Les GAFAM s’écharpent actuellement avec le Congrès américain autour d’un projet de loi qui les forcerait à rémunérer les médias pour publier leurs articles.
Pour comprendre les raisons de ce coup de pression, il faut remonter aux origines du Journalism Competition & Preservation Act. C’est un projet de loi qui est actuellement à l’étude par les instances législatives américaines. Elle doit permettre à certains médias de négocier collectivement des contrats avec les “distributeurs de contenu en ligne” (comprendre Google, Meta, Amazon, et consorts).
Les politiciens semblent d’accord, les GAFAM un peu moins
Une fois n’est pas coutume, la proposition a été plutôt bien accueillie par les deux camps du Congrès américain. C’est assez rare pour être souligné, en particulier au pays de l’Oncle Sam. En pratique, les médias concernés pourront se mettre d’accord sur une ou plusieurs grilles tarifaires; les GAFAM seraient alors tenus de passer à la caisse pour publier les contenus en question. L’objectif est d’empêcher les GAFAM de phagocyter cette industrie en se faisant énormément d’argent grâce aux publications qu’ils relaient.
Comme on pouvait s’y attendre, Andy Stone, le porte-parole de Meta, a donc réagi en exprimant l’ “opposition catégorique” du groupe à ce projet de loi. Il a ajouté que la forme serait “forcée d’envisager le retrait des actualités” de ses plateformes dans ces conditions. Il a même estimé que cette nouvelle organisation serait de nature à créer une “entité de type cartel”.
Meta statement on the Journalism Competition and Preservation Act: pic.twitter.com/kyFqKQw7xs
— Andy Stone (@andymstone) December 5, 2022
La rémunération en exposition, nouvelle définition
L’ironie de la situation n’aura pas échappé à ceux qui suivent régulièrement les manigances de la bande à Zuckerberg; rappelons que le terme “cartel” est parfois utilisé pour désigner le groupe des GAFAM, ces géants de la tech qui font la pluie et le beau temps un peu partout sur la planète.
Stone a ensuite déclaré que cette loi “injuste” ne “tenait pas compte de la valeur ajoutée que [Meta] apporte aux différents médias en termes d’augmentation du trafic et des abonnements”. Oui, vous avez bien lu; en substance, c’est l’argument du “paiement par l’exposition” régulièrement invoqué par certains acteurs mal intentionnés qui cherchent à profiter gratuitement de la production de certains créateurs.
Il faut reconnaître que dans ce cas de figure, cet argument est tout de même plus recevable. Après tout, il ne s’agit pas d’un simple influenceur à la portée limitée; les deux plateformes font toujours partie des sites les plus visités du web, et il est indiscutable que cela offre une visibilité importante aux médias concernés.
Mais s’agit-il vraiment d’un échange équivalent ? C’est excessivement difficile de l’estimer objectivement. Meta considère évidemment que oui; Stone a d’ailleurs tenu à rappeler que ces les organes de presse mettaient eux-mêmes leur contenu à disposition sur ces réseaux “parce que ça leur bénéficie directement, et pas l’inverse”.
Les médias concernés, en revanche, ne l’entendent pas de cette oreille. Ils estiment que les plateformes bénéficient tout autant du trafic généré par ces publications. Et surtout, les membres du congrès qui ont défendu ce projet estiment qu’il est important de redistribuer les cartes. L’objectif est de permettre aux médias de travailler correctement, puisqu’ils disposent généralement d’une force de frappe financière nettement moins importante.
A-t-on vraiment besoin d’articles de presse sur Instagram ?
D’un autre côté, en parallèle de ce débat entre lobbyistes, actionnaires et politiciens, de très nombreux internautes n’ont pas manqué de se poser une question : serait-ce vraiment si grave de ne plus avoir accès aux actualités sur ces plateformes ?
En un sens, ce serait dommage pour certains utilisateurs qui n’ont pas forcément le réflexe d’utiliser d’autres canaux pour s’informer. Mais d’un autre côté, cela permettrait au moins de mettre fin au flou permanent qui entoure ces plateformes, régulièrement accusées de mettre en avant des contenus à la légitimité douteuse.
IL sera donc ingtéressant de suivre le cheminement de cette loi, et ses éventuelles conséquences si elle passe. Les auteurs du texte semblent confiants, mais gare à ne pas vendre la peau du Zuck avant de l’avoir tué; ces entreprises ont déjà prouvé à maintes reprises qu’elles ne lésinaient pas sur les moyens au moment de faire valoir leurs intérêts.
journaldugeek