Un projet de simulation numérique ambitionne de remplacer les essais sur voies ferrées. Les premiers tests sont prévus pour 2023 et concerne des bogies entièrement modélisés à partir de données réelles.
En France, c’est à Petite-Forêt, près de Valenciennes dans le Pas-de-Calais, que les matériels roulants ferroviaires sont testés, sur une voie d’essai raccordée au réseau ferré national. Ou en Bretagne près de Carhaix, sur une voie réelle où sont envoyés tous les nouveaux trains avant leur mise en service. Mais à partir de 2023, ces tests vont commencer à se délocaliser… dans le virtuel. Un ambitieux projet de centre de simulation numérique est en effet mené par l’institut de recherche technologique (IRT) Railenium, lui-aussi situé à Valenciennes.
L’initiative est un « vieux dossier », selon les termes du responsable centre d’essai de Railenium Anthony Duval lors d’une présentation de l’IRT au printemps 2022. Remontant à 2013, elle a été lancée par l’Ademe sous le nom de Cervifer (Certfication virtuelle en ferroviaire). « Ce genre de projet est très en vogue dans toutes les industries, précise Bertrand Minary, directeur général de Railenium. Il s’agit de faire des tests techniques, des tests de résistance, des tests préalables à des autorisations de mise sur le marché et des tests de circulation, avant de mettre en route un matériel sur un réseau ».
Des tests réels qui neutralisent des voies
Or toutes ces opérations prennent du temps et mobilisent des moyens financiers et une lourde logistique puisqu’elles impliquent d’expédier les matériels sur des sites physiques dédiés, et neutralisent des voies.
D’où l’idée de recourir à la simulation numérique pour aller plus vite. Mais avec les mêmes données. Le projet implique en effet de reproduire fidèlement à la fois les matériels et équipements mais aussi des phénomènes physiques et des environnements. « L’IRT va développer ses propres outils de simulation physiques, ses outils mathématiques et ses algorithmes, mais nouera aussi des partenariats et utilisera des actifs disponibles » ajoutait Anthony Duval en juin 2022. Les matériels ferroviaires étant en effet déjà bardés de capteurs permettant de suivre leurs comportements (consommation d’énergie, usure, déformations…), il suffit de récupérer ces informations pour créer des modélisations numériques réalistes. Ces dernières sont réalisées par le Centre technique des industries mécaniques (CETIM) et Railenium.
Le projet ne prévoit pas de passer l’intégralité des essais du ferroviaire en mode virtuel mais une bonne partie tout de même. Pour donner un ordre d’idée, l’Ademe notait en 2013 dans un communiqué que “l’aéronautique et l’automobile (avaient) réussi à remplacer plus de 50% des tests physiques par des essais virtuels sur ordinateur, et (avaient) ainsi réduit d’au moins 50% la durée de développement des nouveaux véhicules.”
Quatre thèmes d’essais virtuels
A l’origine, l’IRT Railenium et ses partenaires industriels (Alstom Transport, SNCF…) avaient listé 40 sujets d’essais virtuels. Ils en ont retenu quatre pour commencer : la gestion de l’énergie, consistant à déterminer le dimensionnement d’une « chaîne de traction » (source d’énergie alimentant l’ensemble des systèmes électriques d’un train par exemple) en fonction des données de consommation ; le test de divers formats de bogie (le chariot mobile placé sous le châssis des voitures et des motrices) ; l’étude de la manière dont sont sollicités les divers composantes mécaniques d’un véhicule ferroviaire (suspension, frein, etc.) ; les tests de signalisations ferroviaires (connu sous l’acronyme d’ERTMS).
« Le projet bogie va commencer au premier trimestre 2023, continue Bertrand Minary. Concrètement, nous allons acheter un bogie, lui faire subir tous les stress possibles et récupérer les données pour le modèle numérique. L’idée, dans un premier temps, est de vérifier si l’on peut justement se fier à ce que donne un test numérique ». Après la mise en place d’un comité de direction en juillet 2022, le projet va continuer de s’élaborer jusqu’en 2025.
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