Rhume, grippe, gastro-entérite : tomber malade sert-il à quelque chose ?

Après être tombé malade, peut-on espérer un peu de répit car le système immunitaire est renforcé ? Sciences et Avenir fait le point sur cette question de saison, avec des spécialistes.

Les coups de mou se suivent et s’enchaînent. Rhume, gastro-entérite, bronchite… En plus du Covid-19 apparu il y a bientôt trois ans, un virus en chasse un autre pendant la période hivernale. C’est à se demander si tomber malade sert vraiment à quelque chose. Sciences et Avenir fait le point.

Il faut, au moins une fois pour chaque virus, passer par la case « maladie »
« Lorsque nous nous faisons infecter pour la première fois, il nous faut du temps pour mettre en place une réponse immunitaire protectrice », explique la Pr Sheena Cruickshank, spécialisée en immunologie à l’université de Manchester, à Sciences et Avenir. « Cette réponse se fait en deux étapes. D’abord une réponse rapide qui a pour but de limiter la propagation de l’infection et ses dégâts. Cette action est menée par des leucocytes (globules blancs, ndlr) qui patrouillent dans notre corps. Ces cellules n’utilisent pas d’attaques spécifiques contre les virus et ont une action limitée. Mais elles ont la particularité de communiquer avec les lymphocytes, un autre type de globules blancs, et de leur ordonner quoi faire.

C’est alors le deuxième type de réponse qui se déclenche : les lymphocytes B et T entrent en action. Les lymphocytes B s’activent et deviennent des plasmocytes. Ils vont sécréter des anticorps pour assurer la destruction de l’antigène. Les lymphocytes T vont, eux, tuer le virus. Ces lymphocytes « mémoire » se souviennent des germes qu’ils ont croisés et savent ensuite répondre plus rapidement la prochaine fois qu’ils les reconnaîtront. » Conclusion, il faut, au moins une fois pour chaque virus, passer par la case « maladie » avant que notre organisme ne puisse nous défendre.

Un rhume puis un autre
Pourtant, il n’est pas rare d’enchaîner plusieurs rhumes au cours d’un hiver. Le corps n’a-t-il pas formé de défenses immunitaires suffisantes ? « Le rhume n’est que la définition d’un symptôme. Nez qui coule, mal de tête, etc. Derrière ce terme se cachent en réalité plusieurs virus : le rhinovirus, les coronavirus saisonniers, l’adénovirus… », énumère Pablo Murcia, professeur de virologie à l’université de Glasgow, à Sciences et Avenir. Si les rhumes se multiplient, c’est donc simplement parce que nous croisons divers virus entraînant les mêmes symptômes du rhume. D’où les rhumes à répétition pendant l’hiver.

Par ailleurs, certains virus ne cessent de muter. C’est le cas par exemple du virus de la grippe, contre lequel il faut formuler un nouveau vaccin chaque année. Impossible pour le système immunitaire de les identifier car ils sont trop différents de la dernière fois qu’il les a croisés. « Le système immunitaire n’oublie pas. C’est juste que les virus ont une apparence trop différente, il ne peut pas les reconnaître. » Avoir eu une belle grippe l’année passée n’offre aucun avantage en termes de protection pour les années suivantes.

Ajouté à cela, le système immunitaire ne produit pas la même intensité de réponse face à chaque virus. Parfois la mémoire dure longtemps, parfois non. « Sur le long terme, nous n’arrivons pas toujours à être bien protégés. C’est pas exemple le cas du Covid-19, qui nous fournit seulement une immunité partielle. Si après le vaccin, on est moins susceptible d’être malades, il subsiste toujours un risque d’être infecté malgré tout. A l’inverse, notre système immunitaire a dans certains cas des capacités incroyables qui peuvent parfois durer toute une vie. On a par exemple découvert que certains survivant de la grippe espagnole de 1918 avaient encore des lymphocytes B mémoire à la fin des années 1990 », souligne la Pr Cruickshank.

Bientôt un vaccin contre le rhume ?
Enfin, chacun est plus ou moins vulnérable selon son profil. « On est aussi parfois plus faible selon son âge, les très jeunes et les séniors, ou ceux qui ont des maladies les rendant plus fragiles sur le plan immunitaire. Sachant que certaines infections fragilisent le système immunitaire et que la protection immunitaire peut parfois mettre du temps à se mettre en place, il faut garder en tête qu’une infection peut représenter un risque », précise l’immunologue, qui rappelle que seule la vaccination peut nous apprendre à nous défendre contre une infection sans avoir à être malade.

C’est pourquoi de nombreuses maladies dangereuses font partie de la vaccination obligatoire chez les tout-petits. Concernant les maladies saisonnières, si un nouveau vaccin contre la grippe est mis sur le marché et conseillé aux personnes fragiles chaque année, un vaccin contre le rhume pourrait lui aussi voir le jour. « Il faut pour cela réussir à trouver quelles caractéristiques ont le plus de probabilités de se maintenir chaque année et les cibler. Il existe plusieurs études cliniques en phase II et III chez Pfizer et GSK par exemple », commente le Pr Cuickshank.

En attendant qu’un tel vaccin existe – un jour peut-être, quelques gestes de précautions peuvent être appliqués jusqu’à la fin de l’hiver : éviter de passer du temps dans un endroit clos avec des personnes malades, aérer les pièces pour se débarrasser des virus aéroportés et bien se laver les mains pour éliminer les germes. Continuer à porter un masque dans les lieux publics contre le Covid-19 permet aussi de limiter la transmission des autres virus. A part ces quelques mesures, il ne reste plus qu’à prendre son mal en patience jusqu’au printemps.

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