La première rencontre de l’événement Santé Globale organisé par Sciences et Avenir – La Recherche avec la région Grand-Est a été l’occasion de préciser les idées et actions que recouvrent le concept de « One Health ».
C’est l’un des nouveaux défis de la médecine de demain : intégrer à notre compréhension de la santé humaine notre rapport à l’environnement. Déforestation, urbanisation, déplacement des espèces sauvages, dégradation des écosystèmes, santé des élevages et, de plus en plus, réchauffement climatique… Réussir à appréhender ces multiples facteurs environnementaux interconnectés dans l’amélioration des soins, c’est cela que recouvre le concept de « One Health » ou, en bon Français, « Une seule santé ».
A portée des oreilles attentives du président de la Région Grand Est, Jean Rottner, hôte de la journée-événement Santé Globale co-organisée par Sciences et Avenir – La Recherche, quatre experts sont venus tracer les perspectives de la santé de demain.
« Il faut faire atterrir le concept de santé globale, qui est resté jusqu’ici un peu planant », attaque Benjamin Roche. De fait, une fois qu’on a dit que toutes les santés (environnementale, animale et humaine) sont liées, on n’a pas beaucoup avancé. Le chercheur à l’IRD, lui, est engagé dans un programme international ambitieux, PREZODE, visant à mettre en place un système de surveillance et donc de prévention des virus émergents. « Nous avons aujourd’hui quatre fois plus d’épidémies à travers le monde qu’au siècle dernier », rappelle le scientifique, « essentiellement des zoonoses, ces agents pathogènes qui passent de l’animal à l’humain : Sida, Ebola, grippes aviaires ou porcines, Zika… »
Cette ambition a le vent en poupe après trois années marquées par la pandémie de Covid-19. Lancé lors du One Planet Summit sur la biodiversité, en janvier 2021, à l’initiative de l’Inrae, de l’IRD et du Cirad, le programme est désormais porté par près de 170 partenaires, dont 16 gouvernements. Déjà, Benjamin Roche se félicite d’avoir finalisé l’élaboration « dans la péninsule du Yucatan au Mexique d’un premier territoire maillé par une stratégie ‘One Health’ de façon cohérente. » Reste à l’éprouver… et l’adapter à d’autres hotspot d’émergence zoonotique.
Une urgence pour l’ensemble des participants : « Dans des populations de plus en plus rapprochée, physiquement connectée, on a un cocktail parfait pour les sauts d’espèce d’agents pathogènes, avec les animaux domestiques comme passerelles facilitantes à l’émergence de zoonoses », détaille Benjamin Roche. « Nous courons vers un monde où nous vivrons des pandémies à répétition », prévient-il.
S’adapter au réchauffement climatique
L’anthropologue Frédéric Keck constate lui aussi que cette réforme nécessaire du « One Health » en médecine humaine est en train de passer du niveau global au niveau territorial, signe que les ambitions se concrétisent. « Il faut pouvoir mettre en place des territoires sentinelles, que ce soit en Asie du sud-est ou en Afrique de l’Ouest notamment. C’est ce qui est fait à une autre échelle pour la grippe aviaire en France où la Vendée et le Gers, régions productrices de volailles servent ainsi de territoires sentinelles. »
Même son de cloche chez Benoît Miribel, secrétaire général de la fondation « Une Santé Durable pour Tous ». L’homme de terrain qui a notamment dirigé Action contre la faim plaide pour une mise en pratique opérationnelle plus vaste dans les politiques de santé. Presque une réforme : « Il faut prendre conscience qu’à chaque fois qu’on agit sur tel ou tel facteur, ça change quelque chose dans l’environnement : quand vous végétalisez une ville, il faut anticiper une modification de la biodiversité locale (rats, insectes, etc.) »
Autre facteur environnemental incontournable dans notre santé : le réchauffement climatique. Mathilde Pascal rappelle ainsi que la multiplication des canicules s’accompagne d’une surmortalité, que les incendies favorisés par les sécheresses sont aussi des facteurs de pollutions de l’air. « Pour notre santé, il faut non seulement tout faire pour ralentir le réchauffement, mais il faut d’ores et déjà s’adapter à ce nouveau climat et aux événements extrêmes qui l’accompagnent. Car malheureusement, jusqu’ici, nous ne sommes pas du tout sur une tendance permettant de maintenir un avenir viable », poursuit la chargée de projet « changement climatique et santé » à Santé Publique France.
Vanina Laurent-Ledru, directrice générale de la toute jeune Foundation S. (créée au sein de Sanofi) est venu quant à elle éclairer les moyens de financer cette adaptation au changement climatique. « Il faut soutenir les communautés où les effets du changement sont les plus importants dès aujourd’hui, libérer du financement. » Ainsi, face à la multiplication des inondations de plus en plus meurtrières, « nous avons financé un bateau-hôpital pour atteindre les populations vulnérables ». Enfin, Jean Rottner insiste sur le sous développement de la santé mentale, parent pauvre. Particulièrement aujourd’hui où la crise sanitaire a laissé des traces, en particulier chez les jeunes.
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