On attend beaucoup de la détermination des compositions des atmosphères de diverses exoplanètes autour d’étoiles non loin du Soleil dans la Voie lactée avec le télescope spatial James-Webb, le JWST. Un salve d’articles vient de saluer le travail en ce sens réalisé avec l’atmosphère de l’exoplanète WASP-39 b, une Jupiter chaude bien connue. Pas encore de biosignature, mais déjà, tout de même, des indications sur le processus de sa formation.
Il y a quelques mois, une équipe de chercheurs dirigée par Natalie Batalha de l’université de Californie Santa Cruz annonçait fièrement un résultat important et de bon augure pour le programme d’analyse des atmosphères des exoplanètes que rend possible le télescope spatial James-Webb. Les astrophysiciens venaient en effet d’apporter des preuves définitives de la présence de dioxyde de carbone dans l’atmosphère d’une exoplanète, en l’occurrence une planète géante gazeuse orbitant autour d’une étoile semblable au Soleil, située à seulement 700 années-lumière du Système solaire via une publication annoncée dans le célèbre journal Nature, mais donc une version est en accès libre sur arXiv.
L’exoplanète en question est une Jupiter chaude du nom de WASP-39 b dont la masse est environ un quart de celle de Jupiter et dont le diamètre est 1,3 fois supérieur, étant donné qu’elle est chauffée à environ 900 °C. Elle avait été initialement détectée sur Terre en 2011 en utilisant la méthode du transit. Sa période orbitale déterminée est de seulement quatre jours environ et le rayon de son orbite est d’à peine un huitième de la distance entre le Soleil et Mercure.
Inutile donc d’espérer y trouver de la vie mais cela illustrait bien les possibilités désormais ouvertes avec le JWST avec, à terme, l’espoir de déterminer peut-être des biosignatures convaincantes de l’existence de formes de vie sur des exoterres proches du Soleil dans la Voie lactée. Une problématique qui n’a rien d’évidente, comme l’astrophysicien Franck Selsis l’a expliqué à plusieurs reprises.
Rappelons que les transits permettent de mettre en œuvre les capacités d’observations du JWST rendues possible notamment par son spectrographe dans le proche infrarouge : NIRSpec (il existe en fait trois instruments de ce genre équipant le JWST). Lorsqu’une exoplanète passe devant son étoile, la lumière transmise à travers son atmosphère montre des raies d’absorption que l’on peut mettre en évidence par dispersion avec le spectrographe et qui sont une sorte de code-barres révélant la présence, l’identité et les abondances d’atomes et de molécules dans cette atmosphère.
C’est particulièrement facile dans le cas de WASP-39 b car son atmosphère est bien dilatée par le rayonnement thermique de son étoile hôte, sa distance au Soleil faible et ses transits fréquents, ce qui permet d’accumuler de la statistique comme on dit dans le jargon des sciences naturelles, contribuant à augmenter la précision des mesures avec le temps en faisant baisser le bruit parasitant les signaux recherchés.
Cinq articles sur les molécules de l’atmosphère de WASP-39 b
On en voit aujourd’hui la preuve avec la détection de nouvelles molécules dans l’atmosphère de WASP-39 b avec le JWST qui a à nouveau été mobilisé et par l’équipe Early Release Science (ERS) Transiting Exoplanets qui comprend un groupe d’astronomes canadiens de l’université de Montréal dirigés par le professeur Björn Benneke. Comme l’explique un communiqué de l’Institut de recherche sur les exoplanètes (iREx), ce groupe avait déjà contribué à la détection du CO2 dans l’atmosphère de WASP-39 b et il a donc poussé ses analyses plus loin avec l’instrument canadien, le Near-Infrared Imager and Slitless Spectrograph (NIRISS).
« C’est la première fois que nous voyons des preuves concrètes de la photochimie – des réactions chimiques initiées par la lumière stellaire énergétique – sur des exoplanètes. Je vois cela comme une perspective vraiment prometteuse pour faire progresser notre compréhension des atmosphères d’exoplanètes », explique dans un communiqué de l’ESA Shang-Min Tsai, chercheur à l’université d’Oxford au Royaume-Uni et auteur principal d’un des cinq articles aujourd’hui publiés, celui au sujet de l’origine du dioxyde de soufre dans l’atmosphère de WASP-39 b.
Ceci n’est que la pointe émergée d’un iceberg, celui de la modélisation de l’effet du rayonnement d’une étoile sur les réactions chimiques dans une atmosphère. On sait le faire bien sûr dans le cas de la Terre, mais il existe aussi des modèles pour les autres planètes du Système solaire. La découverte de SO2 dans l’atmosphère de WASP-39 b est donc un prélude de l’extension et des tests de modèles de la photochimie dans les atmosphères d’exoplanètes. Modèles, qui vont nous aider dans les décennies à venir à mieux définir ce que pourraient être des biosignatures convaincantes.
À cet égard, Hannah Wakeford, astrophysicienne à l’université de Bristol au Royaume-Uni, qui étudie les atmosphères des exoplanètes, ajoute dans le communiqué de l’ESA en ce qui concerne les résultats obtenus avec les molécules détectées aujourd’hui : « nous avions prédit ce que JWST nous montrerait, mais c’était plus précis, plus diversifié et plus beau que je ne le pensais réellement ».
La cosmogonie des exoplanètes
La détermination de la composition des atmosphères des exoplanètes avec le James-Webb ne permet pas seulement aux exobiologistes de partir en quête de biosignatures. En effet, les cosmochimistes peuvent aussi déterminer des rapports d’abondance entre les éléments constituant les molécules détectées.
Comme dans le cas du Système solaire, les rapports carbone-oxygène ou potassium-oxygène, par exemple, témoignent des conditions régnantes dans les disques protoplanétaires et des mécanismes de formation des planètes.
Dans le cas de WASP-39 b, les rapports déjà déterminés pointent vers des processus déjà découverts dans le cas du Système solaire, comme l’explique Kazumasa Ohno, chercheur sur les exoplanètes de l’UC Santa Cruz qui a travaillé sur les données Webb.
« L’abondance du soufre relativement à l’hydrogène a indiqué que la planète a vraisemblablement connu une accrétion significative de planétésimaux qui peuvent fournir ces ingrédients à l’atmosphère. Les données indiquent également que l’oxygène est beaucoup plus abondant que le carbone dans l’atmosphère. Cela suggère que WASP-39 b s’est formée à l’origine loin de l’étoile centrale. En révélant avec précision les détails de l’atmosphère d’une exoplanète, les instruments du télescope Webb ont dépassé les attentes des scientifiques et promettent une nouvelle phase d’exploration de la grande variété d’exoplanètes de la Galaxie. »
DES EXPLICATIONS DÉTAILLÉES DE FRANCK SELSIS SUR LE PROBLÈME DE LA DÉTECTION ET DE L’INTERPRÉTATION DES BIOSIGNATURES.
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