L’espoir de sceller un « pacte de paix avec la nature » lors du sommet de l’ONU sur la biodiversité à Montréal repose désormais sur les ministres du monde entier, chargés de sortir les négociations de l’impasse à partir de jeudi.
En l’absence des chefs d’Etats ou de gouvernement, plus d’une centaine de ministres de l’Environnement se retrouvent de jeudi à samedi, pour conclure ces négociations qui visent à stopper la destruction de la planète et de ses ressources.
Pour y parvenir, les 196 membres de la Convention des Nations unies sur la diversité biologique (CDB) doivent approuver d’ici le 19 décembre un « cadre mondial pour la biodiversité ».
Son contenu: une vingtaine d’objectifs dont la protection de 30% des terres et des mers, la réduction de moitié des pesticides et la restauration des millions d’hectares de sols dégradés…
Mais le succès reste plus incertain que jamais: les pays en développement ont tiré mercredi un premier coup de semonce en interrompant pendant une demi-journée tous les échanges techniques parallèles.
En cause? L’absence de signal positif des pays riches sur leur demande de garanties financières en contrepartie de leur approbation d’objectifs de transition écologique.
Des dizaines de nations, emmenées par le Brésil, l’Inde, l’Indonésie et les pays d’Afrique réclament des « subventions financières d’au moins 100 milliards de dollars par an ». Soit environ dix fois les montants d’aides actuels entre le Nord et le Sud pour la biodiversité. Et autant que ceux promis pour la lutte contre le réchauffement climatique.
Les pays du Sud veulent aussi la création d’un fonds mondial biodiversité, autre parallèle avec les négociations sur le climat, où ils ont obtenu en novembre un mécanisme inédit de compensation de leurs dommages climatiques.
Mais les pays du Nord assurent ne pas pouvoir décupler l’aide publique et préfèrent encourager une réforme des flux financiers existants, privés, philanthropiques ou multilatéraux.
– « Au bord de la rupture » –
Une réunion de crise des chefs de délégation, organisée mercredi par la présidence chinoise, a temporairement apaisé les esprits.
« Le groupe africain veut parvenir à un accord avec de l’argent en face, d’autres pays en développement aussi, mais le Brésil se sert de la question financière pour faire dérailler le processus », accuse un négociateur occidental.
Selon lui, la délégation du Brésil reste aux mains des équipes du président sortant Jair Bolsonaro, soutien d’une agro-industrie hostile à la réduction des pesticides.
Mais des pays du Sud jugés ambitieux écologiquement ont aussi tapé du poing sur la table: « malgré nos efforts, nous sommes profondément préoccupés par le manque d’engagement clair sur la mobilisation des ressources », a déclaré le représentant de la Colombie lors de la réunion de crise.
L’attitude du Nord « a conduit les négociations au bord de la rupture totale », s’est alarmé mercredi Innocent Maloba, expert de l’ONG WWF International. « Les pays développés, avec leur rôle éminent dans la crise de la biodiversité compte tenu de leur niveau de consommation, ont le devoir de soutenir les pays en développement, c’est leur propre intérêt ».
Mais les besoins sont immenses: le coût d’une transition économique capable de sauvegarder la nature a été estimé à environ 900 milliards de dollars par an, un quart pour la conservation des aires protégées et 75% pour verdir l’économie.
Or, le monde dépense « environ 130-140 milliards de dollars par an pour la biodiversité, essentiellement dans des fonds publics dépensés au sein des pays riches alors que très peu d’argent va vers le sud », explique Gilles Kleitz, de l’Agence française de développement.
afp