériennes ont été effectuées par l’armée turque dans les provinces syriennes de Raqa et Hassaké (nord-est) et d’Alep (nord), faisant au moins 31 morts selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), une ONG basée à Londres et qui dispose d’un vaste réseau de sources en Syrie. Les victimes sont 18 combattants kurdes et membres de forces locales alliées, 12 soldats syriens ainsi qu’un civil. Il y a eu 40 blessés. 

Les frappes ont visé principalement la ville de Kobané (nord) et ses environs, près de la frontière turque, notamment des silos à grains près d’Al-Malikiyah (nord-est) et une centrale électrique au sud de cette province, située dans des zones sous le contrôle des Forces démocratiques syriennes (FDS, coalition armée dominée par les Kurdes). 

Les frappes turques ont complètement détruit la quatrième centrale électrique de Taql Bakl, près d’Al-Malikiyah dans le sud de la province de Hassaké, a rapporté un photographe de l’AFP, qui a vu des cadavres dimanche matin près d’une voiture sur place, et de grands trous dans le sol. 

Des bombardements « agressifs et barbares »

Des proches de blessés se sont rassemblés devant l’hôpital de la ville où les blessés des violents raids contre la région ont été transférés à l’aube, en scandant des chansons kurdes tristes sur la perte des enfants. 

Selon Souleiman Abou Hawkar, habitant de la région, l’aviation turque a bombardé à plusieurs reprises la centrale. « Nous nous employions à sauver les blessés et récupérer les corps lorsque l’avion a de nouveau bombardé, alors nous avons fui ». 

Les bombardements ont également ciblé des positions où les forces du régime de Damas sont déployées à Raqa, Hassaké et Alep, selon l’OSDH. 

« Kobané, la ville qui a défait l’État islamique, est la cible de bombardements par l’aviation de l’occupation turque », a annoncé Farhad Shami, un porte-parole des FDS, qui avait démenti tout lien avec l’attentat qui a rapporté que deux membres des FDS ont été tués à Al-Malikiyah, et quatre soldats prorégime dans le nord d’Alep. 

Le commandant en chef des FDS, Mazloum Abdi, a dénoncé des bombardements « agressifs et barbares ». 

« Le bombardement turc de nos zones menace la région entière. Ce bombardement ne sert aucun parti. Nous faisons tout pour éviter une catastrophe majeure. Si la guerre éclate, tout le monde sera affecté », a-t-il tweeté. 

Pas de victime

En revanche, les frappes turques n’ont « pas fait de victimes » dans le nord de l’Irak, a affirmé un responsable du gouvernement régional du Kurdistan d’Irak à l’AFP. 

« Les Turcs ont visé au moins huit zones où se trouvent des bases du PKK sans faire de victime civile » a assuré ce responsable, citant les régions montagneuses de « Shingal, Rawanduz, Bradost, Qandil, Asos, Soran, Rania et Qaladzi », situées entre Erbil, la capitale du Kurdistan autonome irakien et la frontière iranienne. 

Selon un porte-parole du PKK « ces opérations ne sont pas nouvelles, elles durent sans discontinuer depuis sept mois », a-t-il affirmé en assurant que « l’armée turque a effectué 3 694 bombardements sur le sol du Kurdistan d’Irak » pendant cette période. 

Au lendemain de l’attentat commis dans une rue très commerçante et fréquentée d’Istanbul, les autorités turques ont accusé une jeune femme, présentée comme de nationalité syrienne, d’avoir posé la bombe. 

Selon le ministre turc de l’Intérieur Suleyman Soylu, « l’ordre de l’attentat a été donné de Kobané », ville contrôlée par les forces kurdes. 

La Syrie divisée

Le département d’État américain avait dit vendredi craindre « une éventuelle action militaire de la Turquie », en déconseillant à ses ressortissants de se rendre dans le nord de la Syrie et de l’Irak. 

En guerre depuis 2011, la Syrie est morcelée à cause de l’intervention de multiples groupes et puissances étrangères dans le conflit. 

La Turquie, dont les soldats sont présents dans des zones du nord de la Syrie, menace depuis mai de lancer une offensive d’envergure contre les FDS, qu’elle considère comme « terroristes ». 

Ankara dit vouloir créer une « zone de sécurité » de 30 kilomètres de largeur à sa frontière sud.  

Entre 2016 et 2019, l’armée turque a lancé trois opérations d’envergure dans le nord de la Syrie visant les milices et organisations kurdes. 

AFP

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