KAISER KABUYA, l’écriture est le centre de gravité de la création

Le chanteur congolais Kaiser Kabuya a sorti son premier album très attendu « De l’ombre à la lumière » en juin 2022, un aboutissement qui mêle dancehall, trap, R’n’b et slam dans un même élan gourmand et ambitieux. Rencontre.

Avant cet album, quelle formation avez-vous reçue ?
Kaiser Kabuya : J’ai d’abord lancé une mixtape « Mental d’uranium » en deux volumes, d’abord en 2019 puis un second en 2021. J’ai touché à tout (rires), diplômé en biologie-chimie, loin de la poésie, ensuite je suis licencié en sciences commerciales et financières, donc…

D’où vous est venu ce désir de chanter ?

Kaiser Kabuya : Disons que j’ai très tôt aimé la poésie, je me sentais bien en lisant un poème, j’ai trouvé un plaisir d’évasion entre les lignes très vite. Ensuite j’ai découvert le slam et je n’y suis plus sorti.

Quelle place donnez-vous au style dans votre travail ? On sent dans vos textes un besoin d’avoir des punchlines raffinées comme quand vous dites « J’ai imposé l’écriture à une époque où le texte est meurtri ».

Kaiser Kabuya : L’écriture est le centre de gravité de ma création et je considère que le plus important dans une musique c’est de faire passer un message. C’est vrai que les opinions diffèrent sur le sujet, mais il me paraît important de placer l’écriture au centre de mon travail.

Dans votre album, vous dégagez beaucoup d’ondes positives. Vous dites que « ça va marcher », que « si l’on bosse, ça va aller », etc., pensez-vous être investi d’une mission pour ceux vous écoutent ?

Kaiser Kabuya : Pour être sincère, vu tout ce que nous endurons, les réalités de notre pays et notre environnement, je me rends compte que l’on n’a rien de plus fort que cette énergie positive. On n’a ni argent ni or, mais seulement cette volonté, l’envie de réussir. Je suis convaincu que lorsqu’on a l’esprit positif, on attire vers soi des choses positives.

Comment l’album « De l’ombre à la lumière » est-il né ?

Kaiser Kabuya : Après la mixtape de 2019, je me suis rendu compte que je chantais depuis longtemps, mais qu’il me manquait toujours un album. J’ai compris qu’il était temps de raconter ce qu’il y avait au plus profond de moi, j’avais une histoire à raconter et je ne peux pas parler des autres sans parler de moi. Je ne me connais pas entièrement, mais je suis l’individu que je connais le mieux. Je suis donc un narrateur de ma propre histoire. J’ai passé une résidence d’écriture à l’Institut français de Lubumbashi, ensuite nous avons créé des sons avec mes collaborateurs, des séances d’enregistrement à Kinshasa et enfin le mix, le mastering et tous les aspects techniques. Pendant près de trois mois, je me suis consacré entièrement à cet album.

Pourquoi « de l’ombre à la lumière » ?

Kaiser Kabuya : Parce que je faisais de la musique sans l’intention de la promouvoir ou la mettre en avant-plan. Avec cet album, c’est un artiste qui passe de la musique expérimentale à une musique qu’il maîtrise. Je suis conscient de mes qualités, de ce que je peux produire et je l’assume.

Vous parlez beaucoup de la solitude, de votre maman qui vous a inspiré et de Dieu.

Kaiser Kabuya : Sur cet album, j’ai voulu être sincère, sans la volonté de d’abord faire plaisir aux autres. J’ai retiré le masque, parlé sans maquillage et présenté mon moi à l’état brut. Ce que je suis, je le dois à ma mère, qui nous a quittés il y a un an. J’aurais aimé qu’elle me voit avancer dans mon art, car je lui dois beaucoup, je dois tout à ma mère. Je lui ai donc rendu hommage et je lui ai dit que ce qu’elle m’a offert, ce n’était pas acquis d’avance. Pour Dieu, je dis dans un morceau que « même quand je gagne, je suis deuxième puisque je mets toujours Dieu devant ». Pour moi, la vie est un cadeau de Dieu.

Vous évoquez aussi des sujets modernes et des questions des jeunes, pourquoi ?

Kaiser Kabuya : Je parle aux gens de mon époque et je m’y adapte. Je ne change pas ma façon de m’exprimer dans mes propos ou dans mon album, je reste le même et je m’adresse à mon époque en parlant de moi pour que les gens m’écoutent.

Quels défis cela représente-t-il d’être artiste slameur en RDC ? Je pense au fait que récemment, vous avez raté une participation à un concours de Universal Africa à cause d’une mauvaise connexion internet…

Kaiser Kabuya : C’est hyper difficile ! Il n’y a pas que les problèmes économiques ou politiques, mais il y a aussi des préjugés que les gens ont sur les artistes. Être artiste c’est tomber sur des regards bizarres, être celui qui « aurait pu faire mieux », ne pas être dans les attentes des parents et un tas d’autres clichés.

Vivez-vous aussi sous des regards des gens dans votre famille qui ne comprennent pas votre choix de devenir artiste ?

Kaiser Kabuya : Au départ, c’était compliqué. Avec le temps, certains comprennent ma motivation et mon choix d’être artiste. Mais, ça reste un défi pour être sincère, j’assume tout de même mon statut et je dis dans l’album « hier j’avais du mal, mais aujourd’hui je maîtrise ». 

« De l’ombre à la lumière »

L’album compte 12 titres pour une durée d’écoute de 33 minutes et 50 secondes.

Pour « se rapprocher le plus de tout type de public », Kaiser y chante en lingala, en français et en swahili. « Je veux être proche des gens dans la langue qu’ils comprennent », déclare-t-il.

Après son concert à l’Institut français de Kinshasa, la Halle de la Gombe, Kaiser et ses équipes ont lancé les démarches pour atteindre les plateformes d’écoutes en streaming. Pour l’instant, l’artiste gère seul ses intérêts et forme une équipe avec son beatmaker. Une tournée dans quelques villes du pays est en réflexion pour promouvoir ce premier opus.

africavivre

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