Des résultats décevants et de fortes pressions de la part d’Elon Musk pousseraient à bout les scientifiques, engendrant beaucoup plus de pertes animales que prévu.
Reuters, après avoir accédé à plusieurs dizaines de documents et échangé avec des salariés, révèle que cette enquête, accompagnée de plaintes répétées en interne sur les méthodes imposées par Elon Musk, a été ouverte depuis plusieurs mois par l’inspecteur général du département de l’agriculture, et porte sur le bien-être animal.
Neuralink a jusqu’ici passé toutes les certifications des autorités américaines concernant ses pratiques de recherche. Le groupe développe des implants cérébraux connectés, et réalise régulièrement des tests. Depuis 2018, près de 1500 animaux, dont 280 moutons, cochons ou encore singes, ont été tués à des fins scientifiques, ce qui n’indique en soi aucun délit: la loi américaine n’impose pas de limite quantitative.
Mais des salariés estiment que ce chiffre a été gonflé de façon illégitime, du fait d’erreurs humaines répétées. Des erreurs issues d’un manque de préparation: quatre expériences récentes impliquant 86 cochons et deux singes ont par exemple été bâclées, obligeant à répéter les mêmes tests deux fois et à doubler les pertes.
Des accidents répétés, dans le cadre d’un partenariat avec l’Université de Californie, avaient déjà fait l’objet d’une plainte de la part d’un groupe de médecins, en février. Mais la nouvelle enquête vise les installations et opérations de Neuralink en interne. Des opérations bâclées, implantant des implants de mauvaise taille à des cochons, ou installant les appareils sur les mauvaises vertèbres des animaux, sont par exemple évoquées.
Menaces répétées
Les scientifiques de Neuralink subiraient des pressions importantes, les obligeant à travailler dans la précipitation et à opérer des changements de dernière minute juste avant des opérations. Particulièrement, le patron Elon Musk se montrerait trop exigeant sur les délais dans lesquels les tests et les avancées scientifiques – qui déterminent la réussite de Neuralink – sont menés.
La nouvelle d’une avancée majeure de scientifiques suisses cette année concernant des implants ayant redonné la capacité de marcher à un homme paralysé, a provoqué une salve de commentaires de la part du patron de Twitter, à destination de ses salariés :
Nous pourrions permettre à des gens d’utiliser leurs mains et marcher de nouveau! » a écrit Musk dans une boucle de conversation interne, avant d’ajouter : « En règle générale, nous n’allons pas assez vite et cela me rend fou! »
Le dirigeant aurait aussi poussé ses salariés à agir « comme s’ils avaient une bombe attachée à la ceinture », ou indiqué à plusieurs reprises qu’il pourrait déclencher « un crash sur les marchés » si Neuralink n’allait pas assez vite.
Ces menaces poussent notamment à la réalisation de tests à la chaîne, au lieu de vérifier tous les paramètres l’un après l’autre. Avec à la clé des pertes animales importantes et une stagnation des résultats.
Concurrence
Neuralink devait commencer des tests sur les humains d’ici à six mois, mais des salariés mettent en doute la qualité des données récupérées jusqu’ici par le groupe. La Food and Drug Administration (FDA), autorité scientifique américaine, étudie la candidature de Neuralink pour de telles opérations sur les humains.
Le groupe fait face à une concurrence féroce dans le domaine des implants : Synchron, lancé en même temps en 2016, a déjà atteint la phase des tests humains en 2021, avec un feu vert accordé par la FDA. Le groupe n’a aussi tué que 80 moutons jusqu’ici. Elon Musk avait d’ailleurs tenté d’investir au sein de Synchron cet été, comme l’expliquait déjà Reuters.
msn