La France et l’Allemagne veulent assouplir la notion d’hydrogène vert

Les lobbies industriels français et allemands agissent auprès de la Commission européenne pour élargir la notion d’hydrogène « vert » à l’hydrogène à faible teneur en carbone, c’est-à-dire l’hydrogène dit « jaune », produit à partir du nucléaire, et l’hydrogène dit « bleu », produit à partir du gaz naturel avec capture et stockage du CO2.

Alors qu’en Allemagne l’attention générale est focalisée sur l’inauguration du premier terminal flottant de gaz naturel liquéfié à Wilhelmshaven, en cette fin décembre 2022, le ministère fédéral de l’Économie et de la protection du climat est également en train de réviser la stratégie nationale pour l’hydrogène préparée en juin 2020 par le gouvernement d’Angela Merkel. Pour ce secteur encore balbutiant, deux orientations sont prévues : non seulement les capacités de production d’hydrogène vert doivent être considérablement augmentées, mais notre voisin entend mettre en place un réseau complet de conduites d’hydrogène d’ici à 2030. Pour accélérer la production, le gouvernement de coalition est disposé à élargir ses perspectives, quitte à faire quelques concessions, notamment sur le mode de production de l’hydrogène, qui pourrait être moins écologique que ce qui était annoncé.

C’est ce qui ressort en premier lieu d’un document adressé à la Commission européenne et rédigé conjointement par la Fédération nationale de l’industrie allemande (BDI), France Industrie et le Medef. Les trois organismes de lobbying y demandent l’instauration d’un « cadre clair pour la mise en place de l’infrastructure de l’hydrogène », qui devra s’appliquer de la même façon à tous les pays membres, rapporte le quotidien économique Handelsblatt. L’objectif : faire de l’Europe le leader du marché mondial de l’hydrogène. Les moyens : ne pas se limiter à de l’hydrogène strictement vert, c’est-à-dire produit par électrolyse avec de l’électricité issue de sources renouvelables, mais autoriser le recours à de l’électricité bas carbone, comme celle qui provient des centrales nucléaires.

Leur argument : il est impossible de fournir les quantités d’hydrogène nécessaires à la transformation de l’industrie – en particulier dans les secteurs énergivores de l’acier et de la chimie – avant 2030, en se cantonnant à de l’hydrogène renouvelable. La Commission européenne a déjà fait un pas dans le sens des industriels franco-allemands au printemps 2022, en autorisant les producteurs d’hydrogène à se fournir en électricité verte via le réseau normal, au lieu de devoir produire eux-mêmes l’électricité à partir de parcs éoliens ou de centrales solaires. Mais pour les industriels allemands, comme pour le gouvernement fédéral, il paraît nécessaire de faire preuve de plus de pragmatisme en renonçant à toutes ces réglementations jugées trop exigeantes et trop compliquées.

Au grand dam des défenseurs du climat, l’hydrogène dit jaune pourrait donc bientôt être qualifié de « vert », avec pour autre conséquence de faire grimper la demande et les prix de l’électricité fossile.

sciencesetavenir

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