Après plusieurs hivers marqués par une arrivée tardive de la neige en montagne, décembre 2022 a bénéficié de conditions très hivernales de manière précoce. Dans ce contexte de réchauffement climatique, est-il possible de savoir comment évolueront les quantités de neige en France dans le futur ?
Les prévisions climatiques sur l’évolution de la neige sont les plus difficiles de toutes les prévisions à faire pour un climatologue. Il est difficile d’apporter une réponse simple, mais « de manière globale, le dérèglement climatique influence à la baisse les quantités de neige observées ces dernières années lors d’épisodes hivernaux, et cela en lien avec l’augmentation de la température. Mais cela reste un constat global basique qui cache des disparités locales très nombreuses », explique Xavier Bonnehorgne, directeur de la communication de Météo France.
Cette problématique, dont les implications sont importantes (pour la nature, les stations de ski, les transports, etc.) est au stade de la recherche scientifique. Et si les prévisions climatiques ne sont jamais simples et divergent selon les différents modèles utilisés, celles sur la neige sont vraiment complexes. Déjà car la présence de neige varie énormément d’une altitude à l’autre, comme le précise Raphaëlle Samacoïts, spécialiste « montagne climat futur » chez Météo France : « la présence de neige comme sa quantité est conditionnée dans le futur par plusieurs paramètres : par les différents scénarios d’émissions de gaz à effet, et par l’altitude et la localisation du massif montagneux ».
38 cm de neige en moins sur la station de montagne de référence
En ce qui concerne la neige en montagne, l’enneigement sur la station du col de Porte (massif de la Chartreuse) située à 1 325 mètres est considéré comme emblématique et représentatif de la situation. La tendance relevée pour cette station est « une hausse de la température hivernale (novembre à avril) de +1,0 °C entre la période 1990/1991-2019/2020 et la période 1960/1961-1989/1990, et conjointement à une diminution de 38 centimètres du manteau neigeux moyen entre novembre et avril ». Météo France précise que « les fluctuations observées attestent à la fois du changement climatique et de la variabilité interannuelle, qui est importante ». Sur cette station, les données recueillies « semblent indiquer un lien direct entre la hausse de la température moyenne induisant une remontée de la limite pluie-neige et la diminution de l’enneigement constatés sur la même période ».
COMPARAISON ENTRE L’ENNEIGEMENT ET LES TEMPÉRATURES RELEVÉES EN 30 ANS SUR LA STATION DE MONTAGNE DE RÉFÉRENCE.
Les Alpes sont le massif où la neige disparaît le plus vite
Depuis une soixantaine d’années, Météo France a constaté que le stock nival relevé au 1er mai « se réduit sur tous les massifs en moyenne de 20 kg/m2 par décennie, soit -12 % par rapport à la normale 1981-2010. On observe au cours des dernières décennies une diminution de la quantité d’eau stockée sous forme de neige au milieu du printemps dans tous les massifs de haute montagne français. Cette diminution est liée au réchauffement atmosphérique, qui réduit la fraction des précipitations tombant sous forme de neige au profit de la pluie et renforce la fonte du manteau neigeux ». Dans le détail, l’organisme a relevé :
- -34 kg/m2 par décennie dans les Alpes du Nord (soit -12 % par décennie) ;
- -16 kg/m2 par décennie dans les Alpes du Sud (soit -20 % par décennie) ;
- -8 kg/m2 par décennie dans les Pyrénées (soit -7 % par décennie).
« Dans les Alpes, la diminution est nette à partir du début des années 1980. Dans les Pyrénées, la réduction est forte entre 1975 et 1990, puis l’enneigement au 1er mai connaît une stabilisation, voire une légère augmentation grâce à quelques printemps récents très bien enneigés », précise Météo France.
LE MANTEAU NEIGEUX EST EN DIMINUTION SUR TOUS LES MASSIFS FRANÇAIS ENTRE 1959 ET 2021.
Moitié moins de neige en prévision d’ici 2100
Si les données des dernières décennies sont claires sur la diminution de la neige en France, quelles sont les évolutions prévues dans le futur en fonction du réchauffement climatique ? Sur la station de référence située sur le massif de la Chartreuse, l’épaisseur de neige moyenne hivernale de neige à 1 500 m est de 80 cm au cours de la période 1986-2005. Les différents scénarios de projections climatiques envisagent une épaisseur moyenne de 52 à 60 cm à l’horizon 2041-2060 et une épaisseur moyenne de 25 à 48 cm à l’horizon 2081-2100. Il y aura donc moitié moins de neige (voire encore moins) sur nos massifs français d’ici la fin du siècle.
Comme le précise Raphaëlle Samacoïts : « L’enneigement diminuera partout sur les massifs montagneux français (Alpes, Pyrénées, Corse, Jura, Vosges, Massif central). Les saisons d’enneigement seront plus courtes, avec un retard en début de saison et une fonte plus précoce au printemps. » De bonnes saisons d’enneigement ne seront pas impossibles, mais elles seront plus rares.
La spécialiste du climat futur en montagne le rappelle, « l’évolution de la neige est principalement conditionnée par l’évolution de la température » et tant que les émissions de gaz à effet de serre continueront au même rythme, les températures continueront de grimper, et la neige, à disparaître, spécialement à basse et moyenne altitude.
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