Hôpital, médecine de ville : les maux du système de santé et les mesures d’Emmanuel Macron

Le chef de l’État s’est rendu, au chevet d’un secteur profondément malade.

Il a dévoilé un plan pour sortir de cette « crise sans fin » lors ses vœux aux soignants.

Déserts médicaux, pénurie de soignants : quelles sont les plaies du système de santé ?

• Des déserts médicaux partout

Le diagnostic est vraisemblablement bien pire que ce qu’en disent les statistiques. Selon le ministère de la Santé, 5,7% des Français vivaient dans une « zone sous-dense » en médecins généralistes en 2018. Des chiffres officiels sans doute largement sous-estimés. L’UFC-Que Choisir dénonce pour sa part un accès aux soins (tant géographique que financier) « particulièrement difficile » pour plus de 20% de la population. La ministre déléguée aux Professions de santé, Agnès Firmin Le Bodo, va encore plus loin, répétant ces derniers mois que « 87% du territoire est considéré comme un désert médical ».

La situation n’est pas près de s’améliorer : alors que les besoins augmentent sous l’effet du vieillissement, la profession traverse un « creux » démographique qui ne sera pas rattrapé avant 2035, le temps que la suppression du « numerus clausus » à l’entrée des études de médecine produise ses effets.

Les politiques d’incitations ayant montré leurs limites, la pression monte de toutes parts et les propositions de loi se multiplient, pour restreindre la liberté d’installation des médecins et mieux répartir la pénurie. Le gouvernement s’y oppose et défend un partage des tâches avec les autres soignants, notamment les infirmiers. Sauf que les praticiens refusent cette perspective et attendent plutôt des hausses de tarifs. En pleine négociation avec l’Assurance maladie, un collectif soutenu par plusieurs syndicats a organisé une grève depuis Noël et une manifestation à Paris jeudi, pour revendiquer un doublement de la consultation de base, de 25 à 50 euros.

• Des hôpitaux sans bras

La triple épidémie hivernale de bronchiolite, Covid-19 et grippe, s’est abattue à la fin de l’automne sur un système hospitalier déjà exsangue en raison d’une pénurie structurelle de soignants. Il manque jusqu’à 40% d’effectifs paramédicaux (infirmiers et aides-soignants) dans certains services. Aux urgences, la plupart des mesures de la « mission flash » (accès filtré, majoration des heures de nuit, recours aux infirmiers libéraux) mises en œuvre durant l’été ont été pérennisées, sans faire de miracle.

En décembre, un collectif de plus de 5.000 médecins, soignants et agents hospitaliers, a imploré l’exécutif d’agir en urgence, pour soulager un hôpital public « en train de se fissurer et bientôt de s’écrouler », incapable « d’amortir la moindre crise sanitaire ». Il exige notamment un horaire défini et un ratio maximal de patients par infirmier, ce qui nécessiterait environ 100.000 embauches sur trois ans. Au-delà des recrutements, l’enjeu pour l’hôpital est déjà de garder ses soignants, alors qu’aux Hôpitaux de Paris, par exemple, les effectifs infirmiers ont fondu de 10% en quatre ans, aggravant à 16% le taux de lits fermés. Les revalorisations financières issues du Ségur de la santé, en 2020, n’ont pas suffi. Tous les professionnels insistent sur la nécessité d’améliorer les conditions d’exercice et de vie au travail.

• Pédiatrie, psychiatrie, des spécialités en crise

L’épidémie précoce et particulièrement virulente de bronchiolite a jeté une lumière crue sur le manque de pédiatres à l’hôpital comme en ville. « Au printemps, restera-t-il quelqu’un pour soigner les enfants ? », se sont interrogés en décembre environ 10.000 soignants réunis au sein du Collectif de pédiatrie. Pour répondre à cette crise « historique », l’exécutif promet des « assises de la pédiatrie et de la santé de l’enfant » pour le printemps, en constituant un comité de pilotage mais sans préciser la date de ce rendez-vous à des professionnels qui s’impatientent.

Des assises, la psychiatrie en a déjà connues en septembre 2021, avec à la clé la création de 800 postes d’infirmiers dans les centres médico-psychologiques (CMP). Une annonce jugée largement insuffisante, alors que la pénurie de médecins et d’infirmiers touche aujourd’hui cinq établissements hospitaliers sur six, selon les syndicats d’un secteur de la santé mentale « délabré ». Le gouvernement assure avoir « pleinement conscience » des difficultés de la psychiatrie. Des discussions devraient avoir lieu en ce début 2023 en vue de la présentation d’un nouveau « plan d’ampleur ».

Les engagements d’Emmanuel Macron

Du « temps médical » libéré, un hôpital où le travail est réorganisé pour le rendre plus attractif, des médecins mieux rémunérés pour les gardes… Voici les principales mesures annoncées par le chef de l’État.

• Assistants médicaux et infirmiers

Recruter des assistants médicaux. Emmanuel Macron promet d’accélérer le recrutement de ces professionnels institués en 2018, pour porter leur nombre de « près de 4.000 » subventionnés par l’Assurance maladie actuellement, à « 10.000 d’ici la fin de l’année prochaine ». Un moyen de libérer « du temps médical » pour le suivi des patients par les médecins.

Garder les infirmiers à l’hôpital. Soulignant que les places ouvertes aux concours d’infirmiers ont augmenté de « plus de 20% en trois ans », le chef de l’État s’engage à « aller encore plus loin ». Mais il a exprimé la nécessité de travailler sur l’organisation des études, que trop d’élèves quittent en cours de route, et prône « un système plus responsabilisant » en sortie de cursus, pour que les infirmières restent à l’hôpital.

• Moderniser l’organisation de l’hôpital

Réorganiser le travail. Emmanuel Macron exige une meilleure organisation du temps de travail dans les hôpitaux « d’ici au 1er juin », en donnant plus d’autonomie à chaque service, pour leur permettre de garder les soignants qui les quittent et de les rendre plus attractifs. Il déplore une « hyper-rigidité » dans l’application des 35 heures et un système qui « ne marche qu’avec des heures supplémentaires ».

Un médecin aux manettes. Un tandem « administratif et médical », constitué sur la base d’un « projet », va être instauré à la tête de chaque hôpital. Une manière de conférer une place plus importante aux médecins, dont beaucoup critiquent la dérive bureaucratique de la gestion hospitalière.

Fin de la tarification à l’activité. Dès le prochain budget de la Sécurité sociale, le président de la République souhaite la « sortie » de la fameuse « T2A », le mode de tarification de l’hôpital public, souvent accusé de pousser à la suractivité avec des effectifs moindres. « Il faut qu’il y ait une part structurante de la rémunération qui repose sur des objectifs de santé publique qu’on négocie à l’échelle d’un territoire », selon lui.

• Des mesures pour les médecins de ville

Récompenser les gardes. Emmanuel Macron veut « mieux rémunérer » les praticiens de ville qui assurent la permanence des soins et « prennent en charge des nouveaux patients », afin que les Français « trouvent facilement un médecin de garde ». Une mesure qui devrait être confirmée dans le cadre de la convention liant les libéraux à l’Assurance maladie pour les cinq prochaines années, en cours de renégociation jusqu’à fin février.

Un médecin traitant pour tous les malades chroniques. Tous les patients souffrant d’une maladie chronique et ne disposant pas, à l’heure actuelle, d’un médecin traitant, s’en verront proposer un « avant la fin de l’année », assure Emmanuel Macron. Leur nombre est estimé à 600.000. À défaut de « médecin traitant », ils auront accès à « une équipe traitante » de soignants de diverses disciplines. Au-delà des seuls malades chroniques, le ministre de la Santé, François Braun, avait déjà promis que, parmi les 6 millions de patients sans médecin traitant, tous ceux qui le souhaitent en auraient un « d’ici la fin du quinquennat ».

Moins de contraintes administratives. Répondant à une demande répétée des médecins généralistes, Emmanuel Macron veut « continuer à supprimer toutes les tâches inutiles, comme certains certificats ». Il plaide aussi pour la libéralisation de la « télé-expertise », critiquant le seuil de 20% existant. Actuellement, un médecin ne peut réaliser, sur une année civile, plus de 20% de son volume d’activité à distance (téléconsultations et télé-expertises cumulées).

AFP

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