A l’extrême sud de l’océan Indien, des médecins accompagnent, dans des conditions particulières, les chercheurs, militaires et agents des Terres australes françaises (Taaf) sur les îles Kerguelen, Crozet et Amsterdam pour leur permettre de travailler en toute sécurité.
Mais dans les Terres australes « c’est un peu plus long », euphémise le médecin du Marion Dufresne lors d’un cours de secourisme donné sur ce navire de ravitaillement aux passagers à destination de Crozet, Kerguelen ou Amsterdam.
Presque tous les futurs hivernants ont déjà suivi des cours de secourisme, mais sur les structures des districts sont différentes: pas d’ambulance, les secours portent les civières à pied jusqu’à l’hôpital et les médecins n’ont pas d’équipe pour les appuyer. Ce sont les… ornithologues ou spécialistes des otaries qui les épaulent en cas de coup dur.
« Etre rapatrié, ça met plus longtemps », prévient le Dr Chevobbe.
– « Surtout de la traumatologie » –
Les eaux environnantes, parcourues par de petits bateaux de pêche ou navires militaires, sont loin des routes habituelles de la marine marchande. Pour une urgence absolue, il faut patienter au minimum cinq jours qu’un bateau se déroute.
Et pour une évacuation sanitaire moins urgente, on attend le passage… trimestriel du Marion Dufresne.
« Sur Kerguelen, on nous apprend à gagner du temps, à temporiser un cas », explique le Dr Laurent Lévy, qui vient d’exercer un an sur l’île.
« La population qu’on soigne est sélectionnée et globalement en bonne santé », rappelle le Dr Lévy: les personnes autorisées à poser le pied sur l’île ont en effet passé des examens médicaux très complets avant d’arriver.
« Dans les faits, on fait surtout de la traumatologie, de la médecine générale et beaucoup de soutien psychologique. La base est comme un petit village. Les gens peuvent se confier à nous, on garde leurs secrets », explique-t-il.
Il faut cependant se tenir prêt, dans cet environnement difficile, avec une météo froide et venteuse et la présence d’animaux sauvages, les occasions de se blesser ne sont pas rares: cela va des morsures d’otaries à des fractures occasionnées par des chutes.
Natacha Jacquot, qui a pris son poste à Crozet fin décembre, a suivi quatre mois de formation avant de partir dans les Taaf.
Pour la plupart déjà passés par les urgences, les autres jeunes médecins qui exercent dans ces îles ont dû suivre une formation accélérée à la chirurgie, à la dentisterie et autres spécialités, ainsi qu’un stage de secours en montagne auprès du Peloton de gendarmerie de haute montagne (PGHM) de Chamonix.
-« Ta garde ne va pas finir » –
« Quand tu es urgentiste, tu te débrouilles avec ce que tu as, là c’est aller au bout du truc. Ta garde ne va pas finir », raconte le Dr Jacquot. « Tu peux quand même faire de la bonne médecine », ajoute-t-elle.
Les hôpitaux des trois îles sont les mieux équipés à des milliers de kilomètres à la ronde avec un bloc opératoire, un cabinet dentaire et la possibilité d’y faire radios, échographies ou analyses biologiques.
Il arrive d’ailleurs que des pêcheurs s’y arrêtent pour se faire soigner.
Les médecins peuvent également demander conseil à des spécialistes grâce à un partenariat avec le CHU de la Réunion.
« L’an dernier à Kerguelen, il y a eu 700 consultations, dont 10% de dentisterie et 20 à 30% de traumatologie, rarement des choses importantes. Il y a une fois par an et par médecin une intervention un peu lourde », a-t-on expliqué à Maël Janhsen, venu remplacer le Dr Lévy à Kerguelen.
Pour le Dr Lucie Fabie, qui quitte Crozet après une année d’exercice, « la mission a été très facile sur le plan médical: il n’y a pas eu d’accompagnement long et complexe, plutôt de la bobologie ».
Pourtant, « des fois, on est dans la routine et quelque chose te dit: +s’il se passe quelque chose, t’es toute seule+ ». Aussi a-t-elle « pris le pli d’être constamment dans l’observation et l’attente »…
afp