Le président français, qui débutera sa deuxième visite d’État aux États-Unis mardi soir à Washington, va parler d’Ukraine et de protectionnisme avec son homologue américain. Joe Biden a estimé « que c’était le pays le plus pertinent » pour organiser la première visite d’État depuis son investiture, a déclaré John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison Blanche.
Emmanuel Macron se rend cette semaine à Washington pour sa deuxième visite d’État – la première organisée par Joe Biden –, un « honneur » dont il espère profiter pour pousser son plaidoyer diplomatique sur la guerre en Ukraine et hausser le ton face au protectionnisme américain.
Le président français aura droit, jeudi, à tous les honneurs d’une telle réception avec coups de canon, dîner de gala et entretien au coin du feu dans le célèbre Bureau Ovale. Son voyage commencera mardi soir à Washington, et emmènera ensuite le président français à la Nouvelle-Orléans.
John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison Blanche, a loué lundi ce président français « dynamique » dont le pays est « au centre » de toutes les problématiques mondiales, que ce soit la guerre en Ukraine ou la montée en puissance de la Chine.
Joe Biden « a eu le sentiment que c’était réellement le pays le plus pertinent » pour organiser la première visite d’État depuis son investiture, a conclu le conseiller.
Passer outre la récente crise franco-américaine
En 2018, Donald Trump avait invité son jeune homologue pour une rencontre hautement médiatisée. Celle-ci le sera moins : Emmanuel Macron n’est plus une nouveauté, et l’octogénaire démocrate fascine moins que le milliardaire républicain.
Tout sera fait pour solder une récente crise franco-américaine, à coups de déclarations solennelles et d’échanges se voulant plus intimes impliquant également les épouses des deux présidents, Jill Biden et Brigitte Macron.
Entre Joe Biden et Emmanuel Macron, cela avait mal commencé : en septembre 2021, l’annonce par Washington de l’alliance AUKUS avec l’Australie et le Royaume-Uni avait suscité l’ire de Paris, privé d’un mégacontrat de sous-marins avec Canberra. Mais aussi vexé d’avoir été tenu à l’écart dans une région-clé, « l’Indopacifique ».
Cette visite, « est un peu la queue de comète d’AUKUS » [et du rapprochement lancé depuis] », explique à l’AFP Célia Belin, chercheuse invitée à la Brookings Institution de Washington.
« L’en-même-temps » diplomatique français
Au-delà du protocole, l’Élysée espère donc avoir un dialogue « exigeant ». « Nous ne sommes pas des alliés alignés », relève un conseiller présidentiel.
Tout d’abord sur l’Ukraine. Depuis l’invasion russe, Emmanuel Macron fait entendre une petite musique qui a longtemps agacé le partenaire américain : soutien total à Kiev, mais aussi dialogue avec Moscou pour que, quand les Ukrainiens le décideront, la guerre se termine « autour de la table des négociations ».
Le chef de l’État français continue de concilier cet « en-même-temps » diplomatique en organisant le 13 décembre à Paris une conférence de soutien à la résistance civile de l’Ukraine tout en promettant de reparler, « dans les prochains jours », à Vladimir Poutine.
Or Washington semble se rapprocher de cette position depuis que son chef d’état-major, le général Mark Milley, a évoqué une possible fenêtre d’opportunité pour des négociations.
Frictions autour de sujet de « l’Inflation Reduction Act »
Mais Emmanuel Macron veut aussi une « resynchronisation » de la réponse économique, des deux côtés de l’Atlantique, à la crise provoquée par le conflit et, plus largement, en matière de transition écologique et de compétition avec la Chine.
Sur ce dernier point, crucial pour Joe Biden qui voit dans la rivalité avec Pékin son principal axe de politique étrangère, un haut responsable de la Maison Blanche a reconnu que les positions des Américains et des Européens n’étaient pas « identiques », mais que tous partageaient la volonté de « jouer une partition commune en réponse à la Chine. »
Le principal sujet de friction devrait être commercial : Paris cherche la parade à « l’Inflation Reduction Act » (IRA), qui prévoit des investissements massifs pour la transition énergétique – accompagnés de généreuses subventions pour les véhicules électriques, batteries et énergies renouvelables produits aux États-Unis.
« Nous ne resterons pas les bras croisés [face à ce plan d’investissement jugé protectionniste] », a assuré la Première ministre française, Élisabeth Borne.
La Maison Blanche veut calmer le jeu : « nous sommes tout à fait prêts à avoir cette conversation et à trouver un moyen d’aborder ces inquiétudes », a déclaré John Kirby.
Si le président Macron espère obtenir des « exemptions » pour quelques industries européennes, il sait qu’il est improbable que Joe Biden revienne sur l’architecture de ce plan crucial pour son bilan. L’idée est donc plutôt d’en tirer les leçons pour aller défendre une politique semblable auprès des Européens.
AFP