Covid-19 en Afrique : jusqu’à 90% des morts contaminés dans une morgue en Zambie

Jusqu’à 90% des morts d’une morgue ont été testés positifs au Covid-19 à Lusaka en Zambie, un des rares chiffres sur l’épidémie de coronavirus en Afrique. Analyse avec Antoine Flahault, professeur de santé publique à l’Université de Genève et directeur de l’Institut de santé globale à la faculté de médecine de l’Université de Genève.

Il s’agit d’un des rares chiffres concernant le Covid-19 sur le continent africain. Une étude publiée dans le British medical journal (BMJ) suggère que l’Afrique n’a pas été épargnée par le SARS-CoV-2 et que les contaminations ont explosé en 2021. Les travaux ont été menés dans une morgue à Lusaka en Zambie, où des tests PCR et des biopsies des poumons ont été réalisés post-mortem pendant trois vagues de Covid-19. La première de juin à octobre 2020, la deuxième de janvier à juin 2021 et la troisième est toujours en cours.

Les résultats montrent que la majorité des décès ont eu lieu en dehors des structures de santé, dans des communautés très appauvries. En moyenne, 32% des personnes décédées ont été testées positives au Covid-19. Un chiffre qui est monté jusqu’à 89,3% lors de la deuxième phase de janvier à juin 2021. A ce moment-là, 4 personnes sur 5 mouraient dans les villages. Analyse avec Antoine Flahault, professeur de santé publique à l’Université de Genève et directeur de l’Institut de santé globale à la faculté de médecine de cette même université.

Sciences et Avenir : On apprend dans cette étude que les contaminations au Covid-19 ont atteint environ 90% des morts d’une morgue de Lusaka. Que penser de ce chiffre très élevé ? Est-il représentatif de la situation en Afrique dans sa globalité ?

Antoine Flahault : Ces résultats sont très importants parce que l’on a eu trop rapidement la paresse intellectuelle de trouver de rapides explications à l’apparent faible nombre de cas et de décès dus au Covid rapportés en Afrique subsaharienne. On a invoqué notamment la démographie jeune de la population, l’immunité croisée avec d’autres infections préalables, ou encore le recours fréquent à la chloroquine… alors que cette recherche montre qu’il faut d’abord se poser la question de la sous-estimation massive du problème dans les pays à bas niveau de revenus. Malheureusement, je crains que l’on puisse tout à fait transposer les résultats de cette recherche conduite en Zambie au reste de l’Afrique subsaharienne.

Peut-on vraiment dire que ces personnes sont mortes du Covid-19 ? Ne devrait-on pas, par manque d’informations plus étendues, se contenter de dire qu’elles sont mortes « avec » le Covid-19 ?

Il faut rester pragmatique et raisonnable. Lorsque des médecins légistes – c’est le cas des chercheurs de cette étude – déterminent que la cause du décès la plus probable est le Covid, on peut leur accorder que le Covid aura pu jouer un rôle déterminant dans le décès qu’ils auront constaté.

On ne peut certes pas exclure que d’autres comorbidités aient pu jouer aussi un rôle dans la chaîne de causalité menant au décès de la personne, mais disons que le message que veulent nous faire passer les auteurs de cette étude est que sans l’infection surajoutée du Covid, le patient ne serait peut-être pas décédé ce jour-là.

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