Des mesures d’accompagnement sur l’emploi des seniors ou la pénibilité sont prévues. Ce qui ne suffit pas à satisfaire les syndicats.
Lors d’une conférence de presse en présence de plusieurs ministres, mardi 10 janvier, la Première ministre Élisabeth Borne pourrait, selon plusieurs de ses interlocuteurs, proposer un report de l’âge légal de départ à 64 ans, au lieu de 62 actuellement, après avoir envisagé 65 ans. Ce report serait associé à une accélération de l’allongement de la durée de cotisation, qui passerait à 43 ans avant l’horizon 2035 fixé par la réforme Touraine.
Minimum retraite, pénibilité
Le gouvernement serait par ailleurs prêt à relever, lors du débat parlementaire, le minimum retraite à 1.200 euros pour l’ensemble des retraités et non seulement pour les nouveaux entrants. La retraite minimum pour une carrière complète est actuellement de 747,57 euros.
Sur l’emploi des seniors, un « index » serait mis en place sur le modèle de l’égalité femme-homme, avec l’obligation de négocier un accord en cas « d’absence de communication » des entreprises sur cet index. Sur la pénibilité, le ministre du Travail Olivier Dussopt assure avoir « répondu » aux syndicats réformistes, évoquant « un suivi médical renforcé » pour les « risques ergonomiques ».
Les Français contre le report de l’âge légal
Aurore Bergé, présidente des députés macronistes Renaissance, appelle aussi, dimanche dans Le Parisien, à la prise en compte des « trimestres d’apprentissage » entre 16 et 18 ans pour « un départ anticipé ».
La pierre d’achoppement reste la mesure d’âge. Plus de deux tiers des Français (68%) sont défavorables au report à 64 ans, selon un sondage Ifop-Fiducial. « Il n’y aura pas de deal avec la CFDT » en cas de report de l’âge légal et « on fera tout pour que le gouvernement recule », avertit son leader Laurent Berger dans Le Parisien.
L’emploi des seniors au cœur du sujet
Le gouvernement reste toutefois déterminé.
« Ce n’est pas parce qu’une réforme est impopulaire qu’il ne faut pas la faire », a défendu son porte-parole Olivier Véran vendredi sur BFMTV-RMC, faisant appel à « l’esprit de responsabilité ». Il reconnaît des désaccords sur les « solutions ».
La CFDT a des propositions pour relever le taux d’emploi des seniors qui permettra de combler le déficit. Tous les syndicats défendent une hausse des cotisations patronales, piste aussi évoquée par le Haut-commissaire au Plan François Bayrou, mais écartée par l’exécutif. L’ancienne ministre du Travail (2017-2020) Muriel Pénicaud prévient que l’emploi des seniors, particulièrement bas en France, est « le premier sujet qu’il faut traiter », sinon « c’est les mêmes qui travaillent tard qui vont travailler plus tard, et les autres qui vont basculer au chômage ou au RSA ».
LR prêt à voter pour
À défaut de convaincre les syndicats, reçus comme les forces politiques à plusieurs reprises à Matignon depuis octobre, le gouvernement espère rallier les élus LR, divisés sur cette réforme pourtant proche de ce que vote chaque année le Sénat, à majorité de droite. Le ministre de l’Économie Bruno Le Maire ne peut « pas imaginer que les Républicains ne restent pas fidèles à leurs promesses de campagne ».
Le patron de LR Éric Ciotti se dit prêt, dans le JDD, à « voter une réforme juste » et étalée dans le temps, avec un âge de départ relevé à 64 ans en 2032 et un minimum à 1.200 euros y compris pour les retraités actuels. Un vote LR permettrait à l’exécutif de ne pas dégainer le 49.3 pour faire adopter par l’Assemblée sa réforme, qui devrait passer par un projet de loi de financement rectificative de la Sécu.
« La mère des batailles »
Le texte sera examiné en Conseil des ministres le 23 janvier. Mais les syndicats, qui se réunissent mardi soir, envisagent de mobiliser avant cette date, alors qu’à gauche la Nupes tient meeting les 10 et 17 janvier et que LFI manifeste le 21. Le projet de loi doit passer en commission à l’Assemblée nationale à partir du 30 janvier, et dans l’hémicycle le 6 février, pour deux semaines, selon des sources parlementaires.
Le patron de la CGT Philippe Martinez ironise sur l' »exploit » de l’exécutif, qui unit les syndicats dans l’action pour la première fois depuis douze ans. « Si Emmanuel Macron veut en faire sa mère des réformes (…) pour nous ce sera la mère des batailles », abonde le patron de FO Frédéric Souillot.