Le nouveau médicament le plus cher du monde vaut 3,5 millions de dollars la dose. Sa mise sur le marché vient d’être approuvée aux États-Unis.
Un nouveau record vient d’être battu. La Food and drug administration (FDA), autorité de régulation du médicament aux Etats-Unis, vient d’approuver la mise sur le marché du médicament le plus cher du monde, l’Hemgenix, commercialisé par le laboratoire CSL Behring. Destiné aux malades souffrant d’hémophilie B, son prix se porte à 3,5 millions de dollars la dose.
L’hémophilie B concerne environ 1 personne sur 40.000 et représente 15% des patients hémophiles dans le monde. On estime qu’environ 16 millions de personnes aux États-Unis et en Europe sont atteintes d’hémophilie B, tandis que l’hémophilie A, plus courante, en touche cinq fois plus. Les malades de l’hémophilie B souffrent d’une mutation causant un déficit héréditaire en facteur de coagulation IX, ce qui empêche le sang de bien coaguler et peut être à l’origine d’hémorragies au niveau des articulations, des muscles ou encore des organes internes. « De nombreuses femmes porteuses de la maladie ne présentent aucun symptôme. Toutefois, de 10 à 25% des femmes concernées ont des symptômes légers ; dans de rares cas, les symptômes sont modérés voire sévères », explique la FDA. Il existait déjà un traitement de substitution administré par voie intraveineuse, palliant temporairement le déficit, que les malades devaient prendre toute leur vie pour éviter les saignements.
Une seule dose pour la vie
Cette fois, la thérapie génique mise sur le marché ne consiste qu’en une seule dose de traitement. Il s’agit d’un vecteur viral portant un gène du facteur de coagulation IX. Cette thérapie génique se base sur un adénovirus utilisé comme vecteur pour fournir du matériel génétique, une portion d’ADN, dans une cellule humaine. Le gène du facteur de coagulation IX est acheminé dans l’organisme du malade, plus précisément dans le foie, et lui transmet l’information nécessaire pour produire la protéine du facteur IX jusque là manquante. Le traitement permet alors d’augmenter les taux sanguins de facteur IX et ainsi limiter les épisodes hémorragiques. Le médicament réduirait de plus de moitié le nombre d’événements hémorragiques attendus au cours d’une année et permettrait à 94% des patients de se passer des perfusions régulières pour contrôler la maladie selon les études cliniques menées.
« Nous estimons que ce prix permettra de générer des économies de coût pour les systèmes de santé et réduira significativement le poids de l’hémophilie B », argue CSL Behring dans un communiqué, estimant que le coût d’une seule dose serait bien moins élevé que le coût cumulé du traitement que les hémophiles B prenaient à vie jusqu’à présent. « Le prix est un peu plus élevé qu’attendu mais je pense que ce traitement est prometteur car d’une, les médicaments qui existent déjà sont aussi très chers et de deux, les patients hémophiles vivent dans la peur constante des saignements », a déclaré Brad Loncar, un investisseur en biotechnologies et PDG de Loncar Investments à Bloomberg.
Définir un prix « juste »
« A ce prix-là, peu de systèmes de santé vont pouvoir financer un tel médicament, prometteur de bénéfices conséquents pour le laboratoire. Ces derniers sont responsables de mettre en tension des systèmes de santé déjà en difficulté, même dans les pays du Nord », réagit Jean-François Corty, médecin et ancien directeur des opérations de Médecins du monde auprès de Sciences et Avenir. « Le mécanisme de fixation des prix des médicaments est toujours opaque. Pourtant, il faut réussir à définir un prix juste, placer le curseur entre le coût de l’innovation et l’intérêt général. Reste à savoir comment les autorités françaises vont réussir à négocier, ou non. » Par le passé, la France avait réussi à négocier le prix du Sovaldi. Cette thérapie permettant de guérir 90% des patients atteints d’hépatite C avait été commercialisée à 58.000 euros le traitement de trois mois par le laboratoire Gilead. Après des négociations avec l’industriel, les autorités françaises étaient parvenues à fixer le prix à 41.000 euros.
Ce n’est pas la première fois qu’un traitement nouveau se voit fixer un prix aussi élevé. En 2019, le Zolgensma de Novartis, destiné aux bébés atteints d’amyotrophie spinale, avait été fixé à 2,1 millions de dollars. Le traitement de Bluebird Bio, formulé contre la bêta-thalassémie, une maladie sanguine, avait lui été fixé à 2,8 millions de dollars.
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