PREMIERE. Un mini-cerveau humain greffé à une souris réagit à la lumière

Un organoïde de cerveau humain a été greffé à une souris, qui, pour la première fois, a montré une réaction à un stimulus extérieur : un rayon de lumière. L’expérience montre que la greffe a bien fonctionné et que des connexions neuronales se sont formées. Explications.

Pour la première fois, un mini-cerveau humain implanté à une souris a montré une réaction à un stimulus extérieur : un rai de lumière dans les yeux de l’animal. Jamais auparavant la science n’avait pu attester que la transplantation avait bien permis de créer de nouvelles connexions entre les deux organes. Cette expérience, menée par une équipe de l’Université de San Diego (Etats-Unis), marque une étape de plus dans l’utilisation d’organoïdes humains.

Largement utilisés dans la recherche depuis plusieurs années, les mini-cerveaux, ou organoïdes de cerveaux, sont mis au point en laboratoire à partir de cellules souches pluripotentes. « Les cellules de peau humaines, lorsqu’elles sont en culture, peuvent être traitées afin de devenir des cellules souches, le même type de cellules que celles d’un embryon. Ces cellules souches pluripotentes peuvent ensuite devenir n’importe quel type de cellules, comme les cellules d’un embryon qui se diversifient en cellules du cœur, du foie ou en neurones. Dans notre laboratoire, nous poussons les cellules souches à devenir des cellules nerveuses grâce à un protocole développé et amélioré depuis plusieurs années.

La cellule grandit alors en 3D et forme un organoïde avec certaines caractéristiques d’un cerveau normal, notamment une organisation structurée en couches (de la surface à la profondeur). Au fur et à mesure que les organoïdes se développent en trois dimensions, ils montrent également une organisation en couches, qui restent toutefois bien que plus simple que le cortex cérébral réel », explique à Sciences et Avenir le Dr Martin Thunemann, spécialisé en ingénierie biomédicale à l’université de Boston, à l’origine de ces travaux.

Des connexions synaptiques entre les cellules humaines et animales
Une fois créés en laboratoire, l’équipe a retiré un petit morceau du cortex de la souris situé dans l’aire visuelle, mais bien plus succinct que toute l’aire visuelle toute entière, afin que les capacités de la souris ne soient pas altérées. L’organoïde a ensuite été implanté dans la partie de cerveau manquante. Moins d’un mois après la transplantation, les chercheurs ont pu voir que des connexions synaptiques fonctionnelles s’étaient développées entre l’organoïde et le reste du cerveau de la souris. Deux mois plus tard, les tissus s’étaient encore mieux intégrés les uns aux autres. Mais la grande avancée de cette expérience a été de pouvoir prouver que les tissus se sont mis à communiquer entre eux : la souris a réagi à un stimulus lumineux, à savoir, un rai de lumière dirigé vers ses yeux. Une première décrite dans la revue Nature Communications.

Concrètement, la souris n’a pas tourné la tête une fois l’ampoule allumée. L’équipe a pu mesurer une réaction dans le cerveau de la souris grâce à des électrodes en graphène, capables de détecter l’activité de l’organe grâce aux ondes cérébrales qu’il émet. « Nous avons vu une réponse au stimulus lumineux, ce qui indique que l’excitation et l’information peuvent circuler de l’œil de la souris jusqu’au cortex et à l’organoïde implanté.

Pour cela, le stimulus visuel doit traverser plusieurs connexions synaptiques, dont une, probablement la dernière, entre la souris et les cellules humaines. » A la fin de l’expérience, les souris ont été euthanasiées afin d’observer l’implant et le cortex de la souris. Grâce à une technique appelée immunofluorescence, qui permet de voir certaines structures dans les tissus, l’équipe a pu confirmer qu’il existait bel et bien des synapses entre la souris et les cellules humaines. « Toutefois, en observant le comportement de la souris avec une caméra, nous n’avons pas pu constater une réaction physique de la souris à la lumière dirigée vers ses yeux. »

Remplacer les tissus malades par des organoïdes
Cette équipe de l’Université de San Diego avait déjà montré par le passé que des mini-cerveaux implantés chez la souris peuvent se connecter aux vaisseaux sanguins de leur hôte afin de s’approvisionner en oxygène et en nutriments. Ils avaient aussi montré que les neurones commencent à maturer et à s’organiser comme dans un cerveau normal. En 2021, un organoïde de cerveau avait commencé à développer des structures oculaires rudimentaires. Mais la recherche est encore loin de pouvoir mettre au point un organe capable de « voir » en laboratoire.

En revanche, cette avancée pourrait être utilisée dans la recherche médicale. « Nous pourrions générer des organoïdes à partir de cellules de peau saines ou de patients atteints de troubles neuropsychiatriques, comme la dépression, la schizophrénie ou encore la maladie d’Alzheimer. Notre approche expérimentale pourrait nous permettre de mieux observer les différences entre les cellules saines et les cellules malades dans l’organoïde, ainsi que la façon dont le cerveau interagit avec son hôte souris », explique le Dr Thunemann. Dans un futur plus lointain, l’équipe espère réussir à soigner certaines maladies en créant des tissus sains à partir de cellules souches.

Les organoïdes pourraient alors être utilisés afin de restaurer certaines fonctions dans le cerveau, dans les aires endommagées. « La maladie de Parkinson, par exemple, se traduit par la mort d’un certain type de cellules dans le cerveau. Or les organoïdes pourraient être utilisés pour remplacer ces cellules manquantes et atténuer les symptômes cliniques de la maladie. » Une piste encore bien fragile pour le moment, qui devra être confirmée par de futurs travaux.

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