Que sont les perfluorés, ces composés chimiques que l’on appelle aussi les polluants éternels ?

Composés perfluorés, PFAS ou « polluants éternels », autant d’expressions pour désigner une classe chimique créée par l’humain, présente dans une multitude d’objets manufacturés. Elle constitue un groupe de polluants persistants et dangereux pour la santé.

Une enquête journalistique révélait au printemps 2022 des niveaux alarmants de substances perfluorées dans l’eau, l’air et les sols de la ville industrielle de Pierre-Bénite au sud de Lyon. Les autorités françaises surveillent depuis ce type de pollution. Il faut dire qu’ils sont extrêmement répandus… Téflon, Gore-Tex, SchotchGuard, cela vous dit quelque chose ?

Ces revêtements et traitements chimiques appartiennent à l’imposante famille des substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées, ou PFAS, un acronyme anglais largement utilisé en français. Ces composés sont plus de 4700, tous obtenus par synthèse chimique. Vous les rencontrerez sous le nom générique de composés perfluorés ou par l’expression franchement inquiétante de polluants éternels. Pourquoi éternels ? Ces molécules que l’industrie adore et omniprésents dans notre quotidien ont une durée de vie redoutablement longue. Elles persistent dans l’environnement mais aussi dans nos corps où elles peuvent s’accumuler.

Les composés perfluorés, c’est quoi?

Les perfluorés sont créés par l’humain, autrement dit ils n’existent pas dans la nature. Ils présentent tous le même type de construction moléculaire. C’est une chaîne de longueur variable de carbone sur laquelle les atomes d’hydrogène ont été retirés et remplacés par des atomes de fluor. La liaison carbone-fluor est une liaison chimique forte en chimie organique. Les substances produites à partir de ces molécules synthétiques se révèlent très stables.

Cette classe de composés synthétiques est dotée de nombreuses qualités : hydrofuge, lipophobe (résistance aux graisses), elle supporte les chaleurs intenses, l’acidité, la lumière et la dégradation microbienne.

Où trouve-t-on les perfluorés ?

L’industrie chimique les commercialise depuis la 2e moitié du 20e siècle (années 40). Et ils sont présents dans de multiples usages industriels et domestiques depuis cette époque.

  • _ustensiles de cuisine anti-adhésion, embouts buccaux de cigarette électronique, semelles de fers à repasser,
  • _composants lipophobes pour emballages en papier et en carton alimentaires,
  • _agents imperméabilisants ou anti-tâche dans l’industrie du textile (vêtements de pluie, moquettes et tissus d’ameublement),
  • _isolant pour fils électriques, câbles électroniques et agents d’étanchéité pour semi-conducteurs dans l’industrie électronique,
  • _lubrifiants et cires pour sols et voitures, dans la fabrication de cosmétiques, ou encore agents anti-buée, antistatiques ou réfléchissants pour vernis et peintures,
  • _mousses anti-incendies pour la protection incendie,
  • _produits utilisés pour la photographie, la lithographie, les dispositifs médicaux,
  • _composants d’insecticides.

Le cas de du célèbre Téflon

Le Téflon est le nom commercial du PTFE (pour polytétrafluoroéthylène), un composé fluoré inventé par DuPont de Nemours en 1938. Il est utilisé par les fabricants d’ustensiles de cuisine comme revêtement antiadhésif. Jusqu’à 260°C, ce revêtement ne présenterait pas de risque pour la santé, mais au-delà, il se décompose et relargue un tensioactif qui entrait dans sa fabrication. Ce tensioactif est un autre perfluoré, l’acide perfluorooctanoïque ou PFOA. C’est celui-ci qui est hautement toxique et cancérigène. La fabrication et la mise sur le marché du PFOA en tant que substance sont interdites dans l’Union européenne depuis le 4 juillet 2020. Il est reconnu pour être hautement toxique et cancérigène.

Les perfluorés dangereux pour l’environnement et la santé

La nocivité de ces PFAS n’a été comprise que récemment. Alors que les pollutions induites par le DDT, les CFC (chlorofluorocarbures) ou les plastiques sont connues depuis les années 1960 ou 1970, le danger des perfluorés n’est perçu que depuis le début des années 2000.

Désormais, les études épidémiologiques s’accumulent, et la législation internationale réglemente certains PFAS.

La notoriété de certains PFAS est liés à des scandales sanitaires retentissants. Le film Dark Waters raconte ainsi comment une communauté de Virginie occidentale aux Etats-Unis obtient gain de cause contre l’industriel DePont de Nemours pour la pollution de son eau potable par des perfluorés.

En France, des journalistes aidés de scientifiques relèvent dans une enquête diffusée en mai 2022 des niveaux alarmants de PFAS dans l’eau, l’air et les sols de la ville industrielle de Pierre-Bénite, pollués par les rejets de l’usine Arkema.

Depuis, les autorités françaises, sensibilisées par le cas de Pierre-Bénite surveillent les sites industriels à risque. Au crible de leur attention, la commune de Rumilly en Haute-Savoie et sa distribution d’eau potable.

Les perfluorés les plus surveillés en Europe et pour certains restreints, interdits ou en voie d’interdiction sont :

  • _l’acide perfluorooctanoïque (PFOA)
  • _le perfluorooctane sulfonate (PFOS)
  • _l’acide perfluorononanoïque (PFNA)
  • _l’acide perfluorohexane sulfonique (PFHxS)

Les émissions mondiales des quatre perfluorés ont été réduites depuis leur restriction ou leur interdiction. Problème : du fait de leur résistance à toute dégradation chimique, ces substances subsistent dans l’environnement. Dans nos organismes, elles sont bioaccumulables et reprotoxiques. Nous n’avons pas encore de solution pour éviter leur relargage. L’élimination des PFAS du sol et de l’eau est difficile et extrêmement coûteuse.

Pour remplacer ces PFAS « historiques », désignés comme dangereux par la recherche, l’industrie chimique a eu recours de nouvelles substances perfluorés, appelées les PFAS nouvelle génération. Ces nouvelles substances ne sont pas régulées.

Les chaînes moléculaires de PFAS nouvelle génération, moins longues, seraient moins persistantes et non bioaccumulables dans l’environnement. Ce que les études scientifiques en santé humaine et animale compilées par la base de données PFAS-Tox et  portant sur 29 de ces nouveaux perfluorés ne montrent pas.
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