Sommet États-Unis – Afrique : le Sahel nous interpelle !

Alors que la question sécuritaire reste centrale, le Niger est le seul pays du Sahel invité à Washington. Mais ça ne suffit pas : les encouragements des États-Unis – ou de tout autre pays de bonne volonté – doivent aller au-delà de simples déclarations.

Je reviens du Sahel et je me sens concerné par l’avenir de cette sphère géographique au cœur du continent africain. En un sens, cette région se trouve au carrefour du monde du XXIe siècle tant elle concentre certains des plus grands défis de l’humanité tels qu’énoncés dans les différents communiqués des Nations unies. Parmi ces défis, le changement climatique ou l’extrémisme. Le Sahel, c’est ce pan du territoire situé entre l’Afrique du Nord et l’Afrique noire, entre le monde arabe musulman et celui des animistes et des chrétiens.

Or et pétrole
Autrefois méprisée pour la dureté des conditions de vie qu’elle offre et son manque des ressources naturelles exploitables, cette zone est aujourd’hui au centre de convoitises diverses, grâce à la potentielle richesse de son sous-sol dont les nouvelles technologies facilitent la découverte et l’exploitation aussi bien artisanale qu’industrielle. Ne soyez donc pas surpris si dans un proche avenir, le pétrole du Niger ou l’or du Mali et du Burkina Faso se retrouvent sur le marché international. Encore faut-il que ces pays survivent aux multiples crises auxquelles ils sont confrontés.

Le Sahel, c’est aussi la zone des hommes et des femmes intègres, fiers de leur parenté ancestrale, résilients et déterminés, prêts à en découdre avec les difficultés de l’heure pour se frayer un chemin plus glorieux . Au moment où s’ouvre le sommet tant attendu États-Unis – Afrique, on ne peut qu’émettre le souhait de voir les discussions se focaliser sur les questions réelles de vie ou de mort auxquelles sont confrontées les populations dans des zones comme celles-là devenues le théâtre de coups d’État à répétition, et d’une lutte géostratégique violente. Pour l’heure, certains des acteurs sociopolitiques nationaux et même internationaux semblent peu se soucier des conséquences de leurs actes ou de leurs politiques sur les populations et la stabilité des pays concernés, comme celle de toute la sous-région ouest-africaine.

J’ai survolé le Mali sans m’y arrêter, par manque de temps : les complexités de la situation actuelle de ce pays autrefois calme et accueillant mais aujourd’hui intensément agité et fragile, demandent une présence de longue durée sur place pour échanger avec les différents acteurs, et espérer contribuer à la renaissance d’un esprit d’écoute et d’analyse constructive. Les discours s’entremêlent tant qu’on y trouve de tout, désinformation et “fake news” comprises. Entretemps, les pertes en vies humaines, les tensions intercommunautaires et les dégâts matériels se multiplient, les soutiens et les partenariats multilatéraux s’effritent, pendant que la fragilité s’accroît sans qu’on puisse apercevoir les moyens d’une issue heureuse.

Au Burkina Faso, après des rencontres fructueuses avec les acteurs de tous bords et représentant toutes les couches de la société, je me dis qu’un certain optimisme est permis. Certes les jihadistes commettent des atrocités au Nord et à l’Est, et des infiltrations sont à craindre à l’Ouest et au Centre, mais le discours officiel comme celui de la rue ne sont pas clivants à outrance. La priorité semble être accordée à la recherche de solutions bénéficiant d’une adhésion trans-sectorielle, grâce à une approche moins polarisante. Il est vrai que les égarements de ton et d’actes ne manquent pas, mais le stoïcisme face au régime d’exception révèle le désir solide des politiques et de la société civile que le pays retrouve un ordre constitutionnel normal dans les délais arrêtés par les autorités de la transition et la Cedeao.

Vision biaisée
Beaucoup s’interrogent sur les visées des partenaires dit “nouveaux”, dont l’action principale se définit par le déploiement de mercenaires alors que l’inadéquation des solutions actuelles se résume à l’absence de l’État, et à son incapacité à assurer le développement durable et les services publics, y compris la sécurité dans des régions éloignées de la capitale. On voit un peu partout les effets de la centralisation excessive héritée de la colonisation française et qui a fini par biaiser la vision des leaders politiques Africains dont plusieurs confondent l’État-nation avec ses élites urbaines, totalement déconnectées et désintéressées des réalités en zone rurale.

Je suis reparti du Sahel rempli d’espoir : le Niger qui tient bon avec un peuple résilient et résolu dans son attachement à la démocratie et à la bonne gouvernance, malgré le voisinage extrêmement difficile. En passant par la Libye au Nord, le Nigeria au Sud, le Nord Mali et le Burkina à l’Ouest, et même le Tchad à l’Est, tous les voisins du Niger souffrent de la présence de groupes armés, sinon de groupes terroristes de renommée internationale. Comment ne pas apprécier l’ouverture d’esprit des acteurs nigériens de tout bord à rechercher des approches plus inclusives à la crise sécuritaire. Le pays vient de vivre sa toute première transition pacifique depuis l’indépendance, grâce au respect de la Constitution par l’ancien président Mahamadou Issoufou, à la passation de témoin entre un président démocratiquement élu et son successeur désigné par le verdict des urnes.

Volonté politique
Il est vrai qu’au Niger, des défis importants persistent, notamment le poids considérable sur le budget national qu’impose la nécessité de lutter sur toutes ses frontières contre l’extrémisme violent, et les questions de développement pour tenir compte de la démographie galopante. Toujours est-il qu’on constate une forte volonté politique à vaincre les terroristes, et une résilience impressionnante au niveau des populations. Cela attire aussi un intérêt grandissant des investisseurs. La semaine dernière à Paris, ce pays sahélien a su convaincre ses partenaires de financer son plan de développement économique et social, et obtenir des engagements de la part des différentes institutions financières multilatérales le double des sommes espérées. À Niamey, les infrastructures se construisent, les feux de circulation s’installent et les hôtels de standing poussent comme des champignons.

Sans aucune surprise, le président nigérien Mohammed Bazoum est le seul des trois pays concernés du Sahel à avoir rempli les critères d’invitation du président américain Joe Biden. Vivement que le soutien et les encouragements des États-Unis et de tout autre pays de bonne volonté ne s’arrêtent pas aux simples déclarations honorifiques et flatteuses. Le Niger et les Nigériens attendent des actes concrets ; le reste de l’Afrique aussi.

jeuneafrique

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