L’Assemblée nationale a définitivement adopté samedi le projet de budget 2023 de l’État, après le rejet d’une ultime motion de censure de la gauche. En deux mois, le gouvernement a déclenché dix fois l’article 49.3 afin de faire passer sans vote les budgets de l’État et de la Sécurité sociale.
C’est le point final d’un automne rythmé par dix recours à l’arme constitutionnelle du 49.3. Le Parlement a adopté samedi 17 décembre le projet de budget 2023 de l’État, après le rejet d’une ultime motion de censure de la gauche à l’Assemblée.
Dans un hémicycle peu fourni, la coalition Nupes a étrillé un « mauvais budget qui ne répond ni à l’urgence sociale ni à l’urgence écologique », et surtout un cycle « qui aura abîmé la démocratie » par l’usage répété du 49.3. « Nous vous demandons de partir », a demandé David Guiraud (LFI) à Élisabeth Borne. Mais leur motion n’a recueilli que 101 voix, loin de la majorité absolue (288 voix).
En deux mois, le gouvernement aura déclenché dix fois l’article 49 alinéa 3 de la Constitution, afin de faire passer sans vote les budgets de l’État et de la Sécurité sociale.
Une telle cadence n’était plus arrivée depuis 1989, quand le Premier ministre Michel Rocard était privé de majorité absolue au Palais Bourbon, comme Élisabeth Borne depuis les législatives de juin.
Douze motions de censure cet automne
Au total, 12 motions de censure ont été défendues cet automne, soit plus que « sous Michel Rocard, Édith Cresson et Pierre Bérégovoy réunis », a relevé la Première ministre, s’interrogeant sur les raisons d' »un tel acharnement à vouloir faire tomber le gouvernement ».
« C’est sans doute pour masquer une certaine gêne » car « ce texte répond aux aspirations des Français, aux besoins des plus précaires, aux attentes des collectivités et des entreprises, au soutien à nos services publics », a estimé Élisabeth Borne.
Dans une ambiance houleuse, elle a aussi taclé les « leçons de démocratie » de LFI, à l’heure où plusieurs cadres du mouvement de gauche contestent vertement la composition de la nouvelle direction des Insoumis.
Ni la droite ni l’extrême droite n’ont soutenu cette ultime motion. « Les motions sont des leurres », a lancé Lionel Tivoli (RN), Véronique Louwagie (LR) faisant valoir que « l’intérêt du pays demeure notre seule boussole ».
Mais le groupe LR va saisir le Conseil constitutionnel, jugeant le projet de loi de finances « insincère » et le droit d’amendement « non respecté ». La Nupes va faire de même.
« Déni démocratique »
De leur côté, 144 élus écologistes ont signé une tribune dans le JDD, dénonçant « le déni démocratique du gouvernement » et demandant à l’État de donner davantage de « marges de manœuvre aux collectivités » dont les finances sont dans « une situation intenable (…) exacerbée par l’inflation et le coût exponentiel de l’énergie ».
Parmi les mesures phares du budget : un bouclier tarifaire pour contenir à 15 % la hausse des prix de l’énergie, des hausses de salaires pour les enseignants et une priorité aux ministères régaliens.
Le débat s’est focalisé sur les appels de la gauche et du RN à taxer les « superprofits » des grandes entreprises comme le pétrolier Total ou l’armateur CMA CGM. Nupes et extrême droite ont réclamé une taxe large. L’exécutif leur a opposé un accord scellé au niveau européen avec notamment un plafonnement des revenus des producteurs d’électricité, susceptible de faire rentrer dans les caisses 11 milliards supplémentaires.
La tension s’est cristallisée sur des amendements votés par l’Assemblée, mais écartés par le gouvernement dans la version du budget soumise au 49.3. C’est le cas d’une mesure proposée au sein même de la majorité, par le MoDem, pour augmenter la taxation des « superdividendes » des actionnaires de grandes entreprises, et qui avait reçu un large soutien des oppositions. Le gouvernement privilégie plutôt des pistes pour favoriser l’intéressement ou le « dividende salarié ».
L’exécutif a en revanche intégré à la dernière minute un amendement instaurant une participation financière des salariés lorsqu’ils utilisent leur compte personnel de formation (CPF), provoquant du remous jusque dans la majorité.
AFP