Vingt-quatre ans après leur dernière rencontre en Coupe du monde, l’Iran et les États-Unis, sans relations diplomatiques depuis quarante ans, se retrouvent sur le terrain, mardi soir, pour un match décisif. Et comme en 1998, cette rencontre revêt une forte portée géopolitique. Elle a été précédée d’une passe d’armes entre les deux fédérations, celle d’Iran protestant contre son homologue américaine pour avoir supprimé le symbole Allah de son drapeau.
Certains le surnomment sur les réseaux sociaux le « nucléarico » – une contraction humoristique de nucléaire, en référence aux relations tendues entre Téhéran et Washington en la matière, et de classico, une rencontre entre deux équipes de foot devenue classique. Ce néologisme est à lui seul un condensé des enjeux de la rencontre à venir entre l’Iran et les États-Unis, mardi 29 novembre (à 20 heures, heure de Paris).
Vingt-quatre ans après leur dernière rencontre lors d’un mondial, les Iraniens (2e avec 3 points) et les Américains (3e avec 2 points) vont disputer un match décisif pour leur avenir dans la compétition organisée au Qatar. À la clé ? Une place en huitièmes de finale. Si l’attaquant Sardar Azmoun et ses coéquipiers obtiennent la qualification, ce serait historique, car l’Iran accèderait pour la première fois à la phase finale de la compétition internationale.
Le match s’annonce disputé sur le terrain… et sur le front diplomatique les États-Unis et l’Iran n’ont plus de relations diplomatiques depuis avril 1980] : la Fédération iranienne de football a protesté, dimanche, contre la Fédération américaine qui a supprimé l’emblème du drapeau iranien représentant le mot Allah dans des publications sur les réseaux sociaux.
La sélection américaine « devrait être expulsée de la Coupe du monde 2022 »
Le drapeau de la République islamique d’Iran est composé de trois bandes horizontales – verte, blanche et rouge – avec au centre un signe calligraphique représentant le mot Allah. Mais cette dernière représentation a disparu dans plusieurs posts de la Fédération américaine samedi, suscitant la controverse.
« La Fédération iranienne de football a envoyé un mail à la Fifa pour exiger qu’elle adresse un avertissement sérieux à la Fédération américaine, a indiqué l’agence officielle Irna. Dans un acte non professionnel, la Fédération américaine de football a supprimé l’emblème représentant Allah du drapeau iranien ».
Un responsable de la communication de la Fédération américaine a affirmé qu’il s’agissait d’un geste « ponctuel pour montrer notre solidarité avec les femmes en Iran ». « Le drapeau n’a jamais été modifié sur le site officiel de la fédération », a-t-il ajouté.
Two days away. pic.twitter.com/iPz10sFNto
— U.S. Soccer Men's National Team (@USMNT) November 27, 2022
Plus tard dans la journée, un porte-parole de la Fédération américaine a dit que les publications controversées sur les réseaux sociaux ont été supprimées – un visuel rétablissant le drapeau de l’Iran a aussi été publié. Mais « nous continuons de soutenir les droits des femmes en Iran », a-t-il assuré.
L’incident intervient alors que l’Iran est le théâtre depuis plusieurs mois d’un mouvement de contestation déclenché le 16 septembre par la mort de Mahsa Amini, une Kurde iranienne de 22 ans décédée après son arrestation par la police des mœurs à Téhéran.
By posting a distorted image of the flag of the Islamic Republic of #Iran on its official account, the #US football team breached the @FIFAcom charter, for which a 10-game suspension is the appropriate penalty.
Team #USA should be kicked out of the #WorldCup2022 pic.twitter.com/c8I4i4z3Tv— Tasnim News Agency (@Tasnimnews_EN) November 27, 2022
L’agence de presse pro-iranienne Tasmin s’est montrée dimanche encore plus véhémente. Selon elle, le geste de la Fédération américaine « a enfreint la charte de la Fifa, pour laquelle une suspension de 10 matches est la sanction appropriée », et estime que la sélection des États-Unis « devrait être expulsée de la Coupe du monde 2022 ».
1998, un précédent qui était placé sous le signe de l’apaisement
Le match de mardi s’annonce en tout cas un peu plus tendu que ne l’avait été la première rencontre entre les deux nations lors du mondial en France, en 1998. À ce moment, les relations diplomatiques entre les deux pays étaient déjà rompues – depuis la prise d’otage de l’ambassade américaine à Téhéran, qui a suivi la Révolution iranienne de 1979.
Mais ce match, disputé le 21 juin au stade Gerland, à Lyon, représentait une occasion d’apaisement entre les deux pays. Peu de temps avant le match, le président américain d’alors, Bill Clinton, avait déclaré : « Alors que nous encourageons le match d’aujourd’hui entre les athlètes américains et iraniens, j’espère qu’il constituera un nouveau pas vers la fin de l’éloignement entre nos nations. »
Après les hymnes nationaux, les footballeurs américains avaient serré la main de leurs adversaires en leur offrant des fanions. Chacun d’eux avait reçu en retour un bouquet de roses blanches. Les joueurs des deux équipes prennent alors une photo ensemble – hors du protocole officiel – qui fera date.
L'avant match est l'occasion de mettre en place une cérémonie savamment chorégraphiée.
La fédération iranienne de football donnent à leurs joueurs des roses blanches, symbole de paix, afin qu'ils les offrent à leurs adversaires américains.🕊️ pic.twitter.com/tgG81Cfk8B
— FC Geopolitics (@FCGeopolitics) January 8, 2020
Les Iraniens ont finalement gagné (1-2) sur le rectangle vert. « Nous avons fait plus en quatre-vingt-dix minutes que ce que les politiciens ont fait en vingt ans », avait déclaré après le match l’ancien défenseur américain Jeff Agoos. Interrogé pour les vingt ans de ce match en 2018, le sélectionneur iranien Jalal Talebi avait quant à lui déclaré : « Nous [Iraniens et Américains] ne sommes pas ennemis. Nous pouvons jouer ensemble, se respecter, se faire des poignées de mains, se souhaiter bonne chance et passer au match suivant. Nous n’étions pas là pour nous battre, nous étions là pour faire du sport. » Puissent ces paroles trouver un nouvel écho lors du match de mardi.
france24