Les États-Unis ont annoncé, mardi, avoir pour la première fois obtenu un « gain net d’énergie » lors d’une expérience de fusion nucléaire. Une étape importante pour démontrer la viabilité de cette technologie qui, pour ses promoteurs, serait le « Saint Graal » des énergies renouvelables.
Une étape importante vers une source d’énergie infinie, non polluante et peu chère viendrait-elle d’être franchie ? Des scientifiques américains ont annoncé, mardi 13 décembre, une « percée scientifique majeure » après avoir obtenu un « gain net d’énergie » lors d’une expérience de fusion nucléaire au sein du laboratoire national Lawrence Livermore en Californie (LLNL).
Une première mondiale confirmée par le Washington Post, qui précise que l’administration Biden compte insister sur l’importance de cette avancée. Celle-ci viendrait conforter le choix de la Maison Blanche d’avoir fait de la fusion nucléaire une priorité du plan climat promulgué par Joe Biden en août 2022, précise le quotidien de réference.
Étape cruciale
« C’est un exploit qui confirme scientifiquement pour la première fois la validité du concept de fusion nucléaire », affirme Ambrogio Fasoli, physicien et directeur du Swiss Plasma Center à l’École polytechnique de Lausanne, en Suisse. Cette technologie consiste à reproduire sur Terre la réaction physique qui entraîne la génération de lumière et d’énergie sur le Soleil en propulsant à très grande vitesse deux atomes, en espérant qu’ils fusionnent.
Le « gain net d’énergie » constitue une étape cruciale dans le chemin parcouru depuis plus de soixante-dix ans par les promoteurs de la fusion nucléaire, qui espèrent la voir devenir le « Saint Graal des énergies renouvelables », avait souligné en avril Don Beyer, représentant démocrate au Congrès lors de la présentation du nouveau plan américain pour développer cette filière.
Cette percée a permis de démontrer qu’il y a « eu davantage d’énergie libérée lors de la fusion nucléaire que celle utilisée par les lasers nécessaires pour susciter la réaction », explique Sibylle Günter, directrice scientifique de l’Institut Max-Planck de physique des plasmas, l’un des plus importants centres de recherche allemand en matière de fusion nucléaire.
En l’occurrence, les physiciens du LLNL sont parvenus à générer 3,15 mégajoules d’énergie alors que 192 lasers utilisés ont projeté seulement 2,05 mégajoules pour susciter la réaction physique.
Bombardement par des lasers
Ce succès, qualifié de « moment historique » par le physicien britannique Arthur Turrell, était attendu depuis longtemps. Facile à démontrer en théorie, le « gain net d’énergie » était beaucoup plus difficile à atteindre en pratique, souligne le Financial Times. Le problème vient essentiellement « des particules des noyaux atomiques qui ne veulent pas se rapprocher sauf si on les chauffe à près de 150 millions de degrés Celsius », souligne le physicien Ambrogio Fasoli.
Pour parvenir à de telles températures, il faut utiliser des moyens qui sont eux-mêmes très énergivores. Le laboratoire californien à l’origine de la percée qui devrait être annoncée mardi a eu recours à la fusion nucléaire par confinement inertiel, l’une des deux grandes méthodes pour parvenir à ce résultat (l’autre, appelée fusion par confinement magnétique, est notamment au cœur du projet européen Iter, actuellement développé à Cadarache, dans le sud de la France).
Le procédé utilisé par le LLNL consiste à bombarder une toute petite capsule de carburant – d’une taille d’environ un millimètre – avec des faisceaux laser qui vont la chauffer et la condenser fortement jusqu’à « ce que la ‘coquille’ extérieure de la capsule explose et libère l’énergie », résume Alf-Köhn Seemann, spécialiste de la fusion nucléaire à l’université de Stuttgart.
Si « cette prouesse est remarquable d’un point de vue scientifique, elle ne nous rapproche pas beaucoup plus d’un développement commercial de la fusion nucléaire », estime cependant Roger Jaspers, physicien à l’université de technologie d’Eindhoven, associé à plusieurs projets de fusion nucléaire par confinement magnétique.
Encore du chemin avant la fusion nucléaire commerciale
Ensuite, pour être commercialement viable, la fusion nucléaire doit pouvoir fournir de l’électricité au réseau en continu. C’est loin d’être le cas avec l’expérience menée au laboratoire Lawrence Livermore. « À l’heure actuelle, il faut plusieurs jours pour ajuster tous les réglages permettant d’atteindre la fusion de la capsule. Une usine devrait réussir cette opération environ dix fois par seconde [pour générer de l’électricité en continu] », souligne Sibylle Günter, la directrice scientifique de l’Institut Max-Planck de physique des plasmas.
Les tenants de la fusion nucléaire par confinement magnétique – une méthode dans laquelle d’énormes aimants sont utilisés pour maintenir le combustible à une chaleur nécessaire – estiment que leur voie permet de surmonter certains des problèmes inhérents au procédé utilisé en Californie. Mais pour l’heure, ils n’ont pas encore atteint le fameux « gain net d’énergie »… Même si « c’est inévitable dans les années à venir », estime Alf-Köhn Seemann, de l’université de Stuttgart.
Cette réussite du laboratoire Lawrence Livermore ne transforme pas encore le rêve d’une source d’énergie inépuisable, 100 % propre et capable de chauffer des villes entières grâce à de toutes petites capsules de carburant en réalité.
En revanche, ce succès prouverait qu’il ne s’agit pas d’un simple fantasme de scientifiques qui ont la tête dans des étoiles… comme le Soleil. C’est peut-être l’aspect le plus important pour Alf-Köhn Seemann : « Les potentiels investisseurs vont peut-être être convaincus que cela vaut le coup de financer ce domaine de recherche. »
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