Les 27 pays de l’Union européenne, puis ceux du G7 et l’Australie, ont trouvé vendredi un accord sur le plafonnement à 60 dollars par baril du prix du pétrole russe.
« Le G7 et l’Australie (…) sont parvenus à un consensus sur un prix maximum de 60 dollars américains pour le baril pour le pétrole brut d’origine russe transporté par voie maritime », ont annoncé ces pays dans un communiqué commun publié vendredi. La secrétaire américaine au Trésor, Janet Yellen, a salué dans un communiqué cette annonce, qui « est l’aboutissement de mois d’efforts de notre coalition ». L’accord a été permis par le consensus trouvé par les 27 pays de l’Union européenne.
Les ministres des Finances des pays du G7 s’étaient entendus début septembre sur cet outil, conçu pour priver la Russie de moyens financiers. Concrètement, le prix fixé doit être suffisamment élevé pour que la Russie ait intérêt à continuer à leur vendre du pétrole, mais inférieur au cours pour limiter les revenus qu’elle pourra en tirer. Le mécanisme entrera en vigueur lundi « ou très peu de temps après », précisent le G7 et l’Australie. C’est en effet lundi que débute l’embargo de l’UE sur le pétrole russe acheminé par voie maritime.
Ainsi, seul le pétrole vendu par la Russie à un prix égal ou inférieur à 60 dollars pourra continuer à être livré. Au-delà de ce plafond, il sera interdit pour les entreprises de fournir les services permettant le transport maritime (fret, assurance, etc.). Actuellement, les pays du G7 fournissent les prestations d’assurance pour 90% des cargaisons mondiales et l’UE est un acteur majeur du fret maritime – d’où un pouvoir de dissuasion crédible, mais aussi un risque de perdre des marchés au profit de concurrents.
La Russie, deuxième exportateur mondial de brut, avait de son côté prévenu qu’elle ne livrerait plus de pétrole aux pays qui adopteraient ce plafonnement. Sans ce plafond, il lui serait facile de trouver de nouveaux acheteurs au prix du marché. Le cours du baril de pétrole russe (brut de l’Oural) évolue actuellement autour de 65 dollars, soit à peine plus que le plafond européen, impliquant un impact limité à court terme. « Nous serons prêts à examiner et à ajuster le prix maximum le cas échéant », assurent G7 et Australie dans leur communiqué. Et un plafond devrait également être trouvé pour les produits pétroliers russes à partir du 5 février 2023.
L’embargo européen intervient plusieurs mois après celui déjà décidé par les États-Unis et le Canada. Mais les Occidentaux doivent aussi composer avec les intérêts des puissants assureurs britanniques ou armateurs grecs. « L’UE reste unie et est solidaire avec l’Ukraine », s’est félicitée la présidence tchèque du Conseil de l’UE dans un tweet. La Russie a tiré 67 milliards d’euros de ses ventes de pétrole à l’UE depuis le début de la guerre en Ukraine, tandis que son budget militaire annuel s’élève à environ 60 milliards, rappelle Phuc-Vinh Nguyen, un expert des questions énergétiques à l’Institut Jacques-Delors.
Craintes de déstabilisation
L’instrument proposé par Bruxelles prévoit d’ajouter une limite fixée à 5% en-dessous du cours du marché, dans le cas où le pétrole russe passerait sous les 60 dollars. De fait, certains experts craignent une déstabilisation du marché mondial et s’interrogent sur la réaction des pays producteurs de l’Opep, qui se réunissent dimanche à Vienne. « Ce plafonnement contribuera à stabiliser les marchés mondiaux de l’énergie (…) et bénéficiera directement aux économies émergentes et aux pays en développement », puisque le pétrole russe pourra leur être livré à des prix inférieurs au plafond, a au contraire assuré sur Twitter la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen.
A compter de lundi, l’embargo de l’UE sur le pétrole russe acheminé par voie maritime va supprimer les deux tiers de ses achats de brut à la Russie. L’Allemagne et la Pologne ayant par ailleurs décidé d’arrêter leurs livraisons via un oléoduc d’ici à la fin de l’année, les importations russes totales seront touchées à plus de 90%, affirment les Européens. En revanche, « un plafond de prix du pétrole, ça ne s’est jamais vu. On est dans l’inconnu », s’alarme Phuc-Vinh Nguyen, soulignant que la réaction des pays de l’Opep ou de gros acheteurs comme l’Inde et la Chine sera cruciale. Seule certitude, selon lui : un plafonnement, même à un prix élevé, enverra « un signal politique fort » au président russe Vladimir Poutine, car, une fois en place, ce mécanisme pourra être durci.
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